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Jean-Luc Romero : les propos libres d’un homme engagé

Alors que la rumeur l’annonce sur la liste socialiste du président sortant Jean-Paul Huchon pour les prochaines élections régionales en Ile-de-France, Jean-Luc Romero a accepté de répondre à nos questions.

Evolutions sociétales, lutte contre le Sida, droit à mourir dans la dignité, lutte contre les discriminations et égalité des droits font partis depuis de longues années des sujets dans lesquels s’investit celui qui après avoir subit un coming-out a été le premier et seul homme politique français à faire état de sa séropositivité.

L’actualité politique, avec les élections à venir comme l’annonce faite par le président Barack Obama de la levée effective de l’interdiction faite aux séropositifs d’entrée sur le territoire américain, permet à Jean-Luc Romero de donner son point de vue sur ces sujets, point de vue d’un homme toujours engagé, jamais enragé. A cette occasion, Jean-Luc Romero revient aussi, sans complaisance mais sans acrimonie, sur la situation politique actuelle et sa croyance que, sur les questions sociétales, «rien ne bougera»

CitéGAY : Jean-Luc Romero, dans votre dernier livre «Les voleurs de liberté», vous montrez comment ce sont les mêmes groupes qui s’opposent au droit à l’euthanasie et aux revendications LGBT. Expliquez-nous.
Jean-Luc Romero : En écrivant mon dernier livre «les voleurs de liberté» qui porte sur mon combat pour une fin de vie digne et aussi d’une certaine manière sur mon combat personnel contre la maladie, notamment le sida, j’ai réalisé que ce sont les mêmes qui se sont opposés à l’IVG, et les mêmes qui se sont opposés au PaCS, et les mêmes qui s’opposeront, dans l’avenir, à toute évolution de la société. Ce sont, de mon point de vue, des conservateurs, ultra nostalgiques d’un temps révolu. L’avenir, le changement, leur font peur. Ce n’est même plus une question politique, c’est une question psychologique. Le principe prime sur la liberté individuelle.
Mais l’évolution de la société est en marche. Je ne crois pas à la victoire de l’obscurantisme. Pas sur le long terme.

Vous êtes membres du Conseil National du Sida et président d’Elus Locaux contre le Sida. Comment jugez-vous l’action gouvernementale en matière de lutte contre le VIH ?
Le bilan est mitigé. Même s’il y a eu de belles avancées – je pense notamment à la création des COREVIH et aux programmes d’expérimentation sur le dépistage rapide -, je constate que, globalement, la lutte contre le sida n’est plus vraiment une priorité de santé publique. On se contente des dispositifs existants alors qu’au contraire, il nous faut retrouver du courage politique. L’innovation doit être la règle pour éviter l’essoufflement.
Je crois aussi que certains dossiers devraient être beaucoup plus soutenus qu’ils ne le sont aujourd’hui : je pense notamment à la réduction des risques en direction des usagers de drogues. Cette politique, saluée par tous au regard des exceptionnels résultats obtenus en matière de santé publique, est en panne, le président de la MILDT (Ndr : Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) ne souhaitant malheureusement pas avancer dans ce domaine… J’attends donc de la part des ministères compétents une réelle prise de position sur ce thème de la RDR (ndr : Réduction Des Risques). !
La grippe A, c’est important. Mais n’oublions qu’à fin octobre, elle a fait 5000 morts dans le monde : le sida c’est 5000 morts. par jour !

Vous avez, à juste titre, dénoncé le scandale de l’interdiction des soins funéraires aux personnes décédées des suites du VIH. Expliquez-nous la situation et où en est ce dossier ?
En France, les personnes décédées séropositives ne peuvent recevoir des soins de conservation. J’imagine que vous trouvez cette situation incroyable et pourtant, en 2009, c’est une réalité ! Vous imaginez facilement les conséquences humaines dramatiques et insupportables : les proches, la famille, les amis d’une personne séropositive morte, ne peuvent lui rendre un dernier hommage, son corps devant être immédiatement mis dans un cercueil ! Je peux vous dire que j’ai connu indirectement la situation et que cela cause des dégâts humains qui démultiplient la souffrance de la perte d’un être cher.
Soyons clairs, cette disposition est discriminatoire et totalement injustifiée : faire des soins de conservation sur une personne décédée séropositive n’est pas dangereux pour les personnes pratiquant ces soins, les précautions universelles étant largement suffisantes. Même les États-Unis les autorisent !
J’ai donc demandé l’abrogation des dispositions discriminatoires à Roselyne Bachelot. Dans le même temps, j’ai saisi le Conseil national du sida qui a rendu le 20 mars dernier un avis demandant
«l’annulation de l’article 2 de l’arrêté du 20 juillet 1998 en tant qu’il mentionne l’infection à VIH dans la liste des maladies faisant obstacle à la pratique de soins de conservation sur les corps». Pour ce qui est du ministère, nous sommes en attente…

Vous avez également porté le principe de libre circulation des personnes séropositives, notamment aux USA. Malgré des engagements de Washington, la situation a-t-elle évoluée ?
La décision de Barack Obama de revenir au 1er janvier 2010 sur l’interdiction d’entrer aux USA des personnes séropositives, attendue et longue à se concrétiser, est un évènement majeur pour ce combat contre les restrictions à la liberté de circulation des personnes touchées par le VIH/sida. Le fait qu’un pays aussi important sur la scène internationale mette – après deux décennies ! – enfin un terme à ces intolérables discriminations, fait naître beaucoup d’espoir, l’espoir que cette annonce fasse effet «boule de neige» et soit incitatrice pour beaucoup d’autres pays – rappelons cette dramatique réalité : dans près de la moitié des Etats membres de l’ONU, des mesures discriminatoires à l’encontre de la liberté de circulation et d’installation des personnes touchées par le VIH/sida sont appliquées ! -.
Le combat sera encore très long mais nous allons continuer avec force et détermination. Si les États-Unis ont cédé, pourquoi pas les autres ? Pour mémoire, 12 pays interdisent totalement leur territoire mais près de la moitié des pays de l’ONU interdisent toujours l’installation aux personnes vivant avec le sida.

Vous avez quitté l’UMP ne croyant plus à une évolution possible de votre ancienne famille politique sur les sujets sociétaux qui vous animent (lutte contre le Sida, discriminations homophobes, Egalité des droits, Droit à mourir dans la dignité…). Pensez-vous que la droite a changé, évolue sur ces questions où maintient ses positions ?
La droite n’a pas toujours été celle-ci. N’oublions pas que Simone Veil, lors de la légalisation de l’IVG, était la ministre d’un gouvernement conduit par Jacques Chirac. Aujourd’hui, cette droite est dans un cycle régressif de mon point de vue sur les questions sociétales. J’ai cru en la liberté qu’elle représentait au temps où la gauche, elle, était plus attirée par un certain dogmatisme. Aujourd’hui, et malgré les signes engageants donnés par Nicolas Sarkozy avant son élection, rien ne bouge. Et je crois que rien ne bougera.
Les oeillades faites à Philippe de Villiers – à moins qu’il ne s’agisse d’une conjonctivite – ne laissent rien présager de bon pour les libertés publiques des minorités. Et Christian Vanneste est toujours député UMP.

Avez-vous été surpris par la force de certaines réactions, notamment à droite, lors de la présentation de l’avant-projet de loi sur le statut du beau-parent, dont l’énoncé des motifs évoquait le cas des familles homoparentales ?
Pas vraiment ! Je m’en doutais et je l’ai même dit à Nadine Morano qui a eu, sur ce dossier, beaucoup de courage. Mais quand le groupe UMP de l’Assemblée nationale a confié ce dossier au docteur Leonetti – qui est un des voleurs de liberté que je dénonce dans mon nouveau livre -, j’ai su que tout serait fait pour éviter le débat sur les familles homoparentales. Pourtant ces familles existent et les enfants vivant dans ces familles doivent avoir les mêmes droits que les autres enfants. Ce n’est manifestement pas l’avis de monsieur Leonetti et de bien des élus de droite.

Vous avez été élu sous l’étiquette UMP au conseil régional d’Ile de France. Vous siégez actuellement au sein du groupe Radicaux de gauche et élus apparentés mais des rumeurs vous annoncent en position éligible sur la liste socialiste du président sortant Jean-Paul Huchon. Qu’en est-il ?
J’ai été élu sur une liste lors des élections régionales de 2004 conduite par Dominique Versini, devenue ensuite la défenseure des enfants et dont le poste va être supprimé. Aujourd’hui, après avoir, plusieurs décennies, lutté au sein du RPR puis de l’UMP, pour faire avancer les questions sociétales, j’ai fini par renoncer car ce sont les plus conservateurs qui on gagné la partie.
A la région, Jean-Paul Huchon, bien avant que je rejoigne sa majorité, a toujours fait preuve d’une écoute attentive. Je n’oublierai jamais qu’il m’a donné tous les moyens de faire voter au conseil régional d’Île-de-France cet amendement qui permet, dans chacun de nos accords de coopération, d’introduire un volet concernant la lutte contre le sida. Mes idées sont le moteur de mon engagement. Quelle belle preuve de confiance en moi. Aujourd’hui, je siège dans un groupe avec les Radicaux de Gauche en qualité d’apparenté. J’y suis respecté, avec ma différence, avec mes combats. Le président, Jean Levain, me traite avec une attention et une amitié que je n’ai jamais connues dans mon précédent groupe. En ce qui concerne mon avenir, mes combats au sein de l’ADMD (Association du Droit à Mourir dans la Dignité) et d’ELCS (Elus Locaux Contre le Sida) me passionnent.
Aujourd’hui, je ne me permets pas de tirer des plans sur la comète et de commenter des rumeurs même je suis disponible pour travailler sur des sujets qui me tiennent à coeur.

Jean-Luc Romero est membre du Conseil National du Sida (CNS), président d’Elus Locaux Contre le Sida (ELCS) et président d’honneur du Parti Aujourd’hui, Autrement ! Premier et seul homme politique français à avoir révélé sa séropositivité, Jean-Luc Romero mène en plus du combat contre le Sida un combat pour la légalisation de l’euthanasie active. Il préside ainsi l’Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD), thème de son dernier livre, Les voleurs de liberté.

EN SAVOIR PLUS

Le blog de Jean-Luc Romero : www.romero-blog.fr

Le dernier livre de Jean-Luc Romero, Les voleurs de liberté est paru aux Editions Florence Massot. ISBN-10: 2916546383

Elections Régionales : Jean-Luc Romero sur la liste socialiste ?

VIDEO PLUS

Jean-Luc Romero s’exprimant sur I-télé sur la décision américaine de lever l’interdiction d’entrée sur le territoire des séropositifs

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