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Bienvenue à Bathory – Isabelle Zribi

On prononce le nom de Bathory comme un cri. S’y joignent ceux des six cent cinquante jeunes femmes qu’elle aurait fait torturer et tuer. Et puis pour la légende, on se souvient aussi qu’elle prenait son bain dans leur sang. Rituel sensé lui permettre de conserver sa beauté et sa jeunesse. Le jour de son arrestation, on la trouva au milieu d’une orgie sanguinaire, où des dizaines de jeunes femmes agonisaient, corps lacérés par les supplices infligés. Ce même jour on exhuma les corps de dizaines d’autres dans les sous-sols. Serial killer quasi mythologique, Erzébeth Bathory est morte en 1614.

Le personnage est planté. Maintenant oubliez la.

Aujourd’hui la comtesse sanglante s’appelle tout simplement Erzsebet. Icône new age, prêtresse démesurément mystérieuse, principale actionnaire de la principauté de Bathory où elle exerce son pouvoir, là bas « aux confins de l’europe de l’est ». Réincarnation fictionnelle du mythe, Erzsebet cultive son jardin des délices. L’aura des belles plantes qui peuplent les lieux pour principale source de jouvence. S’organise une société où « tous les habitants sont des Elles, qui s’habillent, s’épilent et se prénomment au féminin ». Dur de ne pas croquer la pomme de cette Eden ressuscité : on s’y adonne à une sexualité décomplexée, au culte de l’apparence, on vit ici avec l’envie de ne jamais plus en partir. Le paradis alors ? Pas si sûr. La papale Erzsebet laisse ses filles s’épanouir, belles et libres, herbes un peu folles qui dégénèrent sous les eusses et coutumes particulières imposées par cette despote étrange. Des rumeurs circulent, des murmures, des voix qui s’étouffent. Venu pour réaliser un article, Nicolas devenu une Nico, se retrouve dans les sables mouvants de ce nouveau paradis : et si l’envers du décor abritait la tanière du monstre ? Pire, et si c’était cette société du plaisir qui s’avérait monstrueuse et inhumaine ? Qui tue qui, finalement ?

Le parcours d’auteur d’Isabelle Zribi croise celui d’éditeurs audacieux (les regrettées éditions Comp’act, ou encore les nébuleuses Verticales), véritables laboratoires de la langue française, dont la particularité est de descendre dans les gouffres de la littérature pour en ramener des écritures organiques et inventives. Pas étonnant donc de découvrir au long du récit un ton incarné et singulier qui génère un vocabulaire très atypique. Sorte de langage hybride craché par le mental, prolongement des gestes de ses personnages et de leur environnement, Isabelle Zribi cherche la fusion des champs lexicaux pour illustrer la pression consumériste et aliénante de Bathory. Chaque page appuie le portrait de cette matriarche dingue, mais qui au-delà du personnage d’Erzsebet s’applique à recouvrir de son ombre gigantesque l’ensemble de cette société aux allures idéales. Critique virulente d’un système gangrené de marketing et de paraître, Isabelle Zribi brûle du bout de son stylo la tête molle de ces sangsues mentales qui nous vampirisent continuellement. Le mythe de la comtesse sanglante devient ici prétexte à débusquer un serial killer bien plus grand, et à déterrer les corps de ses victimes encore vivantes : allumez vos télés, ouvrez vos volets, regardez les vitrines, les étalages, feuilletez les magazines, vous le voyez partout ce monstre sanguinaire, nourri de l’énergie des rues et du désespoir. Vous vivez à l’intérieur. C’est ce miroir de pages noircies, braqué sur notre propre société, que l’auteur nous tend. Sursaut jubilatoire.

Prix éditeur : 15,50 euros
Editeur : Verticales
Date de parution : Janvier 2007
ISBN : 2070782670

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Halde : Service public – fonctionnement – rupture d’galit – orientation sexuelle – rglement amiable du diffrend.

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