«L’islam, peste bubonique», les homosexuels «pédophiles», «qu’on mette les Arabes sur un bateau et qu’on les fasse couler». Le Front national voulait des candidats «propres», qui savent se contenir. Raté. Il voulait faire des prochaines élections départementales une démonstration de force. Et y est parvenu, en se présentant dans 93% des cantons, mais au prix de certains recrutements douteux. Dans le lot, Marine Le Pen le reconnaît, beaucoup ne sont pas «des professionnels de la politique». Qui, en clair, ne manient pas la langue de bois. Et ça se voit.
Sur les pages Facebook, les comptes Twitter ou les blog de certains candidats, les allusions racistes se succèdent. Florian Philippot, vice-président du Front national, plaidait jeudi matin qu’il n’y avait que quelques cas recensés, anecdotiques. En réalité, les dérives sont nombreuses. Voici celles que Libération, et d’autres journaux, ont repéré, après une recherche loin d’être exhaustive – Le FN présente 7 648 candidats, suppléants compris. Ce sont les sorties plus franches, là où l’islamophobie, l’homophobie et les délires complotistes sont les plus flagrants.
Gérard Brazon, candidat Front national des Hauts-de-Seine, suggère pour la France une ablation de l’islam. Dans un tweet posté en octobre 2013, il précise : «Opération Pédalo et Islamectomie : Comment débarrasser la France de Hollande et de l’islam.» Cet ancien de l’UMP (et même du RPR) se dit ouvertement islamophobe dans un autre tweet publié en août 2013. Et il ne comprend pas qu’on s’offusque d’une profanation de mosquée.


Gérard Brazon appelle aussi à la révolte des moutons. et au meurtre. Après un accident lors de la fête de l’Aïd qui a provoqué la mort d’un musulman, il a invité «tous les autres moutons de France, ceux qui attendent que les choses changent avant de bouger eux-mêmes [.] qu’ils fassent comme le mouton d’Hamadcha, qu’ils se rebellent et se bougent.»
En février dernier, il poste une vidéo «comique» montrant plusieurs arabes lutter contre un escalator. Commentaire de notre candidat : «Les dangers du partage d’une technologie. Nous n’avons pas idée, nous les occidentaux, des risques que nous faisons prendre à ces braves gens. Un escalier roulant c’est pas évident.»
Denis Sourd est candidat dans la huitième circonscription de la Haute-Garonne (Canton de Bagnères-de-Luchon). Cet artisan de Saint-Gaudens a partagé un dessin illustrant la théorie d’extrême droite sur le grand remplacement (celui des blancs par les Africains), qu’il a légendé d’un «triste réalité». Diatribe classique, mais le dessin partagé a été mis en ligne par Alexandre Gabriac, fondateur des Jeunesses nationalistes (groupuscule aujourd’hui dissout) et ancien membre du Front National, exclu du parti en 2011 pour un salut nazi.

François Helie, candidat à Dourdan (Essonne), affectionne les images à caractère raciste ou homophobe et en fait profiter ses contacts sur son mur Facebook. Comme cette fausse pub montrant un sac poubelle transformé en «niqab jetable» qui «retient les odeurs durant 24 heures». Ce conseiller municipal a aussi partagé ce dessin d’un soldat français au Mali qui rassure un petit orphelin en lui disant : «Ne t’inquiète pas on va te faire adopter par un couple gay en France».

Serge Laroze n’aime pas trop les étrangers mais adore les mots croisés. Il a conjugué ses deux talents. Candidat à Toulouse 11, ce retraité de l’aéronautique a fait parler de lui lors des dernières municipales en publiant une grille confectionnée par ses soins, où il donne par exemple sa définition d’un Rom : «Fait fortune dans le rempaillage de chaises et le commerce du cuivre.» Ou encore cette définition du quartier de Bellefontaine : «Quartier sensible, centre de recrutement du Djihad et dont le nom évoque un bel écoulement d’eau». Le candidat s’était défendu en disant que c’était de l’humour. Depuis, la page n’existe plus sur le site départemental du FN.

François Jay, candidat à Bordeaux 1 sous l’étiquette du SIEL (Souveraineté indépendance et libertés, parti associé au FN), s’attaque à «l’occupant». Dans un message posté l’été dernier, il théorise sur le «grand remplacement», une «invasion» à ses yeux, en appelant à rejeter «ceux qui nous envahissent», et prônant une solution radicale : «Pas d’emploi, pas de logements, pas de collaboration avec l’occupant, telle devrait être notre attitude.» Dans un autre post, il réclame l’interdiction du Coran.
Jacques Coutela se présente à Tonnerrois (Yonne). Il avait été exclu temporairement du FN après avoir affiché son admiration pour le terroriste norvégien Anders Breivik, qui avait assassiné 77 personnes en 2011. Sur son blog, (intitulé «La valise ou le cercueil»), il avait publié un article qualifiant le tueur de «premier défenseur de l’Occident», un «Charles Martel 2» et avait appelé à en faire «une icône». Dans un second article, il apportait une rectification : Breivik «n’est pas une icône, mais simplement un visionnaire face à la montée de l’islamisation de l’Europe.»
Un candidat voisin, Frédéric Richou, qui se présente dans la circonscription de Bordeaux 2, dit ce qu’il pense des immigrés, ou Français issus de l’immigration, et qu’il appelle le «Niquetamère», cet «animal peureux». Précisément, ce conseiller aux prud’hommes a partagé cette définition sur sa page Facebook, le 18 février. Mais si le texte n’est pas de lui, son commentaire laisse peu de doute sur son opinion (et sur son niveau en orthographe) : «Très belle définitions a méditée». Que signifie le mot France pour lui ? «F.R.A.N.C.E. : Fédération des réfugiés Arabes Nourris par les Caisses de l’Etat.» Et aussi : «Il se reproduit rapidement en milieu européen.» Une dernière : «La femelle peut mettre bas entre 10 et 15 « niquetamères » dans sa vie.»

Mikaël Pinton, candidat dans le canton de Vitré (Ille-et-Vilaine) se réfugie derrière l’humour – un classique frontiste – pour exprimer son islamophobie sur son compte Facebook. Et fait étalage de ses faits d’armes : «Ce matin, aux courses, je me suis amusé à mettre des côtes de porc dans le rayon halal, histoire de. il y aura peut-être un muzz courageux pour les acheter.» Et il relate des blagues qui suintent le racisme.

Mikaël Pinton risque l’exclusion du FN, non pas pour ces blagues, mais pour avoir posté l’image de Pierre Bergé et Dounia Bouzar avec une cible sur la tête, parce qu’ils s’étaient tous deux prononcé pour une révision des jours fériés religieux. Le Journal de Vitréavait également repéré des messages racistes à l’égard de Christiane Taubira qui ont depuis été effacés. Il a été suspendu du parti, avant une prochaine convocation devant une «commission de discipline», a indiqué le directeur de la campagne des départementales au FN. Nicolas Bay a également précisé que l’exclusion ne faisait guère de doute : «Je ne suis ni raciste ni islamophobe», a tenu à préciser Mikaël Pinton au Journal de Vitré.
Patricia Chalamet, candidate à Buzançais (Indre), associe dans un post homophobe, publié en mai 2014, le mariage pour tous à un «blanc-seing à toutes les perversions».

Roger Dohen, candidat dans le canton de Marck (Pas-de-Calais), n’aime pas les homosexuels. En 2012, ce pêcheur de 67 ans poste un statut Facebook avec ce message : «Le mariage = un homme une femme. Ils en veulent toujours plus ses PD.»

En mars 2014, il publie une photo prise furtivement depuis une voiture, montrant des personnes patientant à un arrêt de bus. Suivi de son commentaire. « Ils sont partout et de plus en plus paraît que s’est bon pour la France UMPS, en attendent les calaisiens paye pour nourir ses gens. »

Roger Dohen est également abonné à la page Facebook «Sauvons Calais», du nom du collectif fondé par Kevin Reche, «nationaliste» de 20 ans tatoué au coeur d’une swastika, façon Vignard dans American History X.
Alexandre Larionov, candidat dans le canton de Causse-Comtal (Aveyron), ouvertement antisémite, dénonce la mafia juive dans un message posté sur Facebook en août 2014 : «La france est un pays controllé par les Grans Loges, l’argent que les Français gagnent partent dans les poches de ces gens. [.] Ils veulent détruire les races nordiques.» Après cette révélation par le site anti-FN L’Entente, il a été exclu du parti.
Gilles Ferrière se présente à Billom (Puy-de-Dôme). En novembre 2012, on peut lire sur sa page Facebook personnelle, à propos du mariage pour tous : «La démocratie voudrait que tout le monde s’exprime et non une minorité pédophile ».

Il est également fan de la page Facebook SOS Souveraineté la révolte des Vaches à Lait, dont l’objectif est de « Rendre le pouvoir aux français (Les vrais, pas ceux qui prennent la nationalité comme une carte de séjour à durée indéterminée.) ». On y trouve des appels à la haine des Roms, notamment le jeune Darius, tabassé en juin 2014 par des jeunes de Pierrefitte-sur-Seine, et retrouvé agonisant dans un chariot à roulettes : «On pourrait aussi arrêter [son] traitement [.], non ? D’autant plus que le parasite n’a jamais cotisé à la sécu ou même payé une assurance.»

Philippe Sokolowski, leader du FN à Bellegarde-sur-Valserine (Ain), déclarait lors d’une interview à La Tribune Républicaine en 2013 : «Nos valeurs judéo-chrétiennes sont en train de disparaître de la ville. Je pense que dans six ans, ce sera Bellegarde la salafiste ou la djihadiste ! On peut aussi mettre un minaret sur la mairie. On est en train de brader la commune.» En mars 2012, il diffuse une lettre raciste à destination de François Hollande (supprimée depuis du site du FN de Bellegarde), comme le rappelle le site Alkanz.

Maxime Chaussat, candidat dans l’Ain et responsable départemental du FN, retweete des messages du type «Le seul véritable apartheid existant en France est celui que subissent les patriotes pour exprimer leur amour de la France historique». En 2011, rappelle Le Lab, il avait été condamné pour un tag raciste, «Islam dehors», accompagné d’une croix celtique.
Dans l’Allier, le chanteur de charme et candidat FN Xavier Sainty s’est récemment illustré dans un post Facebook où il expliquait que si sa carrière ne décollait pas, c’était parce qu’il n’était pas juif. Sur sa page Facebook, il a posté ce message le 14 février : «Même dans le show-biz je suis bloqué partout, et un producteur juif [.] me l’avoue directement [.] il m’a dit «comme tu n’es pas juif tu n’auras jamais droit aux télés aux radios et tu seras barré car nous avons l’argent et tout nous appartient, tu ne pourras jamais y arriver» !!! Voilà comment nous sommes traités par ces gouvernements depuis des décennies, nous les «goys», vivement une vraie révolution française [.] vive Marine Le Pen vite !!!»
Eric Pinzelli, candidat à Château-Arnoux-Saint-Auban (Alpes-de-Haute-Provence), a invité ses lecteurs à «sauver la France». Historien et contributeur régulier au site d’extrême droite Boulevard Voltaire, il a posté un message il y a trois mois sur la «déferlante de l’islam» qui a «envahi» la France : «Si vous n’êtes pas encore enthousiastes à l’idée de voir nos cathédrales dynamitées et de vivre dans une société régie par la charia, aujourd’hui est le temps de dire halte au processus de déchristianisation, halte à la réécriture de notre Histoire.»
Jean-Jacques Guitard, candidat à Beausoleil (Alpes-Maritimes), mêle sur son compte Twitter islam et islamisme : «Il est temps d’arrêter de faire de l’angélisme envers l’islamisme même si l’islam de France doit en payer le prix. STOP!!!»

Même amalgame de la part de Julien Clos, qui se présente au Cannet (Alpes-maritimes). Après la tuerie à Charlie Hebdo, il publie sur son compte Twitter : «Attentat islamique ce matin, je suis de plus en plus inquiet concernant la #Mosquee clandestine du #Cannet. #ALERTEISLAM»

Lydia Schénardi, candidate à Contes (Alpes-Maritimes), mélange boucherie et homoparentalité, rapporte Nice-Matin. Interrogée par des étudiants en journalisme en 2013, elle demande : «On parle de la traçabilité de la viande mais est-ce qu’on pense à la traçabilité des enfants ? Un enfant qui nait dans un couple homosexuel, qui se sépare par la suite, les grands-parents qui sont-ils là-dedans ?»
Jonathan Vivien, suppléant à Arras, donne sa définition du mot «Algérien» : «Maladie mentale consistant à se promener avec un drapeau, brûler des voitures et crier « one two three, viva Algeria »». Sa page Facebook, repérée par L’avenir de l’Artois, est «un véritable déferlement de haine et de blagues» à l’encontre des musulmans arabes, rapporte le journal.
Aimé Deléglise et Chantal Clamer, candidats à Pamiers (Ariège), s’accordent bien. Le premier, adepte de blagues racistes, qualifie Christiane Taubira de «banane sur pattes» dans un post publié sur Facebook en avril 2014. La seconde s’est déjà faite épingler pour ses propos homophobes, racistes et islamophobes. La candidate s’est illustrée en janvier 2014 en écrivant, sur son compte Twitter, que «l’islam et les Mahométans sont la nouvelle peste bubonique du XXIe siècle, à combattre à éliminer sans hésitation par tous les moyens possibles». Puis, dans un autre tweet, elle a évoqué des «sales gouines vraiment moches», dont seuls voudraient «les blacks et les rebe».

Thierry Cumps, candidat FN/RBM (Rassemblement Bleu Marine) à la Courneuve, écrit des livres et les publie à compte d’auteur. Comme celui-là : «Bienvenue en France islamique». Il y théorise un délire complotiste, expliquant très savamment sur son blog comment le président français se prépare à convertir la France en terre islamique. Car «François Hollande en est convaincu : le socialisme est incapable de faire respecter les lois en France, seul l’islam en tant que force politique et pas seulement en tant que religion est capable de diriger notre pays.» Il existe selon lui «de nombreux signes quant à la volonté d’implanter en France un gouvernement islamiste modéré de type algérien ou marocain par François Hollande.» Comme celui de nommer une «marocaine musulmane Najat Vallaud-Belkacem comme ministre de l’éducation nationale».
Si Hollande fait la guerre à l’Etat islamique, c’est dans un but très précis selon lui : «Encourager le terrorisme islamique en France afin d’utiliser des petits criminels pour des attentats sur le sol français, ce qui amènera la population française et les députés à accepter des lois liberticides qui permettront de changer la république démocratique française en république islamiste.» Voilà.
Source : Libération


