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Le contrat d’union civil révolutionnaire, le mariage gay réactionnaire ?

Alors que le second tour de l’élection présidentielle se déroule ce dimanche 6 mai, deux projets idéologiquement opposés s’affrontent sur les questions LGBT.

Le mieux disant socialiste, soutenu par les associations LGBT, vise à une pleine égalité des droits via principalement le mariage et le droit à l’adoption pour les couples homosexuels. Il s’oppose à celui d’une droite néolibérale qui tout en faisant le constat proclamé, par conviction ou opportunisme, que les couples gay doivent être d’avantage reconnus, limite cette reconnaissance sociale en instaurant un nouveau régime, l’union civile, qui en singeant le mariage sans en donner le nom vise également à s’opposer aux revendications liées à la filiation. Pour autant ce même projet est régressif car il vise également à revenir sur l’acquis fondamental du Pacs comme régime juridique d’organisation du couple en ne laissant le choix, in fine, qu’entre le mariage civil et l’union civile, aux régimes proches mais aux effets différents, symboliques et juridiques, sans que l’on sache par ailleurs si ce nouveau régime matrimonial serait réservé ou non aux seuls couples homosexuels.

Alors que penser ? De prime abord, on se dit que le mieux offrant et mieux disant est le plus à même de répondre aux revendications proclamées, et c’est vrai. A l’opposé, on se dit que le moins disant et le moins offrant ne répond que partiellement à ces mêmes revendications, et c’est tout aussi vrai. Pour autant, les deux projets, s’ils étaient adoptés, auraient des effets opposés à l’idéologie qui les sous-tendent a priori. Ces deux projets également font l’impasse sur une réflexion profonde sur l’organisation de nos familles, mettant par ailleurs en danger le Pacs qui est le seul vrai mode de gestion moderne de nos couples.

I. Le mariage gay réactionnaire, le contrat d’union civil révolutionnaire ?

La revendication de mariage gay se veut libérale et progressiste et pourtant elle porte sur une institution ringarde, réactionnaire et sclérosante. A l’inverse, le projet d’union civil dont le seul but est en réalité de s’opposer aux velléités de mariage, est par essence moderne et novateur dans le sens qu’il propose et constitue l’occasion de créer de toute pièce un nouveau régime juridique d’organisation des couples et par là même pourrait constituer l’occasion de réfléchir à l’organisation moderne des familles dans notre société.

Le contrat d’union civil révolutionnaire : la revendication d’un régime nouveau. Alors en quoi serait révolutionnaire le contrat d’union civil ? En pas grand-chose avouons le et au-delà de la provoc la seule vrai révolution ne vient pas du régime que cela instituerait, car il imite le mariage tout en étant régressif et discriminant puisqu’il serait réservé aux seuls homosexuels et exclut les questions de filiation. Révolutionnaire, car il créerait un nouveau régime et par là même serait moderne ? Non pour les mêmes raisons. Il est novateur uniquement car il interroge sur une autre voie que celle du mariage pour l’organisation du couple mais vu qu’il le singe sans pour autant en octroyer tous les bénéfices il n’est pas révolutionnaire mais bien réactionnaire. Ne nous y trompons pas, le projet porté par Nicolas Sarkozy vise davantage à répondre aux velléités de mariage gay que de répondre à un souhait légitime de reconnaissance sociale des couples homosexuels comme de lutter contre les discriminations légales qui frappent ces couples.

Les opposants à l’ouverture du mariage civil aux couples homosexuels avancent également pour justifier le choix du contrat d’union civil que le mariage est réservé aux hétérosexuels seuls aptes à procréer et la fonction du mariage ne résiderait que dans l’hypothèse de la constitution d’une filiation. L’argument est fallacieux. Les femmes infertiles comme les hommes stériles devraient à défaut être répudiables, déclarés même comme incapables de pouvoir se marier, et l’absence de progéniture marquerait la nullité du mariage, nullité qui devrait être absolue, les mariés n’ayant pas répondu à l’objectif social de leur union et ce au détriment de la société qui leur a accordé des droits au titre d’une fonction reproductive. A l’inverse que dire de ces inconscients qui procréent et se reproduisent en dehors du mariage qui serait la seule institution également à même de garantir une sécurité juridique pour les enfants ? Doit-on dans ce cas déclarer de plein droit un mariage entre ces parents irresponsables ? On le voit, l’argument de la filiation dans le cadre du mariage ne tient pas ne serait-ce par ce que les qualités reproductives sont indépendantes même de toute filiation. Un homosexuel est-il par essence infertile et une lesbienne est-elle incapable de procréer ?

Le contrat d’union civil n’a donc rien de nouveau ni de révolutionnaire il est même réactionnaire en s’appuyant sur une conception passéiste de la famille qui conteste la pluralité des familles actuelles et, au-delà, leur déni toute reconnaissance.

Le mariage gay réactionnaire : la revendication d’un régime archaïque. Le projet défendu par les partis de gauche serait alors révolutionnaire ? Et bien non, le projet de Ségolène Royal vise à répondre à ces même revendications et faire cesser toute discrimination et si la symbolique est légitime il n’interroge nullement sur ce qu’est le mariage, l’organisation légale de la famille de nos jours et si le mariage est encore en l’état une institution adaptée à la pluralité des familles, de nos modes de vie et des parcours individuels qui voient se succéder les unions.

C’est le mariage qui est réactionnaire par essence, rien que la sacralisation et l’importance donnée à cette institution est réactionnaire alors même qu’il n’y a jamais eu autant de divorces ! C’est à croire que l’institution est par ailleurs plus importante que l’union en elle-même qu’elle est censée encadrée ! Est-ce normal d’accorder des droits dès la conclusion du mariage à des couples qui divorceront quelques mois après dans les pires cas alors même que des couples en concubinage depuis 30 ans se voient exclus du bénéfice de ces mêmes droits ? Est-ce normal que la société ne donne pas de droits à un couple de concubins qui aurait une progéniture importante alors même qu’elle en donne à un couple marié qui, par choix, ne souhaite pas procréer ? Pourquoi la société ne reconnaît aucun droit aux concubins ensemble depuis plusieurs années alors même qu’elle en reconnaît à des mariés, ou remariés, fraîchement de l’année ? Ces couples de concubins, hétérosexuels ou homosexuels, sont-ils après tout moins légitimes qu’un couple marié ou même pacsé ?

Bien que l’évolution légale a amoindri les carcans liés à l’institution du mariage notamment en facilitant le divorce, il n’en demeure pas moins que c’est un régime lourd avec des conséquences juridiques importantes non seulement pour chacun des principaux intéressés mais même pour les enfants, issus de ce mariage ou non, ou pour les nouveaux conjoints qui subissent les conséquence d’un mariage et d’un divorce antérieur de leur conjoint a fortiori quant ce dernier est décédé. C’est aussi une institution au formalisme pesant et, ne nous le cachons pas, avec un parallèle religieux, qu’on y adhère ou non.

II. Le Pacs, seul régime révolutionnaire et non réactionnaire

Alors quel régime juridique est à la fois révolutionnaire et non réactionnaire ?

Le Pacs, un régime novateur imparfait. Et bien le Pacs ! De part sa souplesse, son formalisme, sa formation, sa gestion et son éventuelle résolution qui sont laissés dans une très large mesure à l’appréciation et au soin des contractants qui après tout sont les principaux intéressés. Mais il est insuffisant dans ses effets, nous le savons, tant sur les questions successorales, fiscales, sociales etc etc

On oppose que le Pacs a réintroduit le droit de répudiation mais dans ce cas quid de l’abandon progressif du divorce pour faute et des réformes successives facilitant le divorce, souvent le fait de la droite même ? On avance pour le mariage que l’intervention du juge, donc de la société, est impérative dans les désunions. La présence de tiers comme garant de l’institution plus que de l’union est tout aussi requise. Mais après tout, socialement, on ne réclame plus pour le mariage l’autorisation parentale et là où dans les résolutions des unions, le juge venaient garantir à la femme principalement les moyens de sa subsistance à une époque où les femmes étaient patrimonialement en situation de dépendance économique face à leurs maris, ce n’est quasiment plus le cas aujourd’hui. Les fiançailles ne sont pas plus une étape obligée ou que le veuvage ou le divorce empêche tout remariage au regard de la société cette fois.

Oui le Pacs est une solution novatrice et moderne mais elle est limitée dans ses effets. Pourquoi ne pas rendre encore plus libéral le Pacs en octroyant la faculté pour les contractant de régler comme bon leur semble l’organisation de leur union dans ce cadre et même l’organisation de leur désunion ? La société ne peut-elle reconnaître à ces couples les mêmes droits que les couples mariés et le mariage, s’il a un aspect institutionnel, a tout autant un aspect contractuel que l’on reconnaît également au Pacs ? L’institution doit-elle demeurer dans la seule vision du mariage proprement dite ou dans la vision même des couples, indépendamment de leur projet familial ou non, de leur orientation sexuelle ou non ?

Mais le Pacs est incomplet, et que ce soit via l’instauration d’un contrat d’union civil ou l’ouverture du mariage civil aux homosexuels, il est en danger.

Le Pacs, un régime en danger à améliorer. Si le projet de Nicolas Sarkozy sur le sujet est le plus directement à même de menacer le Pacs en souhaitant le supprimer à terme, celui de Ségolène Royal en ouvrant le mariage occulte également toute réflexion sur une amélioration du Pacs.

L’adoption de l’union civile est dangereuse en conduisant à la suppression du Pacs et au final avec un retour en arrière sur un model sociétal fondé sur le mariage et son ersatz de contrat d’union civil. Mais le mariage gay n’est pas pour autant la panacée espérée, le Pacs est un acquis minoré par les représentants de la communauté LGBT qui placent le mariage comme la solution finale absolue, sorte de graal égalitaire, alors que l’ouverture du mariage risque de pétrifier le Pacs dans sa forme actuelle sans autre évolution pour ce régime moderne, libéral et souple.

Alors OUI l’ouverture du mariage civil et du droit à l’adoption aux couples homosexuels est une revendication non seulement légitime mais impérieuse pour faire cesser toute discrimination légale entre les couples. Pour autant, à l’égalité des droits nous ajouterons l’égalité des contraintes pour ne pas employer un autre terme moins délicat. On le voit au final, l’ouverture du mariage civil et du droit à l’adoption répondent en effet à des revendications égalitaires mais cela ne répond nullement à la question de savoir ce que sont nos familles aujourd’hui. Devons nous subir les mêmes contraintes, difficultés et problèmes rencontrés par les couples mariés pour s’interroger par la suite sur la nature même du mariage et de nos régimes d’organisation du couple et de nos familles ?

On ne pourra pas faire l’économie d’une réflexion profonde sur nos régimes matrimoniaux. Le Maire a-t-il encore sa place dans les affaires privées de nos couples pour que l’on souhaite à ce point vouloir potentiellement se retrouver devant pour régler nos unions ? Le juge a-t-il encore sa place dans les affaires privées de nos couples pour que l’on souhaite à ce point vouloir potentiellement se retrouver devant pour régler nos séparations ? Ayons cette réflexion dès à présent et servons nous du régime du Pacs, non discriminant, pour opérer cette mutation propre à répondre aux revendications de toutes les familles et de tous les couples.

Après c’est une question de calendrier. Cela se fera tout de suite si nous avons cette ambition de rénovation profonde de l’organisation de nos familles ou plus tard, après le constat d’un contrat d’union civil discriminant et insuffisant ou de l’ouverture aux homosexuels d’un mariage civil sclérosant et archaïque qui ne répond plus aux réalités de ces mêmes familles.

Au final, nous n’aurons gagné ni avec le contrat d’union civil ni avec l’ouverture du mariage civil mais tous nous gagnerons à repenser le cadre légal reconnaissant et régissant nos unions.

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