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Première gaypride à Poitiers

La première gay pride régionale a réuni des centaines de participants. Leur message: « Vivre notre différence dans l’indifférence. »

Pas d’oeufs ou de tomates lancés sur les manifestants depuis les balcons. Pas d’insultes, pas de regards de travers, mais plutôt des sourires, des regards complices. La gay pride (pardon, la marche des fiertés), de samedi s’est déroulée dans une ambiance bon enfant et sous le regard bienveillant des badauds.

San Francisco ? Le Marais ? Non: Poitiers. C’était une première, une marche des fiertés inédite dans la région. Ils étaient « un bon millier » d’après les organisateurs. Environ la moitié selon nos estimations.

Inimaginable il y a quelques années. « Parce que les homos, les lesbiennes, les trans n’osaient pas s’afficher », résume Gérard Chauvin, militant angoumoisin du collectif « Homos, hétéros, toutes et tous égaux ».

Certes. Mais sans doute aussi la société n’était-elle pas prête à voir s’afficher ainsi la différence. Les choses ont changé ces derniers mois. « Le mariage pour tous représente une grande avancée », reconnaît Frédéric Hay, à la tête de l’association Adhéos, en pointe pour la défense des droits des homosexuels dans la région.

« Mais dans le même temps, l’homophobie s’est décomplexée », assure Gérard Chauvin. A tel point que le nombre d’actes contre les gays et lesbiennes dans la région a atteint un niveau inédit en 2013, « une année noire » (lire encadré).

D’où la « nécessité » de manifester. « Pour qu’un jour on puisse vivre notre différence dans l’indifférence », comme le dit joliment Frédéric Hay. S’afficher. Pour montrer « que nous sommes des citoyens comme les autres. Voilà, on existe, c’est comme ça, il faut faire avec nous. A terme ce genre de manifestations peut faire évoluer les consciences. Parce que ce qui est inscrit dans les lois n’est pas encore inscrit dans les coeurs », résume, lyrique, Stéphane Lévêque, un Angoumoisin.

« On n’a pas de plumes dans le cul »

Lui, Marion, Alexandre et bien d’autres représentent cette masse anonyme et discrète de l’homosexualité picto-charentaise. « Non on n’a pas des plumes dans le cul, non on n’est pas habillés en latex », ironise Alexandre Huet, 25 ans, qui bosse dans une boîte gay de Poitiers.

Des plumes et du latex, il y en avait pourtant en tête de cortège où des queens apprêtées faisaient le spectacle. Provoc’ assumée, folklore assuré.

Mais derrière le camion sono qui crache les tubes de Pink, Blondie ou Mika, la foule est plutôt sage. On parle des combats à mener: PMA (procréation médicalement assistée), adoption, droit à changer de sexe. « Le mariage pour tous c’est une victoire, mais on attendait plus de ce gouvernement », regrette Alexandre Huet qui ne connaît que trop bien les difficultés des homos à vivre leur différence. « Comme beaucoup d’autres j’ai été agressé parce qu’homo. »

Une rue sombre, un soir, à Angers. Cinq types qui l’attendent dans une voiture. Un coup de portière dans le thorax. « Une fois au sol, ils m’ont tabassé avant de m’abandonner là…. » Alexandre a été choqué du manque de soutien et de réaction des autorités. « Au commissariat quand j’ai raconté mon histoire à une flic de service, elle semblait indifférente. »

Homophobie libérée

Homophobie en hausse ? « Parole libérée, en tout cas. C’est comme les gens qui sont au FN. Il y a 10 ans ils le taisaient. Maintenant, ils le revendiquent », analyse Gérard Chauvin.

« A 15 ans, je me suis fait humilier par mon prof de sport. Traiter de tapette devant toute la classe. Un enseignant ne pourrait plus faire ça aujourd’hui », estime Stéphane Lévêque, la quarantaine.

Mais il reste du boulot pour que Marion et ses copines vivent sereinement leur sexualité. Elles sont étudiantes, Poitevines. Dans le cortège, elles dissimulent leur visage quand approche une caméra ou un photographe, et -hormis Marion – refusent de donner leur prénom au journaliste qui cause avec elles. A côté de leurs études, elles bossent « auprès d’enfants » et « ne préfèrent pas imaginer les réactions des parents ou des collègues s’ils savaient… » S’ils savaient qu’elles préféraient faire l’amour avec des filles qu’avec des garçons.

Toutes racontent des coming-out chaotiques. « Quand j’ai annoncé que j’aimais une fille, ça a été l’horreur: mes parents m’ont dit « arrête tes conneries. T’as 48 heures pour dire la vérité. Et si tu persistes, tu quittes maison ». »

Ce qui fait dire à Gérard Chauvin: « Ce discours « L’homosexualité d’accord, mais pas dans ma famille » on l’entend très souvent… C’est ce qui nous fait penser qu’il reste un long chemin à parcourir jusqu’à ce qu’on nous accepte. »

Les actes homophobes en hausse dans la région

378 témoignages portant sur des phénomènes d’homophobie ont été recensés l’an passé en Poitou-Charentes par SOS homophobie et ses partenaires. « C’est 1.900 % de cas en plus que l’année précédente », résume Emeric Migaise, le porte-parole de la délégation charentaise de l’association. La croissance la plus spectaculaire de la région a été enregistrée en Charente-Maritime: + 4.400% d’évolution. En fait, le département voisin concentre à lui seul 360 des 378 cas recensés. Une spécificité qui s’explique en partie par le fait que l’association Adhéos, spécialiste de la problématique basée à Saintes, est très active et vigilante sur le territoire. « En Charente, il n’y a eu que sept témoignages, contre trois en 2012 » détaille Emeric Migaise. En tout cas, partout la tendance est la même: les propos homophobes se retrouvent majoritairement sur internet ou au travail. Surtout, le débat lié au mariage pour tous a « exacerbé les passions et décomplexé une animosité latente » résume Gérard Chauvin, l’un des responsables du Collectif de vigilance LGBTH (lesbien gay bi trans hétéro) Ni+ Ni- qui avait défilé en faveur de la loi dès 2012 à Angoulême. « 2013 a été l’année de tous les records », considère Emeric Migaise. « C’est dire s’il y a encore du boulot », soupire Gérard Chauvin.

Source : Charente Libre



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