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La question homosexuelle en Afrique



COMMUNIQUE WARNING


27 octobre


 


(source : http://www.thewarning.info/article.php?id_article=0199)


 


Un nouvel ouvrage vient de paratre en France sur
l’homosexualit. Un de plus, me direz-vous ! ? Celui dont il est
question a quelque chose de particulier, il est crit par un Africain qui parle
de l’homosexualit dans son pays. Il y vit, et y poursuit ses recherches pour sa
thse de doctorat en sociologie. Le livre a pour titre : LA QUESTION HOMOSEXUELLE EN AFRIQUE, et
en sous-titre on peut lire : Le cas du Cameroun. Nous avons rencontr pour
vous l’auteur, Charles Gueboguo, qui a bien voulu en exclusivit feuilleter avec
vous son livre.


 


Bonjour Charles, votre livre, La question homosexuelle en Afrique, vient de paratre en France chez
l’Harmattan : pouvez-vous nous en faire
l’conomie ?


Charles GUEBOGUO : Merci de
l’opportunit que vous m’accorder de le faire. La Question homosexuelle en Afrique est
le rsultat d’une recherche de terrain que j’ai faite au Cameroun dans les
villes de Yaound et de Douala auprs d’hommes et de quelques femmes
homosexuelles. Il s’agissait de comprendre pourquoi, malgr la stigmatisation et
le dnis de l’homosexualit dans la socit, la ralit homosexuelle se faisait
de plus en plus visible. L’approche, pour apporter des lments de rponse
cette proccupation de base, est sociologique. Cela, cause de ma
formation.


 


Quelle est donc la spcificit de votre
dmarche ?


Charles GUEBOGUO : La spcificit
de ma dmarche peut tre saisie sous plusieurs angles : il s’agit, au
Cameroun et dans une certaine mesure en Afrique francophone, d’une tude
sociologique pionnire qui questionne l’homosexualit sans verser dans les
prjugs. Ensuite, l’histoire de l’homosexualit en Afrique y est aussi
examine, ce qui nous a permis de dconstruire le mythe d’une absence de
l’homosexualit en Afrique ; avec la prcision suivante : si dans
certaines rgions d’Afrique il n’existe pas de lexme pour dsigner
l’homosexualit cela ne permet pas de postuler pour l’absence de
l’homosexualit, mais est utile pour prciser que dans certaines rgions
africaines l’homosexualit n’tait pas modlise. Nous avons pu d’ailleurs
montrer qu’au Cameroun, entre autres, il existait des rites initiatiques o des
pratiques homosexuelles entre femmes ont t observes (le Mevungu). Toutefois
nous sommes parvenus au constat selon lequel il n’existait pas de continuum
entre ce qui se  passait dans les
faits historiques que nous avons recenss et la pratique homosexuelle telle
qu’elle est vcue dans l’Afrique contemporaine.


 


Comment l’homosexualit est-elle vcue en Afrique
contemporaine ?


Charles GUEBOGUO : Aprs les
enqutes qui ont dur prs de deux ans, nous avons constat que l’homosexualit
telle que vcue dans les deux grandes villes du Cameroun se manifestait par une
visibilit de plus en plus marque, ce que nous avons appel
 visibilisation , pour indiquer un processus en cours et pas tout
fait tablis. Des lieux de rencontre taient mobiliss dans les bistrots, les
botes de nuit, les restaurants ou cafs pour en faire ce que nous avons appel
des  small g  (g en miniature) la suite de la romancire Patricia
Highsmith, qui dsigne des lieux frquents par des homosexuel/les mais pas de
manire exclusive. Ensuite une sous-culture gaie est en construction avec des
codes gestuels et langagiers de reconnaissance et d’auto identification. Comme
exemple, les homosexuels dans les deux grandes villes se dsignent par le  nologisme  Nkouandengu 
nologisme que nous avons essay de dcrypter. Il y a galement des
regroupements plus ou moins formels caractre associatif ou semi associatif
pour une certaine reconnaissance publique.


 


Avez-vous fait allusion au scandale des listes du Top 50 orchestr par
certaines presses locales ?


Charles GUEBOGUO : Non. Le livre
tait dj sous presse. Toutefois j’ai commis des articles o j’ai fait une
analyse de cette situation dshonorante et honteuse pour l’image de mon pays.
Ils paratront dans la revue africaine Terroirs (en octobre 2006) et dans le N
20 de la revue de culture et de dveloppement de la diaspora africaine :
L’arbre Palarbres.


 


Comment pensez-vous que le livre sera accueilli dans votre pays, voire en
Afrique ?


Charles GUEBOGUO : Je ne m’attends
rien de bon venant de ce ct-l. Vue le climat homophobe patent qui rgne
actuellement au Cameroun j’ai choisi de ne pas y faire une ddicace et de ne pas
en parler. C’est pour des raisons de scurit, car au Cameroun il ne fait pas
bon d’tre homosexuel, gayfriendly ou de s’interroger sans jugement de valeur
sur l’homosexualit, mme d’un point de vue scientifique.


 


Mais
pourquoi avoir choisi malgr cette situation homophobe dont vous faites allusion
de travailler sur l’homosexualit, d’ailleurs le sujet de votre thse ne
porte-t-il pas sur la construction de l’identit homosexuelle en
Afrique ?


Charles GUEBOGUO : En tant que
sociologue, j’ai l’avantage de pouvoir m’interroger sur tout, de pouvoir tout
questionner avec les armes que me fournit ma science. L’homosexualit est  une ralit sociale vcue en Afrique,
qu’on soit pour ou contre, il est donc normal qu’on la questionne pour en
relever les non dits de ses manifestations et pour rendre la ralit socio
sexuelle telle qu’elle est vcue par les sujets et par les alter ego. Ce n’est
pas parce que je vis dans une socit qui refuse d’assumer les divergences
sexuelles des atomes qui participent de sa composition que je dois renoncer me
questionner, en tant que homme de science, sur ces choses qui drangent
justement !


 


C’est peut tre tt de vous le demander, puisque le livre est peine
sorti, pensez-vous dj une autre publication ?


Charles GUEBOGUO :
(Sourire !) J’ai la boulimie de l’criture, cela m’aide m’amliorer car
je suis entrain de construire ma personnalit en tant que homme de science. Pour
revenir votre question, j’ai un manuscrit qui est prt et je suis la
recherche d’un diteur. Il s’agit d’une enqute sociologique sur les
communications prventives contre le VIH/sida en Afrique et leur rapport avec
l’homosexualit.


 


Encore l’homosexualit ?


Charles GUEBOGUO : Que
voulez-vous, j’ai fait des recherches sur l’homosexualit ma spcialit en tant
que sociologue, et puis j’aimerais bien que soient dveloppes en Afrique
francophone des Gays and Lesbians Studies comme c’est le cas aux USA. Si je fais
partie des pionniers  ce serait une
grande opportunit pour moi.


 


Revenons un peu sur le VIH/Sida et le
rapport l’homosexualit au Cameroun dont vous venez de faire
allusion
.


Charles GUEBOGUO : Quand on parle de prvention contre le
VIH/Sida au Cameroun, on ne fait presque jamais officiellement aux catgories
homosexuelles qui sont penses comme inexistantes. Toutes les communications qui
portent par exemple sur la prvention sexuelle sont htrocentres, partant du
principe contestable, que les infections VIH sur le continent sont 90%, sur
le plan sexuel, caractre htrosexuel. C’est oublier la complexit de cette
socit qui fait en sorte que les gens sont obligs de vivre leur homosexualit
de faon bisexualis. C’est qui me fait dire que l’homosexualit, dans les pays
africains qui la prohibent, est  bisexualise . Cette situation
provoque un croisement de cursus sexuels entre htrosexualit et homosexualit
qui reste un danger et creuset dcupl de nouvelles infections. J’ai par exemple
constat que plusieurs MSM au Cameroun ne savait pas qu’il y avait des risques
d’tre infect au VIH lors d’un rapport anal sans protection ou alors au cours
d’une fellation. En outre, parmi les jeunes, toute orientation sexuelle
confondue, il y a une forte tendance ne pas se protger au cours des rapports
sexuels, ce qui est traduit comme un gage de confiance et de fidlit entre les
partenaires. Cependant qui peut rpondre de la fidlit de l’un quand il est
avec le partenaire de l’autre sexe tandis que le compagnon du mme sexe est
provisoirement dlaiss pour les besoins de redorer l’image social ?
N’est-il pas courant d’entendre auprs 
des jeunes gais Yaound qu’un  vrai nkouandengu doit avoir
quatre animaux : un Tigre au lit, un Jaguar au garage, un Vison au placard
et un Didon pour payer la farce ! , tandis que les jeunes filles
htrosexuelles disent qu’  une fille doit toujours avoir au moins
trois compagnons : le Chic, le Chque et le Choc !  Essayer de
dcrypter vous-mme car c’est facile. On peut rsumer en disant que pour les uns
comme pour les autres rester fidle un compagnon est peru comme arrir. Le
problme est surtout que si celui des partenaires qui est dtenteur de capitaux
(le Dindon ou le Chque) choisit de ne pas souvent se protger lors des rapports
sexuels, il parvient ses fins puisque avec son argent, dans le lien ainsi
tabli, il est en position de force donc de domination. Vous comprendrez donc
l’urgence d’adresser directement aussi les catgories homosexuelles, au nom du
droit l’information relle


 


Qu’en est-il du mouvement associatif ?


Charles GUEBOGUO : Face cette
situation de discrimination et de stigmatisation gnralise, il y a des
associations (deux ma connaissance) qui sont montes sur le devant de la scne
pour crier leur dsaccord face une socit qui met en danger ses enfants en
les rduisant vivre dans la clandestinit pour certains, ou dans une
impossibilit d’avoir accs aux soins anti-rtroviraux quand ils sont infects
par le VIH de peur de stigmatisation, pour d’autres. Toutefois il me semble
aussi qu’ travers le pays il y a des regroupements informels des personnes
ayant pour but de se soutenir mais surtout de faire la fte entre, ce que
j’appelle,  semblables-identiques  c’est–dire des sujets issus
d’un mme milieu gographique, culturel et parfois ethnique (les semblables) et
qui ont aussi en commun une orientation homosexuelle qui est perue et vcue
comme identitaire dans les rseaux de rencontre (d’o  l’identique, parce que derrire cela se
cache l’expression d’une identit sexuelle qu’on assume dans les sphres privs
des rseaux)


 


Un
dernier mot pour les lecteurs ?


Charles GUEBOGUO : Bah ! Je
serais heureux qu’un grand nombre de personnes puissent prendre connaissance de
ce travail. Il est loin d’tre parfait, aussi, les remarques et critiques de
tous genres seraient les bienvenues. Cela me permettra d’amliorer le tir par la
suite.  J’espre aussi que ce livre
fera avancer les mentalits de ceux qui restent persuader que l’homosexualit
n’existe pas en Afrique ou alors qu’elle aurait t importe de l’Occident pour
nous pervertir, nous,  pauvres et valeureux Africains !  Enfin
j’espre qu’elle favorisera l’acceptation de la diffrence des uns et des autres
dans le respect mutuel, car je suis convaincu que l’orientation sexuelle, quelle
qu’elle soit, n’est pas une panace. Ce qui mon sens devrait faire la fiert
des Africains, c’est leur capacit respecter la res publica (la chose publique) pour
notre dveloppement (capacit qui se fait toujours attendre), et non pas le fait
de nier la ralit homosexuelle qui fait partie de notre historicit et qu’on
doit aussi assumer comme tout le reste.


 


Rfrence : LA QUESTION HOMOSEXUELLE EN AFRIQUE,
Paris, L’Harmattan, Coll.,  Etudes Africaines , octobre 2006, 190P.
17 Euros.


Il est en vente pour le moment la librairie de
l’Harmatan paris, 16, rue des Ecoles.


 

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