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Résultats de l’étude Net Gay Baromètre 2006 : Alain Léobon (CNRS/UQAM) nous répond

Succédant au Net Gay Baromètre 2004, l’enquête dresse un portait des internautes gays fréquentant les services de rencontres en ligne et vise à circonscrire la manière ces hommes vivent leur sexualité, la prévention du VIH et des IST lors de rencontres avec des partenaires occasionnels ou réguliers.

Menée par le CNRS, l’Université du Québec à Montréal et l’Institut National de Veille Sanitaire (INVS) cette enquête a été relayée via des sites Internet communautaires, dont CitéGAY. Pour montrer la diversité des sous-cultures gaies (dont les courants Bear, BDSM, Beur, et Bareback) les sites partenaires ont relayé le questionnaire à l’attention de leur lectorat. L’enquête en ligne fut menée entre le 15 décembre 2005 et la mi-février 2006 avec au final un nombre de questionaires exploitables de 15 085 (8 821répondants proviennent de 4 portails de rencontres généralistes, 2 616 du portail BDSM, 2 371 «Bear» et 967 proviennent d’un site de rencontre bareback). Elle est le pendant pour le web de l’Enquête Baromètre Gay qui a eu lieu sur les lieux traditionnels de rencontres LGBT.

Sur le plan sociologique et non uniquement préventif, l’enquête révèle également qu’Internet est devenu le premier lieu de sociabilité LGBT, principalement à des fins informatives par ailleurs, devant les lieux traditionnels, bars, clubs et saunas : la majorité des répondants (70,2 %) fréquentent régulièrement les sites de rencontre en ligne. La fréquentation régulière des bars ou clubs sans backroom fut rapportée par 15,5 % des répondants et plus d’un répondant sur dix (12,2 %) fréquente les lieux de drague extérieurs alors qu’un pourcentage équivalent (11,0 %) se rend régulièrement au sauna. Enfin, les backrooms, les sexe-clubs ou les vidéoclubs sont adoptés par 8,1 % des répondants. Egalement, l’étude montre des perspectives positives de l’impact du réseau sur la sexualité des répondants qui pour la plupart ne fréquentent pas un établissement ou lieu traditionnel de rencontres où les actions de prévention sont opérées.

Si malheureusement les taux de prises de risques déclarées par les répondants sont dans la ligne de ceux déjà observés lors des dernières études, des différences non relayées dans les résultats globaux sont notables entre les différentes sous-communautés interrogées et des pistes en terme de prévention sont soulignées par ces mêmes résultats.

Avec la position actuelle de domination d’Internet sur les lieux de convivialité LGBT traditionnels devenus minoritaires, des actions de prévention dédiées, concertées et communes entre éditeurs et associations sont devenues non seulement nécessaires mais impérieuses. Cela passera nécessairement par une évolution structurelle, budgétaire et humaine des actions de prévention alors que la majorité des utilisateurs gay du web sont absents des lieux traditionnels d’intervention des associations pour que ces actions soient en adéquation avec la réalité des rencontres entre hommes de nos jours. Cela passera également par une adaptation des campagnes sur des formats impactants et dédiés au web qui pour l’heure, à l’exception de celles réalisées au niveau national par l’INPES, ne correspondent pas à ce lieu de rencontre virtuel qui conduit à des rencontres réelles. Les campagnes, simplement dérivées de celles traditionnelles, sont de moindre impact dans leurs formes actuelles en terme de prévention si on les bascule simplement sur le web, car destinées originellement au champ désormais minoritaire des lieux traditionnels de rencontres, d’après le constat que l’on a pu faire. A contrario, celles dédiées au web se révèlent plus performantes dans leurs effets informatifs, et on l’espère, préventifs. Aussi, l’annonce en cours d’un lieu de concertation et d’actions entre les associations et les principaux éditeurs communautaires ne peut que nous réjouir.

Alors que les chercheurs à l’origine de cette étude ont largement commenté ces résultats (Les résultats NET GAY BAROMETRE 2006 : Ici), nous avons interrogé Alain Léobon, chercheur au CNRS et à l’Université du Québec, un des auteurs de cette enquête.

CitéGAY : Y a-t-il un usage particulier d’Internet comme lieu de sociabilité gay ? Avec quel impact sur la sexualité ?

Alain Léobon : Nos précédents travaux ont montré que le paysage des ressources en ligne est diversifié et que le réseau est un lieu d’interactions et d’expressions de nouvelles sociabilités parfois « réactionnelles » conduisant des internautes à s’approprier des communautés virtuelles. Il permet de consolider l’identité de groupes parfois marginalisés ou invisibilisés dans l’espace traditionnel.
L’article présente en détail les pratiques d’usage d’Internet (cf Page 3). Ces données confirment que le réseau est un lieu de sociabilité et de sexualité qui ne vient pas en «opposition» mais en «complémentarité» avec la fréquentation des lieux de rencontres traditionnels.
Internet permet donc, non seulement de rencontrer des partenaires occasionnels, mais aussi de développer des relations plus profondes. Globalement l’usage du réseau est apprécié et jugé positivement.

En termes de comportements sexuels à risques, y a-t-il des données spécifiques aux usagers d’Internet ?

Sur le plan des prises de risque occasionnelles, le chiffre, qui avoisine les 35%, est similaire à l’enquête Baromètre gay de l’INVS.
Quant aux répondants qui rapportent avoir eu toujours ou souvent des relations anales non protégées avec des partenaires occasionnels au cours des 12 derniers mois, ils sont : plus susceptibles d’être âgés de plus de 25 ans, d’être moins scolarisés, d’habiter la région parisienne, de rapporter plus de 10 partenaires sexuels au cours des 12 derniers mois, de fréquenter les backrooms et les lieux de drague extérieurs, d’être séropositifs, et de déclarer qu’ils ont eu une IST au cours des 12 derniers mois et à avoir été recruté sur le site bareback. Ces données consolident nos précédents résultats.

Les usagers du web constituent-ils un corpus homogène ou rencontre-t-on au sein même d’Internet des différences notables entre groupes d’utilisateurs, notamment vis-à-vis des comportements préventifs ?

Soulignons qu’Internet ne peut être considéré comme un territoire homogène : l’enquête révèle une diversité de pratiques et des engagements dans des rapports au risque qui varient selon les affinités spatiales de l’internaute : qu’il s’agisse des sites Internet fréquentés, des lieux de rencontres pratiqués ou de son propre ancrage géographique.
Ainsi des populations aux profils divergents cohabitent sur la toile, ce qui semble imposer aux éditeurs et aux associations d’y adapter leurs interventions. D’autres articles viseront à montrer ces discontinuités, par exemple, sur le plan des cultures de sexe par exemple, des âges ou des régions.

Internet est parfois avancé comme un lieu à risques en terme préventif. Que penses-tu de cette position ?

Les données présentent sur ce plan des résultats contrastés : par exemple selon la culture de sexe d’appartenance ou le statut sérologique de l’internaute etc. Mais la force statistique lisse ces disparités.
Si des groupes d’internautes laissent entendre des engagements plus ou moins francs dans leur rapport au risque VIH/sida, des analyses de cluster et de classes latentes permettront de mieux les identifier. Notons cependant que les regroupements identitaires formalisés dans les sites de références permettent d’envisager des stratégies d’interventions pertinentes, plus faciles à formaliser sur la toile que dans les espaces de rencontre traditionnels.

Vois-tu des différences notables entre le Baromètre Gay et le Net Baromètre ? Egalement, est-ce qu’il y a une évolution entre les deux Net Baromètres ?

Les pages 9 et 10 développent point par point convergences et divergence avec le Baromètre Gay. Si les différences ne sont pas majeures, notre point de vue basé sur celui d’une géographie du risque rend plus lisible l’influence des appropriations culturelles et spatiales.

Quelles sont, selon toi, les actions efficaces en termes de prévention sur le web et leurs spécificités par rapports aux actions usuelles à destination de la population gay ?

Cette question est au cour de nos travaux projetés sur 2007-2009 : Il s’agira d’évaluer la pertinence de stratégies éducatives et de prévention plus inclusives, basées une approche globale de santé permettant de rencontrer les problématiques vécues par les hommes gays.
La réunion des données collectées permettra de tester puis de valider de nouveaux modes d’intervention utilisant les technologies de l’information (computer tailoring) pour programmer des messages éducatifs d’intervention ciblés répondants aux caractéristiques de l’individu, à sa sexualité, à ses parcours, aux espaces qu’il fréquente et surtout aux difficultés qu’il rencontre.
La faisabilité de ce pan du projet sera validée dans un premier temps en s’appuyant sur les communautés en lignes pour lesquelles les relations au risque sont les plus prégnantes. Elle pourra donc cibler les hommes séropositifs, ceux qui proposent des relations de négociation ou d’abandon du préservatif, ceux qui s’engagent dans des relations BDSM dépassant les simples jeux de rôle. Face à une forte réticence à l’égard de la réduction des risques sexuels chez les hommes gays, nous viserons à démontrer la non-nocivité de l’intervention ciblée sur ces groupes dont le ciblage permettra d’éviter les « effets de bord « reprochés par certaines associations ou institutions.

Quelle évolution entre les deux Net Gay Baromètre 2004 – 2006

La mouture 2006 de notre Net Baromètre développe de nouvelles thématiques tout en conservant un important registre de questions portant sur les usages du réseau. On notera parmi ses nouvelles sections : la sexualité dans le couple, la santé physique et mentale des usagers, ainsi que l’usage de substance psycho-actives.
L’effort mené en matière de partenariat avec les éditeurs de portails de rencontres a manifestement permis d’améliorer la représentativité de l’échantillon. Il reflète ainsi la diversité de la population homosexuelle masculine. Nous avons rejoins plus de 15.000 internautes aux cultures et aux âges variés.
Si l’ensemble des classes d’âge et des classes sociales sont bien représentées, sur le plan géographique notre étude annonce des variations plus franches entre la région parisienne et les autres régions. Si le nombre de rencontres effectives peut sembler en baisse par rapport au précédant baromètre, il nous assure un ratio entre les relations initiées hors ligne et celle qui proviennent de l’usage du réseau. Il est important de noter que plus de la moitié des répondants se trouvent « en couple » et qu’ils ont rencontré leur partenaire régulier par le biais d’Internet.

Pour finir ?
Des efforts sont à réaliser pour rejoindre de nouveaux portails visant les jeunes gays, les portails s’adressant à la communauté magrébines ainsi que ceux qui contribuent à des rencontres potentiellement moins hexagonales. Il est aussi à noter l’impact possible de la nouvelle tendance visant à publier sur ta toile des éléments vidéographiques ou de se médiatiser au travers de sa webcam (téléprésence). Enfin les questions du commerce du sexe, des rapports générationnels et de l’ «objétisation» sur corps masculin apparaissent.

EN SAVOIR PLUS

Les résultats NET GAY BAROMETRE 2006 : Ici

RETROUVEZ NOS PAGES PREVENTION : www.prevention.citegay.com

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