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Macbeth venu du froid (Opéra)

La production à l’affiche en ce moment à Bastille a été préparée à Novossibirsk, ville perdue au milieu de la Sibérie mais dont le Théâtre d’Opéra et de Ballet est paraît-il l’un des plus modernes et spacieux de Russie.

C’est là que le talentueux metteur en scène Dmitri Tcherniakov a conçu et testé, en plein hiver sibérien, le spectacle présenté par l’Opéra de Paris -qui sera bientôt diffusé sur France Télévision.

Le livret de Macbeth, tiré du drame de Shakespeare, auteur que Verdi vénérait et dont il adapta deux pièces, Othello et Les Joyeuses Commères de Windsor (Falstaff), condense la pièce originale et réduit considérablement le nombre de personnages, au point que l’attention est surtout portée sur le couple infernal et criminel, lord et lady Macbeth.

Sur le plan musical, Verdi cherche à transcrire « le bruit et la fureur shakespeariens » et introduit une violence et une brutalité rarement représentées jusqu’alors.

La mise en scène transpose l’action dans un lotissement petit bourgeois, au début du XXème siècle.

Les sorcières maléfiques, ce sont les voisins, incarnations de la norme sociale et reflets de l’ambition des protagonistes.

Les fantômes, c’est la folie schizophrène de Macbeth, pris entre le remords et les appétits jamais rassasiés d’ascension sociale de son épouse diabolique.

Macbeth apparaît comme un petit cadre de banlieue, asticoté par une femme au foyer qui trompe son ennui en complotant, en le harcelant jusqu’à le pousser au crime.

Tout cela est finalement très proche d’American beauty et de Desperate housewifes : derrière les façades proprettes et identiques du lotissement, se jouent des drames certes moins spectaculaires que dans les tragédies de Shakespeare mais tout aussi terribles.

Lady Macbeth devient peu à peu Lady Macbeth de Mszensk ; la boucle est habilement bouclée.

En transformant l’opéra à grand spectacle en drame lyrique, Tcherniakov déplait au public de Bastille, qui a bêtement sifflé cette mise en scène moderne, cohérente et intelligente.

Comme beaucoup, j’avais d’ailleurs réellement apprécié son travail dans Eugène Onéguine, notamment son approche respectueuse du texte et très efficace sur un plan dramatique.

Macbeth ne déçoit donc pas, même si la finesse du jeu et l’intimité se perdent (c’est souvent le cas) dans l’immensité de Bastille.

Pour le rôle de lady Macbeth, l’un des plus saisissants que Verdi ait écrits, le compositeur souhaitait une interprète « laide et monstrueuse » , dont la voix devait être « âpre, étouffée, sombre, caverneuse, rauque et étranglée ».

Pas facile de trouver une soprano partante pour cela !

Je connaissais Macbeth par l’enregistrement de Maria Callas, qui collait au mieux à ces impératifs, osant aller jusqu’à la laideur de timbre.

L’approche de Violeta Urmana, qui tient le rôle, est sans doute plus proche de la lecture qu’en donnait Régine Crespin, claire, limpide, douce et raffinée ; l’apparente innocence du personnage ne fait, au total, que renforcer sa terrifiante noirceur d’âme.

Le reste de la distribution est excellent.

JEF pour CitéGAY

Macbeth de Verdi – jusqu’au 8 mai à l’Opéra Bastille – 120 rue de Lyon – 75 012 Paris



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