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Thomas : Ma perfection à moi c’est de pouvoir vivre librement …

C’est au café de la Musique que, par une belle journée ensoleillée, j’ai rendez-vous avec Thomas Sayofet (aka Thomas Du Loft) .
L’occasion de parler avec lui de la sortie de son livre Personne n’est parfait Maman ! à conseiller à tout ceux qui sont à la recherche de témoignages vrais sur le coming-out, et bien sûr également à toute personne qui souhaite se senbiliser sur le sujet . Entretien avec un ex-lofteur qui a choisi le bien-être, plutôt que les paillettes …



Tof : Salut Thomas ! Pourquoi ce livre ?
Thomas : En sortant du loft j’ai reçu énormément de témoignages de douleur . Par exemple, j’ai pris conscience du fait qu’en province , ce n’est pas évident de vivre homosexuel . Via la ligne azur dont je suis le parrain , j’ai eu accès aux statistiques concernant le taux de suicides chez les homosexuels . Ca m’a profondément choqué parce que moi-même, j’ai vécu des états dépressifs et suicidaires .
Si j’avais pu en discuter et voir qu’on passait tous par des stades plus ou moins difficiles, il me semble que je me serais senti moins seul .
J’ai donc écrit ce livre pour répondre à tous les jeunes et les moins jeunes en situation de détresse causée par leur homosexualité . Je me suis dit qu’en leur faisant part de mon expérience, dans le contexte de l’émission mais aussi en racontant les conditions dans lesquelles je vivais avant et les répercutions après, ça pouvait peut-être les aider .

Tof : Le titre Personne n’est parfait Maman ! semble sous-entendre que l’homosexualité est un défaut …
Thomas : Il faut le remettre dans le contexte . C’est une phrase que j’aurais pu dire à ma mère . Dans le milieu dans lequel je vis, au sein d’une vieille famille avec beaucoup de principes judéo-chrétiens de base, l’homosexualité est un pêché, quelque chose d’anormal et de non considéré .
Comme tout adolescent qui découvre son homosexualité, j’ai moi-aussi dû penser « ça serait peut-être plus simple si j’étais hétéro » . Au bout d’un moment ça devient tellement difficile d’être en harmonie avec ce qu’on pense et ce qu’on a envie de vivre …

Tof : Et qu’est-ce que c’est « Etre Parfait » pour toi ?
Thomas :Tout dépend la religion, la société dans laquelle tu évolues etc … la perfection, ce sera peut-être dans 10 ans, d’avoir le droit à l’indifférence . Et puis le jour où les homos pourront adopter des enfants et vivre comme tout le monde, ça en bouchera un coin à plus d’un, mais on sera parfait, en tout cas à mes yeux . Ma perfection à moi c’est de pouvoir vivre librement, c’est essentiel .

Tof : Dans ton livre, tu parles du Loft en tant qu’internement télévisuel …
Thomas : C’est vrai, c’est rigolo . C’est pas innocent évidemment . Etant donné que le loft est un espace clos, c’est un internement, et télévisuel parce que c’est filmé . Euh, ça te convient comme explication ?
[silence] [gros éclat de rire] Non, non, personne n’y crois, dommage … Plus sérieusement, chez moi ça a aussi servi de thérapie . Ca a été un accélérateur d’expérience . Je suis parti « A la découverte de moi-même » – ça pourrait faire un bon titre de film – . Et c’est effectivement un peu comme si j’étais allé dans un hôpital psychiatrique …

Tof : En y allant, tu étais conscient de cet aspect thérapeutique ou tu l’as découvert au fur et à mesure ?
Thomas : Je savais que c’était très dangereux pour moi . Ma psy et tous les gens qui m’aimaient ou qui connaissaient mon état psychologique, étaient contre . Une fois à l’intérieur j’ai été frappé par la puissance des miroirs et des caméras . On connaît des gens qui sont mal à l’aise face aux miroirs ou tout simplement quand il s’agit de les prendre en photo . Mais là, tu te retrouves face à toi-même, toujours … Les caméras ont un tel pouvoir culpabilisateur que du coup on fait un énorme travail d’introspection : Tu te demandes « mais qu’est-ce que je fais dans cette pièce ? » Dès que je suis rentré, c’était déjà la catastrophe . Je me suis demandé quel était le regard qu’on pouvait bien porter sur moi . Est-ce que j’étais resté moi-même ? Et , sachant que de l’autre coté il y a des techniciens qui sont en train de te mater, tu te poses des questions sur le sens de cette situation . On cogite, on cogite, on cogite et après, conclusion : « Je suis homosexuel ! » [Rires]



Tof : Tu te qualifies quelquefois d’extra-terrestre . Et si c’était ça la vraie richesse ?
Thomas : Ah ben oui, maintenant oui . Mais je crois que pendant très longtemps j’ai cherché à me fondre dans la masse et à être moulé dans le même moule que tout le monde . Pendant longtemps, en fait pendant l’adolescence, on recherche un équilibre et on a l’impression que c’est dans la banalité qu’on peut y accéder …

Tof : Est-ce que les autres membres du Loft ont lu ton livre ?
Thomas : Je ne sais pas, il faut les appeler pour leur demander . [Rires] Tu sais ce sont un peu comme des relations de vacances . Depuis le loft, on a chacun retrouvé notre vie . Et puis j’allais pas garder des super bons rapports si je n’en partageais pas déjà dans le loft . Il y en a avec qui ça colle toujours, avec qui j’ai toujours plaisir à discuter, et d’autres avec qui je suis ravi d’être sans aucune nouvelle . Et puis j’ai gardé mes anciens amis donc …

Tof : Tu n’aimes pas beaucoup le milieu Gay . Qu’as-tu à lui reprocher ?
Thomas : Parce qu’il est irréprochable ? C’est ça que tu sous-entends ? [Rires] Ben ce qui me dérange c’est par exemple cet énorme culte de la beauté et des apparences . J’ai cru pendant longtemps qu’il fallait que le mec soit absolument parfait , qu’il fallait que ce soit une réplique de sculpture . Mais on ne couche pas avec du marbre, c’est quand même pas très agréable . C’est tellement froid surtout … [Rires] Mon dieu, c’est une très belle métaphore que je viens de vous faire ! Merci Moi je suis formidable ! [Rires]
Non plus sérieusement, dans le milieu on accorde énormément d’importance aux apparences . Les gens qui se sentent déjà différents par rapport à leur sexualité et découvrent le milieu , il faudrait en plus qu’ils soient super bien gaulés, et bronzés parce qu’ils reviennent d’Ibiza . En fait, on a l’impression qu’il faut être clôné . Bon là, je parle du Milieu en pensant au Marais, qui est quand même tout petit par rapport au nombre d’homosexuels qui vivent en France . Celui-ci n’est pas représentatif et le rapport d’identification des jeunes qui viennent de Province, est assez difficile . Tout cela ne peut pas leur être bénéfique et ne peut pas les amener à se sentir bien dans leur peau . Il vont se faire juger, regarder des pieds à la tête . C’est très dur ! Il n’y a pas de sentiment de fraternité . Certains font preuve d’une grande intolérance . On se bat contre l’intolérance, mais déjà on pourrait en faire un peu plus au sein de la communauté . C’est ensemble qu’on est plus fort, pas en créant un milieu élitiste !

Tof : Nice People ne rencontre pas le même succès que le Loft … Pourquoi d’après toi ?
Thomas : Avec Nice People, je pense qu’il y a un problème d’identification . Les gens ne peuvent pas se reconnaître, si on leur montre des participants qui mangent du caviar en Russie, qui roulent en Porsche en Espagne ou qui vivent dans un 300 mètres carré en plein coeur d’Amsterdam .
Le loft a fonctionné parce que les gens s’attachaient à nous, ce qui n’est pas évident dans Nice People, même si j’ai tout de suite beaucoup aimé la britannique Eleanor , et si je trouve Serena l’italienne très drôle . Le casting de Nice People est tellement « bien comme il faut » qu’il en devient fade .
Mais, on ne peut pas faire l’amalgame entre l’émission et la personnalité des participants . Moi je sors de télé-réalité mais je ne me considère pas uniquement comme « Thomas du Loft » .

Tof : En fait, tu as participé au Loft pour enrichir ton côté privé et ta personnalité alors que les autres sont venus pour devenir des personnages publics .
Thomas : Oui c’est vrai, moi je recherchais un bien-être . Et c’est toujours ce que je recherche . La notoriété n’est pas jubilatoire ni évidente . Avoir une page dans Gala ne m’intéresse pas plus que ça , alors que certains se battent pour avoir des pages dans Gala . Mais je vais arriver à être heureux un jour … Je fais des expériences « à la recherche du bien-être » : C’est-à-dire le loft, les engagements que je peux prendre auprès d’associations …



Tof : Ca ne t’a pas gêné, le fait de ne t’associer qu’à des opérations Gay ?
Thomas : Ce qui m’a été proposé ailleurs ne m’intéressait pas , des projets commerciaux complètement débiles . Utiliser ma notoriété pour faire du fric et un CD pourri, ça n’était pas pour moi . La notoriété doit servir avant tout à faire avancer les choses . Et puis plus on parle d’homosexualité, plus ça rentre dans les moeurs, donc ça ne m’embête pas de me « spécialiser » là-dedans . Au contraire, il y a plein de combats à faire, notamment pour l’homoparentalité , et plus que jamais contre le Sida . A travers tout ça j’arrive vraiment à m’investir …

Tof : Tu te sens proche de Lesly . Est-ce que tu te reconnais dans son côté « écorchée vive » ?
Thomas : En tout cas, je ressens énormément de souffrances chez cette fille . Elle est révoltée contre tout . Mais je ne peux pas vraiment me reconnaître . Je lui porte beaucoup d’affection même si elle est très dure . On n’attend pas de quelqu’un qui souffre des réactions forcément raisonnables .

Tof : Ta famille a-t-elle lu le livre ?
Thomas : Pour l’instant cinq personnes l’ont lu . Les réactions sont très bonnes . Grande surprise : ma grand-mère paternelle m’a dit « c’est quand même bien ce que tu fais pour les homosessuels [il étouffe sa voix pour mimer la difficulté à dire ce mot] » [Rires] J’ai trouvé ça vachement bien de sa part par ce que c’est encore un mot qu’elle a du mal à prononcer . Quant à ma mère, elle a été profondément touchée . Du coup elle adopte un comportement différent vis-à-vis de mon petit frère . Après avoir culpabilisé de ne pas me connaître et maintenant qu’elle s’est remise en question, elle discute beaucoup plus avec lui, pour ne pas reproduire ce qui s’est passé avec moi …

Tof : Finalement le Loft est un grand défouloir pour la société , qui procure des têtes de turc …
Thomas : Oui effectivement, c’est un peu une arêne de cirque . « A Mort ! » « Nominé ! » . Même après, c’est très difficile . Moi, j’ai eu de la chance parce que je n’ai pas été victime d’agressivité . Mais je sais que d’autres ex-colocataires l’ont été . C’est particulier, c’est un défouloir tout le temps . Et puis c’est plus des étiquettes qu’on nous colle, c’est des pancartes : avec « Thomas du Loft » ou encore « Thomas Homosexuel du Loft »

Tof : En même temps ton site s’appelle bien thomasduloft.com .
Thomas : Non ,c’est redirigé vers thomassayofet.com . Je voulais thomassayofet.com mais on m’a fait comprendre que c’était pas du tout mnémotechnique . Alors finalement thomasduloft.com est redirigé vers thomassayofet.com . Enfin c’est rigolo de s’appeler Thomas du Loft . Ca a presque une connotation Branché Ringard maintenant, c’est déjà d’une vieille époque . Par contre c’est sûr que la particule De la Villa est plus sympa que Du Loft [Rires]

Tof : Tu utilisais déjà internet sinon ?
Thomas : Oui c’est formidable ! Un merveilleux outil de communication et pour les rencontres gay, c’est top . Bien sûr il peut y avoir des déceptions, mais j’ai quand même rencontré des gens formidables et étonnants . On a tous un amoureux quelque part, le tout est de le trouver . J’ai passé des annonces sur citégay, mais c’est fini maintenant … je crois ! C’est aussi très sympa pour les gens qui habitent en province . Plein de villes n’ont même pas un café gay, et quand c’est le cas, il faut avoir du courage pour y aller parce que dès que tu y vas tu es fiché .

Tof : Merci Thomas pour cette interview très sympathique . Quels sont tes projets maintenant ?
Thomas : Je préfère ne pas en parler par superstition !

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