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Patrick Wolf : Ma musique naît de l’envie d’être libre et de fuir les contraintes

Comme à chaque fois, me voici dans le métro, révisant en pensée les questions prêtes à être lancées en pâture à ma nouvelle victime. Serial interviewer moi ? L’idée me plaît assez et me fait même sourire. Je croise le regard interloqué de ma voisine de strapontin. Qu’importe ! Dans quelques minutes je serai face à Patrick Wolf. 23 ans et déjà plus de 10 ans de carrière derrière lui. Autant dire qu’il va falloir en avoir sous le pied . Non seulement son album est magnifique, et fait penser à celui d’une Kate Bush au masculin, mais en plus le garnement arbore sur sa pochette, un look totalement hallucinant. Cheveux poil de carotte et panoplie de Oui-Oui, devant un manège enchanté, on se demande s’il attend le chien Pollux. C’est que Patrick pousse sa passion de la création jusqu’à créer ces propres vêtements, et cela rend parfois perplexe. Arrivée au petit café où nous nous sommes fixé rendez-vous, je le vois débouler de l’arrière salle, sourire aux lèvres. Mince il doit bien faire 3 mètres de haut, et pourtant il me fait assez penser au Petit Poucet, avec sa chemisette à carreaux, et son short noir à bretelles qui juste au dessus de longues jambes blanches et imberbes. Il a laissé tombé la teinture orange pour un noir corbeau qui n’enlève rien à son aspect juvénile. Et dire que c’est lui qui dévoile cette voix si grave et profonde sur The magic position. Pas le temps de tergiverser . Nous nous installons devant un verre et l’entretien peut commencer :


Tof : Hello Patrick, nice to meet you ! Dis-moi, je t’ai découvert il y a peu de temps et je me demandais comment à à peine 23 ans, on pouvait produire une musique aussi riche que la tienne, avec un tel éventail d’influences, du classique au glam-rock, en passant par l’électro et la pop.
Patrick Wolf :
Merci ! [Sourire] Et bien tu sais malgré mon jeune âge, je fais de la musique depuis assez longtemps . Et il me semble que j’ai fait mon premier spectacle il y a plus de dix ans ! J’ai appris le violon à 6 ans, puis j’ai fait partie d’orchestres qui se produisaient un peu partout dans le monde. Au moment de la puberté ma voix a mué, et j’ai délaissé le violon pour les synthétiseurs. À l’âge de 14 ans, alors que j’écrivais des fanzines, je suis entré en contact avec la formation arty Minty. Comme je jouais du Theremin (un des plus anciens instruments de musique électronique, fabriqué par Patrick lui-même ; ndlr) ils m’ont demandé de venir jouer avec eux sur deux de leurs spectacles. Ca se passait dans des bars gay d’ailleurs ! Ensuite je suis allé à l’école à la campagne, tout en travaillant parallèlement dans une ferme. Je suis revenu à Londres et j’ai quitté la maison familiale. C’est vraiment à partir de là que j’ai réellement commencé à travailler ma musique sous le nom de Patrick Wolf. J’ai pu réaliser mon premier album à 18 ans, sur Tomlab, un tout petit label. Mon père étant musicien de jazz, je me suis naturellement inspiré de Miles Davis, Fats Domino, Chet baker et puis de tout ce qui est free-jazz. Ma mère, qui quant à elle était peintre, m’a plutôt fait découvrir la pop de Joni Mitchell, PJ Harvey que j’adore, mais aussi de la musique française, comme Charles Trenet, Edith Piaf, et Maurice Chevalier. Et puis lorsque j’avais 10 ans, je me souviens avoir plutôt été exposé à la techno et à la rave music, par le biais de ma soeur. J’imagine que toutes influences ont fait la musique que je crée aujourd’hui . Mais d’une manière générale j’ai l’impression d’être bien plus inspiré par des auteurs que par des musiciens.

Tof : Comment qualifierais-tu ton style de musique ?
Patrick Wolf :
Je n’aime pas beaucoup être « étiqueté », même si je comprends que le public ait besoin de repères auxquels se rattacher. La plupart des groupes se réclament des Beatles ou des Stones. Moi j’essaie d’être totalement original. Si je trouve qu’une influence est trop évidente dans mon travail, je suis capable de tout recommencer. Parfois, on me rapproche de la musique des années 80, du courant new-wave, de Morrissey, Bowie, ou Marc Almond, alors que je ne connais rien de ces artistes ! Et puis il y a quelque chose de désuet dans ma musique, qui fait que certains voient en moi quelque chose de théâtral. La vérité c’est que j’exprime tout simplement mes émotions et que cela peut parfois sembler extrême !


Tof : The Magic Position semble bénéficier de beaucoup plus d’attention de la part des médias que les deux opus précédents . Comment expliques-tu cela ?
Patrick Wolf :
[Sourire] Je ne sais pas. Du fait que ce soit le premier signé chez une major, je pense que ma façon d’aborder mon art a changé. J’y fais tout simplement preuve d’une plus grande confiance, puisqu’avec un budget plus confortable, j’ai pu réaliser exactement la musique qui me trotte dans la tête.

Tof : De quoi parle cet album ?
Patrick Wolf :
The Magic Position a été inspiré par une période très sereine et magique, il y a un an, durant laquelle j’ai vécu une relation avec une artiste nommée Ingrid Z. Avant il faut dire que j’avais l’habitude de composer mes morceaux de manière assez solitaire. Et puis je me suis installé avec cette personne et on a commencé à partager des choses toutes simples, comme l’entretien d’un jardin par exemple. C’était à la fois étrange et merveilleux, pour moi qui avais quitté la maison familiale à 16 ans. Je me suis retrouvé à éprouver des émotions vraiment bizarres. L’album est une sorte de célébration de l’amour et de l’aspect positif qu’il engendre. On peut penser que ça le fait trancher avec mes albums précédents, plutôt sombres, mais il contient aussi des titres torturés, comme Augustine, où je parle d’un amour non réciproque, avec une idée de destruction en filigrane. The Kiss et Secret Garden sont également assez obscures . Si bien que le terme d’ « Amour paradoxe » pourrait facilement résumer le disque.

Tof : Quel a été le déclic qui t’a fait t’intéresser à la musique lorsque tu étais jeune ?
Patrick Wolf :
J’ai commencé à créer sans vraiment savoir pourquoi à vrai dire. Mais le fait que je n’aimais pas tellement l’école, doit déjà être un indice. Je ne voulais pas me retrouver dans une sorte de routine. J’ai commencé à jouer au sein d’orchestres ou dans des chorales mais je n’avais qu’une envie, créer ma propre musique . Ensuite j’ai perdu ma voix, et du coup tout ce que je pouvais faire c’était de la musique.


Tof : Parle-moi de la pochette de l’album .Pourquoi cet univers si enfantin ?
Patrick Wolf :
J’ai abordé le disque comme une suite de contes pour enfants. J’ai voulu qu’il soit très coloré un peu comme dans un programme télévisé qui leur serait destiné. Comme les couleurs sont synonymes de joie, j’ai en quelque sorte voulu amener celles de l’enfance dans le monde adulte. C’est aussi une manière de fusionner le passé et le présent .

Tof : Dans la plupart de tes chansons, passées et présentes, il est souvent question de liberté .
Patrick Wolf :
Oui, c’est vrai, la poursuite de la liberté est un thème récurrent, et c’est quelque chose qui me définit parfaitement. En fait ma musique naît principalement de l’envie d’être libre et de fuir les contraintes. Je trouve que l’époque où nous vivons est pleine de contradictions : bien qu’ elle comporte son lot de confort, elle est aussi parasité par des tas de contraintes, comme les taxes, les cartes de crédit, le téléphone portable, la maison, le travail, auxquelles nous sommes soumis. Peut-être que pour être vraiment libre, il faut être un gitan en fait ! [Rires] Et puis la liberté c’est aussi un état d’esprit, l’art d’être satisfait de la vie qu’on a …

Tof : Oui d’ailleurs ton album précédent était moins positif, plus introspectif et solitaire. Peu de temps avant tu avais quitté la maison familiale. Pour quelles raisons au fait ?
Patrick Wolf :
J’ai voulu couper les liens au moment où j’ai commencer à partir en tournées, parce que je voulais être un gitan, comme je disais tout à l’heure. C’est vrai que ça peut passer pour une forme de précocité. En fait je suis passé par des moments de rage et d’impatience : j’étais impatient de me libérer des choses qui m’avaient été imposées et des personnes qui me les avaient imposées. Je crois maintenant avoir enfin trouvé l’équilibre. Aujourd’hui il y a encore des moments où je cherche désespérément la solitude, pour penser, écrire, chanter. Au bout d’un an et demi sans contacts, ma famille a fini par me manquer. Je ne me sentais plus libre parce que j’avais un vide à l’intérieur. Maintenant je suis très heureux de pouvoir appeler ma mère et de m’entendre dire qu’elle m’aime, et réciproquement [Sourire].

Tof : Pourquoi as-tu choisi de travailler en particulier avec l’orchestre de Vienne sur cet album ?
Patrick Wolf :
Je voulais faire un album rock – classique – pop, et en Autriche, il y a une immense section en musique classique. Je voulais ces violons en particulier parce qu’il fallait vraiment qu’ils sonnent purement classique. Et puis pour moi il est clair que les meilleurs musiciens se trouvent là-bas tout simplement !

Tof : Comment s’est passée ta rencontre avec Marianne Faithfull, qu’on entend sur le magnifique Mag Pie ?
Patrick Wolf :
Ca s’est passé naturellement et très simplement. J’avais une chanson en réserve, destinée à être un duo. Musicalement et esthétiquement, la voix de Marianne apporte quelque chose de très spécial. C’est littéralement une conteuse de contes de fées. En fait j’ai fait plus appel à elle en tant qu’actrice qu’en tant que chanteuse je dois dire. Elle était parfaite parce qu’elle lisait le rôle d’une certaine manière. Ca a été parfait car elle n’avait besoin d’aucune direction. Je trouve que sa voix très particulière apporte quelque chose de mythologique à ce titre.

Tof : Actuellement de nombreux artistes, comme les Scissor Sisters ou encore Mika, jouent avec l’androgynie comme l’avait fait Bowie. Bref tu sembles jouer d’une image plutôt ambiguë.
Patrick Wolf :
Je n’aime pas le terme d’ambigüité, parce qu’à mon sens ça sous-entend une tromperie, un mensonge, alors que je veux vraiment que le public me voit tel que je suis. Lorsque tu es artiste tu te dois d’être honnête envers toi-même et donc envers ton public. D’une certaine manière je me sens fort dans une dimension masculine, mais pour tout dire j’apprécie plus la créativité féminine. Je ne vois pas trop le parallèle à faire entre moi et les Scissor Sisters ou Mika. A mon sens, ce sont juste des artistes gays, et cela n’a rien à voir avec des artistes qui essaient de ressembler à des filles . Moi j’essaie de varier et j’aime explorer tout ce qui a attrait au genre. En fait, j’aime assez être homme et femme au même moment. Je vois bien que les gens sont malheureux lorsqu’ils n’arrivent pas cerner ma personnalité. L’image est quelque chose qui change constamment, et je changerais forcément encore plus dans le futur. Bref, je ne pense pas que l’important soit de se sentir masculin ou féminin, hétéro ou gay, l’important est de se sentir exister tout simplement.


Penses-tu qu’il est important de connaître la sexualité d’un musicien ?
Patrick Wolf :
Je te vois venir . [Rires] A vrai dire je penses que les gens ne baisent pas assez. A mon avis ils n’ont pas besoin d’en savoir plus que ce qu’il y a à savoir tout simplement. Personnellement je suis extrêmement ouvert mais les médias font souvent des déductions hâtives et cherchent à te faire entrer dans un moule, ce qui produit des erreurs. Bizarrement personne ne s’est inquiété de savoir avec qui je couchais au moment de la sortie de mes deux premiers albums. C’est arrivé de manière soudaine, avec le succès. Je pense que ma vie est tellement ennuyeuse, qu’il vaut mieux ne me parler que de musique. Bien sûr c’est bien d’en parler de temps en temps, car l’homophobie est encore bien trop présente dans le monde. Si ma décision d’être avec une fille ou d’être avec un garçon peut en inspirer certains, pourquoi pas ? En fait ça m’est égal.

Tof : Ok Patrick, revenons à la musique . Sais-tu déjà à quoi ressemblera ton prochain album ?
Patrick Wolf :
Et bien je pense que je vais faire un retour aux sources en composant la plupart de mes musiques sur des ordinateurs Atari, en samplant le plus de bruits possible, et en essayant d’écrire sans aucune pression.

Merci beaucoup Patrick. Ce moment passé avec toi m’a vraiment fait découvrir un artiste à part entière qui ne semble pas disposé à se laisser marcher sur les pieds. Liberté et indépendance semble être des valeurs que beaucoup partage, et c’est pourquoi je pense que ton public déjà bien nombreux, n’a pas fini de croître. A très bientôt en concert ou sur CD !

Patrick sera en concert à Paris le 26 Août prochain dans le cadre du festival Rock en Seine. Un moment à ne surtout pas manquer !

Tu peux lire ICI la chronique-CitéGay de The Magic Position et le commander !

Et bien sûr n’hésite pas à visiter le site officiel de Patrick Wolf et son site Myspace

Lire les interviews précédentes de Citégay : Maroon 5 – Christophe Willem – Zazie – Jay Jay Johanson – Guesh Patti – A-Ha – Cerrone – David Guetta – Elodie Frégé – Duran Duran – Elli Medeiros – The Killers – Kim Wilde etc, etc …






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