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Les Prédateurs

Les Prédateurs

Un film réalisé par Tony Scott

Avec : Catherine Deneuve
David Bowie
Susan Sarandon

100 minutes

Sortie le 4 Février 2009 ausx cinémas LE CHAMPO et LE NOUVEAU LATINA à Paris

L’histoire:

Miriam est une femme-vampire née en Egypte il y a 4000 ans.

Elle possède le don de l’immortalité et de la jeunesse.

Elle vit,désormais, à New York, avec son compagnon John depuis 300 ans.

John est alors frappé d’un processus accéléré de vieillissement. Afin de tenter de le sauver,

Miriam rencontre la séduisante Sarah, docteur spécialiste des mécanismes du vieillissement, sur laquelle elle jette son dévolu…

Aux grandes faims les grands moyens :

Les Prédateurs (The hunger) est l’adaptation d’un roman éponyme de Withley Strieber, un auteur de roman d’horreur plusieurs fois adapté au cinéma : Wolfen de Michael Wadleigh en 1982, Communion de Philippe Mora en 1989 et Le Jour d’après de Roland Emmerich en 2004.

Dans le roman, Sarah Roberts se suicide vraiment. Miriam Blaylock quitte alors New York car la police recherche les corps de ses nombreuses victimes.

Tony Scott, de sept ans le cadet de Ridley, découvre le 7eme Art à 16 ans en jouant dans le premier court-métrage de son grand frère, Boy and Bicycle.

Les Prédateurs est son premier long métrage.

Quatre ans plus tard, il réalise Top Gun, un succès planétaire.

Se succède alors une série de films dont True romance en 1993 à partir d’un script de Quentin Tarantino.

L’oeuvre la moins conventionnelle de Tony Scott à ce jour avec The hunger.

La qualité majeure des Prédateurs provient de son casting. Alchimie originale, inattendue, mais au final, impériale.

Catherine Deneuve est en 1983 une star en France ainsi qu’aux Etats-Unis car les Américains la considèrent comme la plus belle femme du monde.

Deux ans avant Les Prédateurs, elle rencontre le plus gros succès de sa carrière avec Le dernier métro de François Truffaut pour lequel elle reçoit son premier César.

Sublime image de la working girl indépendante chère aux eighties, elle est choisie suite à un sondage populaire pour représenter Marianne, le visage républicain de la France.

Avec Les Prédateurs, Deneuve devient une icône non seulement gay (grâce à ses collaborations artistiques avec Jacques Demy, André Téchiné, Gabriel Aghion, François Ozon.), mais également une égérie lesbienne.

Dès la sortie de Belle de jour, Bill Krohn le critique et historien de cinéma écrit : « Catherine Deneuve signe son style : un visage d’ange et une libido du diable. ».

En 1991, le magazine lesbien Curve se fait d’abord appelé Deneuve.

La star interdit l’utilisation de son nom, non pour des raisons de contenu homosexuel, mais pour une utilisation marchande de son patronyme.

Cependant, l’actrice signe et persiste dans cette ligne subversive.

Elle embrasse et est embrassée par plusieurs femmes dans sa carrière : Geneviève Page dans Belle de Jour de Luis Bunuel, Anne Parillaud dans Ecoute voir d’Hugo Santiago, Danielle Darrieux et Laurence Côte dans deux oeuvres
d’André Téchiné : Le lieu du crime et Les voleurs, Hélène Fillières dans Au plus près du paradis de Tonie Marshall et Fanny Ardant dans 8 femmes de François Ozon.


Fashion victimes :

Qu’est-ce qu’un film culte ? C’est une oeuvre qui s’inscrit dans son époque. Elle correspond de façon plus ou moins souterraine aux mutations et aux aspirations de la société.

Les Prédateurs devient culte pour deux raisons : l’une obscure et l’autre lumineuse.

La raison obscure s’avère encore plus effrayante que le film car, en 1983, un mal étrange décime la communauté homosexuelle.

Cette année-là, il est nommé officiellement le SIDA.

Dans ce contexte, la scène d’amour entre Deneuve et Sarandon ponctuée d’inserts de sang vu au microscope, prend un sens terrible de contamination.

La partie du film où, à l’hôpital, Bowie dépérit de façon foudroyante n’est pas sans rappeler les malades d’alors.

L’effarement et l’impuissance de la médecine peuvent tout à fait se traduire par la stupeur du docteur Sarah Roberts.

La raison lumineuse vient du mouvement homosexuel féminin qui plébiscite cette oeuvre comme un film honorable à sa cause.

Jusqu’alors l’image de la lesbienne renvoyée par le cinéma est celle d’une névrosée, refoulant ses tentations et mourant souvent dans des conditions atroces.

En 1936, dans La fille de Dracula de Lambert Hillyer, Gloria Holden combat à la fois son statut de vampire et ses
penchants homosexuels.

En 1940, dans Rebecca d’Alfred Hitchcock, Judith Anderson campe une gouvernante fétichiste qui caresse les
sous-vêtements de sa maîtresse défunte.

Elle périt dans les flammes comme une sorcière.

Même si Deneuve incarne un vampire, donc une déviante, son personnage est sentimental car il ne peut vivre seul.

Seul l’amour peut soulager sa condition solitaire d’immortelle.

Sa séduction est renforcée par son histoire d’amour très charnelle avec Susan Sarandon.

Les costumes du film traduisent la psychologie des héroïnes.

Lors de leur rencontre, Catherine Deneuve, à la fois dans la vie et dans la mort, est vêtue de noir et de blanc à l’exception de ses lèvres maquillées rouge sang.

Son chapeau à voilette, son manteau de style 1940 et sa broche représentant une salamandre défient les lois du temps.

Dans l’Antiquité, Pline l’ancien décrit la salamandre comme « un animal si froid que rien qu’à toucher le feu, il l’éteint comme le ferait de la glace. ».

Pour le rôle de Miriam, Scott joue avec l’image très « papier glacé Saint-Laurent » de Deneuve.

Sa beauté classique prend ici valeur d’immortalité.

Sarandon, cheveux courts et tailleur masculin, est au contraire bien ancrée dans le XXe siècle.

Un montage parallèle montre l’innamoramento, c’est-à-dire l’amour naissant entre les deux femmes.

Miriam ressemble à une araignée, une veuve noire.

Elle pleure le vieillissement de son mari, mais attire aussi Sarah dans sa toile vampirique symbolisée par son voile de tulle.

Face à elle, Sarah est ensommeillée, nue, sans défense face au pouvoir du mort vivant.

Pourtant, sa larme montre qu’elle éprouve inconsciemment des sentiments pour Miriam.

Dans la séquence de la séduction – incroyablement téléchargée sur internet – Deneuve porte une robe noire et ses pendentifs ont l’air d’ailes de chauve-souris repliées.

Reptilienne, elle hypnotise Sarandon avec de la musique, Le Lakmé de Léo Delibes interprété par deux femmes.

Avec aussi du Xéres qui se transforme en gouttes de sang sur les seins de Sarah Roberts.

La particularité du Xérès réside dans son vieillissement obtenu selon un système d’assemblage délicat.

Les vins jeunes s’allient aux vins plus âgés et les réveillent.

L’assemblage final comporte toujours une forte proportion de vins anciens.

Formidable métaphore de l’union vampirique de Miriam et de Sarah. Si Miriam porte une robe et Sarah un costume d’homme, c’est pourtant Deneuve qui séduit selon l’archétype masculin et Sarandon qui joue les effarouchées.

Cette opposition entre le fond et la forme jette le trouble, envoûte à son tour le spectateur.

À la fin du film, quand Sarah devient un vampire, elle choisit l’homosexualité ce qui fait des Prédateurs un film lesbien triomphant.

Par conséquent, une oeuvre culte.


La voie du sang :

«Ce n’est pas tant que je m’ingénie à refondre les vieux mythes, c’est surtout que je m’efforce de modeler l’image de la «surcréature» de telle sorte que notre esprit moderne l’accepte comme un de ses mythes.

Nous avons bien évidemment tous une surcréature à l’intérieur de nous-mêmes, qu’elle se manifeste en bien ou en mal.

Les cauchemars dans lesquels nous nous retrouvons poursuivis le long des ruelles sordides, la peur de la mort, la prise de conscience du fait que nous vieillissons, sont autant de manifestations de la grosse bête toute noire enfouie dans notre inconscient.»

C’est ainsi que Whitley Strieber, l’auteur des Prédateurs et de Wolfen, définit sa façon d’adapter de vieux mythes ; ici, celui du loupgarou, là, celui du vampire.

Mais il met en garde les spectateurs qui pourraient voir dans l’adaptation des Prédateurs par Tony Scott en 1983 un banal film d’épouvante : « Ce n’est pas un film d’épouvante, c’est un film d’angoisse, or l’on en fait peu, très peu (.) Les films d’angoisse décrivent des états intérieurs, psychologiques. (.) Les histoires d’épouvante tournent la plupart du temps autour de l’intrus. »

Mais, d’épouvante ou d’angoisse, deux notions qui sont, du moins à nos yeux, de même nature, seul le degré d’intensité faisant la différence, le film renvoie, avec beaucoup d’intelligence et de subtilité, à plusieurs mythes d’une très haute antiquité.

Celui du vampire, bien entendu, mais aussi celui de l’amazone, sans oublier celui de l’immortalité.

C’est, sans doute, l’entrelacs de ces trois thèmes, magistralement évoqués ici avec une rare intensité esthétique et dramatique, qui fait des Prédateurs un film unique.

Bref résumé : Myriam est une femme – vampire qui a trouvé dans et par le sang la chemin de l’immortalité.

Elle maintient en vie, au cours des siècles, ses partenaires, males ou femelles, jusqu’au moment où la
mort finit par les emporter.

Souffre-t-elle ? Sans doute.

Mais il faut bien que vieillesse se passe.

Le dernier vient à peine de trépasser qu’elle trouve une nouvelle proie, Sara, qu’elle guide peu à peu sur la voie du sang.

Mais peut-on être sûre d’une fraîche partenaire à sang pour sang ?

Retour aux mythes.

Au commencement – ne l’oublions pas – était la femme – vampire. Séductrice, car de vampire à vamp, il n’y a que le poème de Kipling, The Vampire, inspiré par le fameux tableau de Philip Burne-Jones représentant une méphitique créature vampiresque à la troublante et maléfique beauté.

Donc la vamp a quelque chose du vampire : c’est Lilith, la première femme, qui terrorisa tant
ce pauvre Adam qu’il demanda à Dieu de la remplacer par la fade Eve.

Ce sont ces Lamies qui suçaient, dans l’Antiquité, le sang des jeunes gens auxquels elles s’attachaient.

La mythologie les voit sous la forme de serpents ailés avec une tête et un buste de femme.

Des Lamies on passe aux Empouses, spectres infernaux de l’entourage de la déesse Hécate.

Multiformes, elles prennent l’aspect de séduisantes jeunes personnes qui pompent le sang et la substance vitale des malheureux qui croisent leur chemin.

Les Stryges, elles, sont des démons- femelles qui s’attaquent plutôt aux enfants des deux sexes, pour leur sucer sang et entrailles.

Quant aux Onoscelles, ce sont des monstres marins à la femelle apparence.

La Goule appartient au folklore des Mille et Une Nuits.

Ce mythe de la femme- vampire apparaît en littérature bien avant le trop célèbre Dracula dans le roman homonyme de Bram Stoker en 1897.

Dès 1804, on trouve deux redoutables prédatrices dans Le Manuscrit trouvé à Saragosse de Jean Potocki.

En 1836, dans La Morte amoureuse (qui vient d’être adapté à l’écran en cette fin d’année 2008), Théophile Gautier met en scène la belle Clarimonde et, en 1872, Sheridan Le Fanu la sublime Camilla, dans un récit homonyme.

Que Vadim porta à l’écran en 1960 sous un titre suggestif : Et mourir de plaisir.

Le thème se combinant avec celui de l’homosexualité : la belle Laura s’abandonnant à sa cruelle séductrice.

Tout comme Sara dans Les Prédateurs ? Pas tout à fait.

Car la force du film et du roman est d’avoir insisté sur les relations d’amour et de pouvoir qui se nouent entre les deux femmes, une fois l’homme disparu. Nous revenons -en mineur -à notre deuxième mythe, celui de l’Amazone, cette reine indomptable et cruelle qui se sert des hommes pour la reproduction et des femmes pour le plaisir.

C’est la fière Omphale aux pieds desquels Hercule est enchaîné, c’est la cruelle Antinéa, rescapée de l’Atlantide, qui momifie de beaux légionnaires plus avides de chair fraîche que de sable chaud, c’est la féroce Là qui tente -mais en vain – de troubler le sommeil serein d’un Tarzan plutôt serin fidèle que lion lubrique.

Car la Myriam du film qu’incarne Catherine Deneuve, c’est un peu tout cela à la fois.

Contrairement à son lointain parent Gilgamesh, elle a trouvé -c’est le troisième mythe – la fleur de l’immortalité.

Le roman nous la montre au milieu de la boucherie sanglante que fut, au premier siècle avant notre ère, la répression de la révolte de Spartacus.

Le film a préféré la faire surgir des profondeurs de la
pharaonique Egypte.

Question de standing ?

Elle est, mutatis mutandis, dans la même tragique situation que son petit cousin, Highlander :
condamnée à perdre, au fil du temps, ses amours. Jusqu’au jour où, face à Sara, cette égale qui est de son sang, elle va croiser la doute et le trépas.

Vampire, trop vampire, devenue humaine, trop humaine.

Claude Aziza Historien de l’Antiquité et de toutes ses représentations fantasmatiques, vient de publier aux éditions Les Belles Lettres un Guide de l’Antiquité imaginaire. Roman, Cinéma, Bande Dessinée.

Queer as Punk :

Les Prédateurs brille par son audace clipesque et propose une stylisation à décoder.

Pendant le générique d’ouverture, le groupe postpunk Bauhaus et son chanteur Peter Murphy qui revendique une filiation glam rock avec David Bowie, interprètent l’un de leurs plus grands succès : Bela Lugosi’s dead.

Pendant sa prestation, le chanteur stylise la seule chauve-souris du film en relevant les pans de sa veste.

Si sa chanson rend hommage à Bela Lugosi, l’interprète de Dracula, elle proclame aussi sa mort . Renvoie aux oubliettes l ‘ attirail cinématographique du vampire : les gousses d’ail, le pieu, le crucifix, les crocs qui s’allongent.

Comme le montre les plans de l’aube sur New York, les vampires vivent désormais le jour et la nuit.

Ils tranchent la gorge de leurs victimes à l’aide d’un bijou égyptien : un Ankh, symbole de longévité.

Pendant l’ouverture du film, les plans de différentes, séquences s’enchevêtrent et chamboulent la narration du récit.

Cet amalgame, à l’image des vampires, bouleverse les lois du temps : Dans l’antre de Miriam, le temps semble suspendu.

Il est pourtant loin d’être serein comme le traduit la bande son du film composée par Michel Rubini et Jenny Jaeger.

Nappes de synthé sourdes ponctuées de sons stridents qui évoquent le verre rayé ou brisé.

Mélancolie latente de Miriam.

Gémissements de sa soif de sang.

Dans le monde humain, une mise en scène frénétique traduit la fragilité et la fébrilité de la vie humaine.

Bref et brutal laps de temps accordé à un être sur terre.

À partir du générique, quasiment tous les plans sont striés de lignes horizontales et verticales.

Au temps horizontal, profane, zodiacal ou grégorien, inventé par les hommes, s’oppose le temps vertical, cyclique
et poétique.

Sa notion traitant de l’incubation et de la réalisation artistique s’apparente à la perfection au mythe du vampire.

Ces traits évoquent le contraste entre l’ombre et la lumière, le monde des morts et celui des vivants.

Rayures stylisées, magnifiées par le travail de Stephen Goldblatt, le chef opérateur de Cotton club de Francis Ford Coppola ou de Batman Forever de Tim Burton.

Cet orfèvre de la photographie est nommé aux Oscars en 1995 pour Le Prince des marées de et avec Barbra Streisand.

Les rayures signifient aussi la division, la coupure de l’Ankh qui tranche les gorges.

Les Prédateurs est une oeuvre qui traite de la séparation sentimentale inexorable.

Un film profondément pessimiste où chaque protagoniste termine un cycle d’existence sans être satisfait de sa métamorphose.
John refuse la décrépitude. Sarah, la vampirisation.

Elle tente alors de suicider.

En vain. Dans sa rébellion, elle condamne Miriam aux ténèbres.

Son échec est condensé en un seul plan.

Celui où Sarandon fait face au cadavre mutilé du singe cobaye.

En contre champ, elle est regardée par l’animal décédé, donc par la mort.

Cet angle de la caméra l’enferme à son tour derrière les barreaux de la cage.

Le spectateur sait intuitivement que Sarah deviendra, malgré elle, un vampire.

Au final, le grillage qui protège le cercueil de Miriam rappelle celui où s’accroche Peter Murphy dès l’ouverture du film.

Dans Les Prédateurs, quand le temps horizontal rencontre le temps vertical, il se transforme en grille.

Et l’immortalité du vampire tant convoitée devient une geôle éternelle.

Textes Benoit Gautier, auteur, metteur en scène, critique de cinéma / « Plans Rapprochés » Gaialand








26/01/2009 Themes Culture Cinema-Video TOF

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