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Calogero : Je n’ai pas de problèmes à dire qu’un mec est beau

On l’avait évoqué en filigrane avec Zazie, lors de son interview il y a quelques semaines. Elle m’avait parlé de son album dont elle avait signé tous les textes, en soulignant juste vaguement que l’un d’entre eux parlait de rencontres sur internet. Je commence à regarder fébrilement ma montre car même si je suis dans les parages de l’hôtel où il m’a donné rendez-vous pour une interview, je ne reconnais plus trop ce quartier où je suis pourtant déjà venu et j’ai peur de laisser, dans la précipitation, passer la rue où il faudra s’engouffrer. Lui, ce n’est ni plus ni moins que le plus gros vendeur de disques français. Là déjà ça calme. Me voici à la réception, annonçant que Calogero m’attend. Je l’aperçois en train de faire les cent pas dans la mezzanine, téléphone portable à l’oreille. Il est habillé sobrement, veste noire posée presque à même la peau, sur collier de breloques. En me dirigeant vers lui j’hallucine. Lara Fabian en personne est assise à ma gauche, également en pleine interview, et au fond de la salle, c’est Marc Olivier Fogiel que j’aperçois en grande conversation avec un individu dont je connais le visage sans pour autant pouvoir y accoler un nom. Immédiatement interloqué par mon tee-shirt à l’effigie du groupe Duran Duran, il s’enthousiasme, me disant que leur album Seven and The ragged Tiger avait été énorme et commençant à chantonner deux de leurs titres Shadows on your Side et Save a Prayer. Le courant passe, il sourit et me fait signe de prendre place .

Tof : Salut Calo, très heureux de te rencontrer, surtout pour parler de Pomme C, qui a mon avis est ton meilleur album. Pourquoi es-tu parti l’enregistrer précisément en Italie ?
Calogero :
La grande question ! [Sourire] Et bien en fait je ne voulais pas spécialement aller dans ce pays, mais j’avais simplement envie de casser le rythme des sessions studio habituelles. Tu sais comment ça se passe, c’est tout le temps une phase de composition chez soi, puis une phase d’enregistrement derrière les tables de mixage etc, etc . . Là j’avais envie de faire différemment, dans une maison. Alors oui ça s’est passé en Italie, mais tout simplement parce que la première maison libre que j’ai trouvé sur internet, et qui pouvait accueillir douze personnes, se trouvait là-bas. Ca aurait aussi bien pu se passer en Espagne par exemple ! L’idée c’était surtout le soleil !

Tof : Et ce que ça n’était pas aussi une façon d’échapper à une certaine pression ?
Calogero :
Non non pas du tout ! Comme je sortais d’un album qui a bien marché (3 : ndlr), c’était plutôt une manière de profiter de cette vague de succès pour convaincre ma maison de disques que c’était super d’aller là, vue qu’elle serait sûrement plus encline à accepter [Sourire]. Il faut aussi dire qu’aujourd’hui vu la crise du disque on vit les derniers instants ou des albums peuvent encore se faire de manière moins conventionnelle. Il fallait en profiter avant qu’il ne soit trop tard. Bien sûr il y a eu des inconvénients techniques, comme des problèmes d’électricité et de voisinage par exemple ! L’enregistrement s’est fait en plein air sous les arcades, donc tu imagines ! Ca a vraiment été ma plus belle expérience musicale en tout cas !

Tof : L’album a été intégralement écrit par Zazie, que tu connais depuis sept ans. Pourquoi avoir attendu si longtemps et pourquoi un album exclusivement signé Zazie ?
Calogero :
D’abord ça faisait longtemps que j’y pensais parce qu’on a déjà fait trois chansons ensemble et que ces chansons là ont vraiment une identité, quelque chose de singulier qui fait qu’on les reconnaît. Je trouve en plus que le mélange de nos deux personnalités donne un résultat assez étonnant !


Tof : Comment a-t-elle fait pour ne pas s’emmêler les pinceaux entre tes textes, et ceux qu’elle préparait pour les albums de Fabien Cahen et Christophe Willem ?
Calogero :
En fait ce n’est pas le même travail que je lui ai demandé puisque je voulais vraiment qu’elle m’écrive un album complet, ce qui n’est pas du tout la même démarche que d’écrire une chanson ou deux. Cela impliquait qu’elle entre dans un univers, et elle a été épatante là-dessus. Du coup elle a montré qu’elle pouvait assurer plusieurs projets à la fois. J’ai complètement senti une vraie concentration sur mon projet. Je n’ai pas hérité de textes qui était au départ destinés aux autres si tu veux savoir .

Tof : Au niveau des thèmes abordés, c’est un album moins recentré sur toi-même .
Calogero :
Oui certainement, c’est plus riche, et il y a des thèmes plus graves aussi. Je pense en particulier à la chanson Suis-je assez clair ? qui traite du problème de l’immigration, mais en fait plus globalement de la discrimination en général. En substance, le texte se demande si on a tous les mêmes de chances de trouver un travail, et en particulier lorsqu’on a le visage d’un étranger. La réponse on la connaît .

Tof : Beaucoup disent que Pomme C a des sonorités plutôt anglo-saxonnes. Moi je lui trouve aussi une certaine couleur italienne. Qu’en penses-tu ?
Calogero :
Oui c’est vrai, c’est marrant Zazie me l’a dit aussi ! [Sourire] Ca me fait plaisir car je crois que c’est un mélange qui correspond à ce que je suis : Un côté latin dans les mélodies, un côté très british dans les arrangements, et une manière de chanter très française. En fait c’est ce qui fait mon identité !

Tof : Il y a cet instrument iranien aussi qu’on entend sur certains titres, et qui me fait penser à la mandoline .
Calogero :
Ah oui, tu dois faire allusion au santoor iranien ! C’est l’instrument utilisé dans le générique d’ « Amicalement Vôtre » ! C’est aussi ce qui fait penser à Ennio Morricone. Tout ça est assez logique parce que j’ai toujours beaucoup écouté les Cure, Dépêche Mode, Barbara, mais aussi Morricone !

Tof : Tu as dû être aussi influencé par la musique italienne alors ?
Calogero :
Ho non, je n’aime pas du tout ça et je crois que j’ai toujours eu du mal. Déjà lorsque je partais là-bas avec mes parents, et qu’ils mettaient des grosses cassettes de variété italienne, ça me donnait des boutons [Rires].Morricone, ça n’a rien à voir : j’adore ! C’est un truc que je partage avec mon frère. Quand on était mômes, on avait acheté un best-of double vinyl, qui contenait Le Casse, La Banquière, Le Clan des Siciliens, ou encore Il était une fois dans l’Ouest, tous les grands films de Sergio Leone, et des films français aussi. C’est avec cela qu’on a commencé à apprendre la musique et on peut dire qu’on en a tout de suite été imprégnés.


Tof : Alors j’ai été étonné de lire que tu te disais macho. Pourtant en écoutant Je sais on se dit que c’est plutôt le contraire, voire même que tu es un tantinet féministe
Calogero :
Bon j’ai des petits côtés macho c’est vrai, mais globalement je suis sûrement le moins macho des machos ! [Sourire] C’est vrai que cette chanson laisse transparaître un sentiment d’humilité par rapport aux femmes, qui assurent avec brio leur rôle de mère et s’en sortent souvent mieux que les pères. Mine de rien il faut un certain courage pour chanter cela. C’est quasiment un aveu.

Tof : Est-ce que la paternité a changé ta façon de voir les choses ?
Calogero :
Forcément oui ! On sent déjà deux présences [Sourire] et puis ça révèle aussi de nouvelles inquiétudes [Pensif] mais en même temps j’ai l’impression que dans la tête ça ne me rend pas plus mâture. J’ai l’impression de rester le même avec deux enfants et c’est tout simplement fabuleux. Souvent c’est vrai qu’on dit qu’il y a d’un seul coup une vision différente de la vie. Moi je reste toujours le même et en tout cas je garde toujours mon âme d’enfant. Au contraire, le fait d’être père me replonge parfois carrément en enfance !

Tof : Est-ce que le fait d’« avouer » qu’une femme a plus de facilités à s’occuper d’un enfant, ça veut dire que tu aurais du mal à voir un enfant avec deux papas ?
Calogero :
Ben non, il vaut quand même mieux deux papas ou deux mamans plutôt qu’un couple hétéro complètement taré dans une campagne, qui enferme un gosse dans une cage pour lui fait subir des horreurs. Il vaut mieux simplement que l’enfant soit entouré d’amour, dans un contexte de sécurité, c’est clair !

Tof : La chanson Me dit-elle est assez spéciale. Pourquoi tenais-tu absolument à te mettre dans la peau d’une femme ?
Calogero :
Parce que je suis complètement à l’aise par rapport à ça et Zazie le sait. Ca ne me gène pas de parler à table de sujets un peu ambigus, parce que je n’ai aucun souci avec ma sexualité. Pas de problème non plus à dire qu’un mec est beau. Après si on raconte que je suis pédé ce n’est pas grave, de toutes façons on dit ça depuis le début de ma carrière ! Pour être plus juste on l’a dit surtout au début. C’est moins le cas depuis que je suis en solo. Au contraire il y a une forme d’ouverture d’esprit chez les gays qui n’est pas désagréable. Attention ce n’est pas dans ma manière parce que je suis quand même très masculin, avec en plus des origines siciliennes. Mais mon père et moi, même si on est virils dans notre façon d’être, avons une grande sensibilité, tout comme mes frères. Je crois que la sexualité ne se situe pas là . Et puis tu sais quand je suis arrivé à Paris à 15 ans j’ai très vite compris que c’était dans les boîtes gays que j’allais pouvoir rouler le plus de pelles aux nanas. J’étais toujours fourré au Boy, je m’y sentais bien parce que je sentais que les filles n’y étaient pas en danger. C’était même là qu’on croisait les plus jolies !


Tof : Parle-moi de la chanson Hypocondriaque. Bien sûr on a compris de quoi ça parle, mais j’ai l’impression que tu en parles comme d’une réelle souffrance. Et d’ailleurs la chanson finit sur le mot « camisole », qui fait quand même assez peur .On a l’impression aussi que tu parles d’un malaise qui est créé surtout par l’entourage.
Calogero :
Bon en fait j’ai effectivement une tendance à être hypocondriaque, mais ce n’est pas quelque chose d’extrême non plus. Il se trouve que j’ai eu une période très difficile dans ma vie car je ne savais pas vraiment si j’allais pouvoir faire ce métier. Comme je ne sais faire que ça et que je n’envisageais pas ma vie différemment, je faisais des crises de panique. Penser que je ne pourrais pas y arriver et qu’il faudrait peut-être entamer autre chose, c’était une sensation horrible, comme si tu me mettais devant un mur de béton infranchissable. J’avais SOS médecins tout le temps à la maison .

Tof : Il y a des thèmes de chansons sur ton album qui font penser à certaines chansons de l’album de Zazie . C’était une demande de ta part ?
Calogero :
Tu dois penser à Drôle d’animal qui se rapproche de Je suis un homme. En fait au contraire pour cette chanson là, la mélodie était très ludique, très enfantine, et je m’attendais plus à ce qu’elle y colle un texte d’amour que ce texte plutôt trash. Mais j’ai adoré le contraste et là on peut vraiment dire que Zazie m’a surpris !

Tof : Au travers de la chanson Pomme C tu parles des rencontres sur internet. Pourquoi as-tu voulu aborder ce thème ?
Calogero :
En fait j’ai eu des amis qui passaient énormément de temps sur ce genre de services. Moi aussi j’y ai fait des rencontres, pas amoureuses mais beaucoup de conversations. C’est à ça que ça sert finalement le net ! J’ai remarqué que c’était un environnement très trompeur surtout pour les gens seuls.Je voulais un texte pour parler du fait que les gens ont de plus en plus de mal à affronter la réalité . Et puis tout simplement ils ne veulent pas se déplacer aussi ! [Rires] Il y a un petit côté comme ça que je trouve dommage . mais c’est très intéressant, moi-même je suis souvent sur le net, ne serait-ce que via Myspace. C’est super mais la chanson dit que pour aller plus loin, il faut quand même faire un premier pas et descendre en bas de chez soi .

Tof : Toujours en faisant référence à cet univers, dans Game Over, tu parles des accrocs les jeux électroniques .
Calogero :
Et oui ! Moi je ne joue pas aux jeux électroniques et ce n’est pas du tout mon truc, mais j’ai déjà eu des potes qui passaient leurs après-midi entières à ça … C’était affolant car ils restaient en caleçon toute l’après-midi pendant que leur gonzesse attendait à côté …


Tof : J’ai l’impression que tu es super à cheval sur les droits de téléchargement de tes chansons … Par exemple impossible de visionner une de tes vidéos sur Youtube avant l’interview …
Calogero :
C’est pas qu’on surveille beaucoup tout ça mais moi je suis contre la musique gratuite, parce que je trouve que c’est la mort des artistes, et en l’occurrence des jeunes artistes. Je suis pour le téléchargement légal, je trouve ça vachement bien et je le fais quasiment tous les jours. C’est normal de découvrir des choses sur le net. Il n’y a pas non plus de raisons que les médias soient toujours les mêmes à diffuse les mêmes choses. Ce qui est proposé ici est plutôt restreint en plus. Par exemple une bonne partie de ce qu’on voit sur MTV2 ou VH1 n’arrivera peut-être jamais en France, ce qui constitue une tentation supplémentaire. Je pense que tout ça doit profiter à certaines personnes tout simplement.
Il y a trop de hors-la-loi, et ça veut donc dire que la loi est mal faite. Moi je ne suis pas pour taper sur les doigts de ceux qui téléchargent mais plutôt qu’on pénalise ceux qui donnent le moyen de le faire. Je ne veux pas qu’un jour la musique et le cinéma soient définitivement gratuits sur internet.

Tof : Tu vas bientôt te produire à Bercy pour la première fois, comment te sens-tu ?
Calogero :
Ca m’excite à fond et c’est vraiment le mot ! C’est une salle que je sens bien et j’ai vraiment envie d’y aller . Après j’ai le trac donc plus ça va avancer plus je vais être insupportable !

Tof : Est-ce que ça va être quelque chose de simple ou y aura-t-il des écrans géants partout ?
Calogero :
Bon je ne vais pas descendre d’un hélicoptère mais oui il y aura des surprises visuelles ! Ce sera basé avant tout sur l’énergie. Ce sera à l’image de cet album en tout cas. Le public retrouvera les chansons qu’il connaît avec quelques ré instrumentalisations, et probablement des reprises.

Merci Calo de m’avoir réservé un peu de ton temps précieux. Si tes premiers albums étaient déjà de belles et grandes réussites, on peut dire que Pomme C est une réelle apothéose, un disque qui fait voyager tout simplement. Vivement ta tournée pour qu’on vienne tous applaudir la bête de scène que tu es !


Tu peux lire la chronique-CitéGAY de Pomme C, dans notre rubrique Musique, et même le commander !

N’hésite pas à visiter le site officiel de Calogero et son site Myspace

Lire les interviews précédentes de Citégay : Patrick Wolf – Maroon 5 – Christophe Willem – Zazie – Jay Jay Johanson – Guesh Patti – A-Ha – Cerrone – David Guetta – Elodie Frégé – Duran Duran – Elli Medeiros – The Killers – Kim Wilde etc, etc …





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