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Le Pacs enterrera-t-il le Mariage ?

On doit aux démographes le soin de photographier fidèlement la société. Dans la revue Populations et Sociétés du mois de mars 2008, le démographe Gilles Pison de l’Institut National d’Etudes Démographiques (INED) qui édite la publication dresse les tendances actuelles de la société française et plus particulièrement de la Famille au regard des données de l’année 2007 écoulée.

Dans son résumé, Gilles Pison fait le constat que «La démographie française est faite de continuité et de nouvelles tendances» et «attire notre attention sur trois d’entre elles : l’étonnante progression de l’espérance de vie depuis 2003, année marquée par la canicule, la montée très rapide du pacs hétérosexuel, et les naissances d’enfants de parents non mariés, désormais majoritaires». Ces données reflètent à la fois une évolution de notre société autant que celle des couples, des individus, à la lumière d’évolutions sociales, légales ou techniques concernant l’espérance de vie.

«Quatre pacs ont été enregistrés pour dix mariages, et un enfant sur deux est né de parents non mariés» souligne le démographe : «Depuis l’instauration du pacte civil de solidarité (pacs) en novembre 1999, le nombre de nouveaux pacs conclus augmente d’année en année. Il a plus que quintuplé entre 2001 et 2007, passant de 19 632 à 102 012. Avec près de quatre pacs conclus pour 10 mariages en 2007, on se rapproche d’un pacs pour deux mariages. Les pacs entre personnes de même sexe ont beau avoir augmenté de près de 50 %, la hausse vient surtout de l’essor des pacs entre personnes de sexe différent. Leur nombre est passé de 15 426 à 97 000, soit une multiplication par plus de six en six ans. Dans le même temps, le nombre annuel de mariages a diminué de près de 30 000, passant de 288 000 en 2001 à 260 000 en 2007».

Si des raisons légales, notamment fiscales, peuvent expliquer cet engouement nouveau pour le Pacs, d’autres raisons beaucoup plus profondes, et plus anciennes, participent à cette désacralisation du mariage comme cadre légal des unions (I). Le Mariage, institution et cadre de naissance et d’éducation des enfants est tout autant remis en cause et délaissé (II).

I. Le Mariage délaissé comme forme d’union. Le Mariage était historiquement, socialement et juridiquement le cadre de développement du couple, la cérémonie de mariage par sa publicité, comme la cérémonie religieuse pourtant sans conséquence légale, constituaient l’acte fondateur de l’union tout en la confirmant et la sacralisant au regard des proches ou des autorités publiques. Pourtant, «Le pacs hétérosexuel est-il en train de remplacer progressivement le mariage ?» s’interroge le démographe.

Alors que les opposants au Pacs dénonçaient originellement un sous-mariage, les françaises et français semblent en avoir fait un «autre» ou un «nouveau» Mariage. Au-delà, et alors que ces mêmes opposants prédisaient la fin de la société, cette même société a adopté le Pacs comme mode moderne de gestion du couple et de son quotidien, fiscal, social, successoral etc, qui importe pour les couples d’avantage que sa reconnaissance sociale et de celle des pouvoirs publics. L’aspect institutionnel, voir religieux, du Mariage s’efface devant l’aspect contractuel de l’institution.

C’est bien, à tort ou à raison, la suprématie de l’individu qui prime même face à l’entité du couple. Si l’octroie de droits et la diminution des devoirs ont conduit au succès du régime du Pacs, sa souplesse et son formalisme amoindri, dans sa formation comme sa résolution, sont plus en adéquation avec les modes de vie moderne. La désacralisation du mariage est pourtant indépendante de l’adoption du Pacs. Cet amoindrissement du Mariage, né de 1968, est une conséquence des revendications individuelles de liberté sexuelle et de non ingérence du corps social et des autorités publiques dans la sphère privée même si il y avait une persistance dans le besoin de reconnaissance publique des unions par la cérémonie du mariage, sa publicité… Ce sont les réformes facilitant le divorce, les remariages, les unions libres acceptées socialement dorénavant, les modifications des règles d’usages des patronymes des mariés comme le projet actuel de réforme du divorce avec l’intervention du Notaire etc qui participent aussi à cette privatisation des unions. Dans le même sens, les contraintes du Mariage, des régimes matrimoniaux avec l’obligation d’assistance, de solidarité ou les conséquences financières d’une désunion pour les mariés, deviennent des freins à l’adoption d’un tel régime.

Ainsi, les couples ne ressentent plus le besoin de se soumettre à l’institution comme au cérémoniel matrimonial, seuls comptes les bénéfices pour les conjoints de leur contractualisation à un régime. Et avec le Pacs, l’inscription du couple dans un statut légal se fait à moindre publicité et sans qu’une reconnaissance sociale ou familiale importe.

Du «moins bien» originel du Pacs par rapport au Mariage on arrive en moins de dix ans à un «mieux vaut» le Pacs au Mariage. L’Inter-LGBT faisait elle-même le constat récemment en conférence de presse qu’entre le Mariage et le Pacs il n’y a plus guère de différences. La revendication du Mariage tenait plus de la symbolique égalitaire et réside dorénavant plus dans les revendications homoparentales que dans la volonté de voir reconnaître pleinement les couples homosexuels. Le Pacs s’affiche quant à lui comme meilleur choix pour les couples hétérosexuels face au Mariage grâce à sa souplesse, son formalisme amoindri comme aux conséquences négligeables en cas de désunion.


II. Le Mariage délaissé en terme de filiation. Si les Familles hétérosexuelles ressentent de moins en moins le besoin de recourir au Mariage pour leurs unions, celles homosexuelles restent exclues d’un tel régime. Pourtant, la filiation, seule spécificité du mariage par rapport au Pacs, s’exprime dorénavant majoritairement en dehors du cadre historique du Mariage. En 2007, près de la moitié des naissances ont eu lieu au sein d’un couple non marié, contre seulement 6 % en 1970.

Aussi, l’argument utilisé pour refuser le mariage aux couples homosexuels ne tient plus face aux réalités sociales : le mariage avancé comme cadre familial n’est plus choisi par les couples hétérosexuels comme cadre d’accueil de l’enfant sans pour autant qu’une insécurité juridique frappe ces familles. A contrario, et en l’absence de cadre légal pour les familles homoparentales, ces dernière se trouvent de plein fouet frappées par cette insécurité.

L’antienne nataliste pour objecter de l’impossibilité d’ouvrir le mariage civil aux couples homosexuels ne tient pas face aux réalités des natalités au sein des couples hétérosexuels. Même l’argument de la présomption de paternité dans le cadre du mariage ne tient plus face aux réalités légales, l’égalité entre enfants adultérins, naturels et légitimes étant reconnue, et face aux réalités statistiques : en 2005, plus de 80 % des enfants nés hors mariage ont été reconnus par leur père dès la naissance. «Les naissances hors mariage surviennent désormais le plus souvent au sein de couples stables» rapporte Gilles Pison au quotidien Le Monde.

De manière incongrue, les partisans du Mariage se retrouvent dorénavant aux seins des homosexuels qui revendiquent le droit de subir une procédure de divorce, payer des prestations compensatoires, se retrouver en situation de responsabilité solidaire etc etc A contrario, le Pacs, régime moderne, est adopté par les couples hétérosexuels, que ces couples enfantent ou non. Au milieu, un projet de contrat d’Union civil qui ne satisfera ni les uns qui rejettent la lourdeur et les contraintes du Mariage, ni les autres, qui au nom de l’égalité souhaitent un statut équivalent et qui rejettent un projet qui écarte les questions touchant à la filiation.

Au final, et on le voit dans ces données, ce sont les français qui décident librement de leur mode d’union ou de développement de leur famille. Encore faut-il que toutes et tous aient la même liberté de choix.

EN SAVOIR PLUS

La publication de l’INED (Format PDF) : Ici

Le contrat d’union civil révolutionnaire, le mariage gay réactionnaire ?

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