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Une application de drague gay qui refuse les  »moches »

« Ça va pas être possible ». Avez-vous déjà rêvé de voir votre mobile vous parler comme un videur de boite de nuit ? Si oui, il vous suffit de télécharger Hanky. Lancée mi-décembre, cette nouvelle application de dating gay type Grindr fonctionne comme un club privé pour happy few en refusant l’accès à la majorité de ses utilisateurs. Ici, les nouveaux inscrits doivent être parrainés par un profil déjà membre ou approuvé par un quorum de 3 comptes vérifiés. But de la manoeuvre: n’autoriser l’accès à l’appli qu’aux utilisateurs les « plus sexy » en excluant les physiques différents: les gros, les « moches », les garçons efféminés ou au looks alternatifs. Selon les créateurs de l’appli, 80% des utilisateurs resteraient ainsi sur le carreau.

Derrière cette belle innovation humaniste, se cache, un Danois de 29 ans, Jonas Cronfeld. Diplômé de l’Université Copenhague en Design et Technologie, ce jeune startupeur bosse depuis près 10 ans le secteur du gay dating. Et c’est en boite de nuit, qu’il a eu l’idée de Hanky:

    « Je passais la soirée dans un grand club gay à New York. Je n’aimais ni la musique ni les autres mecs là-bas. J’ai appelé un pote qui nous a fait rentrer dans une soirée gay seulement sur invitation. Une super fête sur rooftop. Soudain, on s’est senti chez nous. On s’est assis avec quelques bonnes bouteilles et on s’est demandé si on pouvait créer le même environnement dans un téléphone. Dès le lendemain, on a commencé à bosser sur cette idée. »

« Une communauté démocratique »

Pour le jeune entrepreneur il n’y a rien de choquant à exclure sur de simples critères physiques les 4/5 de ses utilisateurs potentiels:

    « On veut offrir un environnement unique où tout le monde est sur la même page. Des mecs avec qui on voudrait sortir. Sur Hanky, les utilisateurs dessinent la communauté de façon démocratique. Il te faut une invitation par un contact qui est déjà membre. Si tu n’as pas d’invitation, il te faut obtenir au moins 3 votes de membres pour accéder à l’appli. Comme ça on évite le nombre de mecs chelous, de ceux qui te font perdre du temps ou les faux profils. »

Un alibi « hypocrite », selon Cédric Bozzi, créateur de l’appli de rencontre française NoPicNoDial:

    « C’est juste une app de rencontres qui sélectionne sur le physique, comme le fait déjà le site Beautiful People. Dire qu’on va réussir à écarter les mecs bizarres et les faux profiles ça me paraît aussi constructif que de dire « pas de mythos » sur ton profil Grindr en pensant que ça va changer quoi que ce soit. Les utilisateurs ne sont très mauvais juges pour savoir qui est « mytho » ou non sur les sites de drague. On le voit tous les jours dans les signalements au webmaster sur NoPicNoDial où en général « mytho » veut dire « il a arrêté de me répondre ».

Si le concept de Hanky est moralement critiquable, cela ne veut pas dire que l’appli est vouée à l’échec. Au contraire:

    « Il y a un marché pour ce genre d’appli, poursuit Cédric Bozzi. Ça peut même faire un tabac, en France comme ailleurs, alors ils auraient tort de se priver. Les applis de drague restent probablement le type d’applis le plus ouvert à de nouveaux entrants. Les clients n’hésitent pas à en télécharger plusieurs et les utiliser en parallèle. »

« L’homophobie intériorisée »

Sur le web, le lancement de Hanky n’est pas passé inaperçu. « Les fans de l’homophobie intériorisée et des préjugés vont adorer cette nouvelle appli », ironise le site LGBT NewNowNext. Ce qui ne semble pas déranger le créateur de l’application qui a construit toute sa communication sur la controverse.

Mais les homosexuels ne découvrent pas « l’homonormativité » avec cette nouvelle appli. Sur Grindr, Scruff et autres Hornet fleurissent les profils sur lesquels on peut lire « pas de folles », « pas de blacks », « pas de gros » ou « viril seulement ». Des propos parfois violents, depuis longtemps recensés sur Tumblr, et qui mettent à jour les discriminations intracommunautaires d’une minorité qui, paradoxalement, réclame plus de tolérance à son égard. Pourtant, en théorie, les conditions d’utilisation de Grindr interdisent les profils au contenu « offensant ». Dans la pratique, ils se multiplient. À tel point que le « No Fats, No Fems » devrait bientôt faire l’objet d’un documentaire.

« Besoin de positivité »

Un débat urgent, car aujourd’hui les applications de rencontre jouent un rôle crucial dans la vie sentimentale et sexuelle des homos. Selon une étude australienne, en 2001, ils étaient à peine 14% à se rencontrer en ligne. En 2014, 80% des couples gays se rencontreraient via les applis.

Curieusement, Hanky nage à contre-courant de la tendance actuelle d’un secteur en quête de respectabilité. Grindr, la plus célèbre des « hook up apps » vient de confier sa communication à la très fashion agence de relation public PR consulting et va même diffuser des défilés de mode. De son coté, Eric Cervini, un jeune étudiant de Harvard vient de lancer Q is For All, une appli de rencontre et d’échange, moins portée sur le sexe :

    « J’ai essayé toutes les appli gays du monde et elles m’ont toutes lassées ! On y est confronté à un langage déshumanisant: personne ne devrait jamais avoir à se sentir assez « viril » ou avoir un corps parfait pour appartenir à une communauté ! On a besoin de positivité. « Q » est une application inclusive qui n’est pas sexualisée à outrance. Tu peux l’utiliser dans le bus sans avoir peur de voir des horribles images s’afficher sur mon téléphone ! J’ai grandi au Texas où il est très difficile de s’assumer. Les gay méritent un espace en ligne qui les connecte avec la diversité de la communauté LGBT et surtout, qui nous rappelle qu’on est humain ! »

Bref, le contraire de ce que prône Hanky.

Source : Les Inrocks



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