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Un voile levé sur le tabou de l’homosexualité dans les cités

Entre déni, schizophrénie, paranoïa, dissimulation, injures, menaces et violences, tels sont les traits communs subis par beaucoup de gays et lesbiennes dits «de banlieues». Par peur du rejet, de la stigmatisation et des violences, ils cachent le plus souvent leur homosexualité ou subissent, si leur orientation sexuelle est connue ou seulement soupçonnée, des brimades, au mieux, des violences, au pire.

Dans deux livres distincts, ce sujet peu connu du fait du tabou qui pèse encore pour celles et ceux qui le vivent ou l’ont vécu, est dépeint de manière juste et cruelle. Et c’est cette justesse qui est effrayante tant elle souligne l’écart né entre avancées institutionnelles, juridiques, collectives et sociales de l’homosexualité en France et celles plus concrètes et toujours aussi dures vécues par celles et ceux pour qui ces mêmes avancées ne concernent que les autres, une entité distincte bien éloignée de leur réalité.

Dans Un homo dans la cité*, Brahim Naït-Balk revient sur son parcours, la descente aux enfers puis la libération d’un homosexuel de culture maghrébine. Brahim Naït-Balk a grandi dans la honte : honte de lui-même, honte de ses désirs et honte d’une différence qui l’isolait dans sa propre famille. D’origine marocaine, la famille de Brahim s’installe à Aulnay-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis dans les années 80. Arrivé dans la cité des 3000, à 22 ans, c’est par le foot que Brahim entend se fondre dans le lot commun d’un jeune garçon des cités, espérant par mimétisme que son homosexualité demeure secrète. «Je n’aimais pas trop le foot, mais sans foot, dans la cité on est rien» a expliqué hier Brahim au micro de France Info dans une très belle interview.

«J’étais différent des autres. Pas efféminé, mais différent. Toujours propre sur moi. Je n’étais pas la caricature du mâle footeux.» et la rumeur commence à courir et arrivent brimades, insultes avant violences, viols répétés qu’il ressent comme un châtiment de sa propre identité sexuelle. «A l’époque, je me disais, je ne suis qu’un sale pédé. Et maintenant je me demande comment j’ai pu me laisser faire» explique avec pudeur Brahim.

La (re)naissance de Brahim interviendra à ses 30 ans après son coming out mais plus encore quand il aura fui cette cité. Son père lui a envoyé un texto dans lequel il lui disait «tu n’es plus mon fils». Aujourd’hui, à 45 ans, il anime une émission de radio sur l’homosexualité et il entraîne l’équipe du Paris Football Gay. Brahim n’est jamais retourné à Aulnay-sous-Bois.

Brahim n’est pas retourné dans sa cité, mais est-ce possible aujourd’hui ? Non, à écouter Farida, travailleuse sociale dans les cités, qui expliquait toujours à France Info qu’elle tait sa propre homosexualité. La Raison ? Pour Farida, il n’y a pas d’alternative : soit on nie son homosexualité, soit on doit quitter la cité et développer une double vie. Elle estime même qu’on assiste à un repli communautaire et que la situation empire.


Ce témoignage n’est pas unique. Dans Homo-ghetto. Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République**, Franck Chaumont dévoile ces récits : «Ils s’appellent Nadir, Sébastien, Dialo, Nadia… Ils sont blacks, blancs ou beurs. Certains rasent les murs, le regard fuyant. D’autres se la jouent viril et vont même jusqu’à casser du pédé à l’occasion. Mais tous ont en commun le mensonge et la schizophrénie liés à leur double vie et à la peur d’être démasqués».

Pour obtenir leurs témoignages, il a fallu deux années d’enquête à Franck Chaumont. Deux ans de rendez-vous manqués, de téléphone raccroché au nez, d’attentes vaines dans des bars ou des gares… «Car, en parlant, ils risquaient tout. Leur honneur, bien sûr. Mais aussi leur vie» avance-t-il.

Et la difficulté réside bien là pour «ces clandestins de la République», ces victimes fantômes pour qui les associations, chercheurs, peinent à dresser des études sociologiques. Au-delà, la non représentation, la précarité sociale et économique font peu de poids auprès des institutionnels et politiques pour une réelle prise en compte de leurs problèmes.

*Un homo dans la cité, Brahim Naït-Balk, Editions Calmann-Lévy. ISBN : 9782702140147. Code Hachette 5182043. Format 140×215 mm Prix TTC 12,00 eur.
**Homo-ghetto. (Gays et lesbiennes dans les cités : les clandestins de la République), Franck Chaumont, Editions Le Cherche-Midi. ISBN : 978-2-7491-0943-5. Prix TTC 15,00 eur.

EN SAVOIR PLUS

Les témoignages remarquables de Brahim Naït-Balk et Farida sur France Info : www.france-info.com

VIDEO PLUS

Deux extraits sur le sujet :

Un court métrage contre l’Homophobie en Banlieue de la série Jeune et homo sous le regard des autres :






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