5 mai 2004, 8h04
Je me lève difficilement, la tête encore embrumée… C’est un bien joli matin de mai, à travers ma fenêtre, le soleil resplendi au dehors. Les gens semblent sourire, le policier fait traverser les enfants devant l’école. Depuis un an, la criminalité et les rackets n’ont-il pas baissé ? On peut désormais se balader seul le soir sans risquer de passer l’arme a gauche.
La radio informe que le taux de chômage va en diminuant, que de grands travaux d’Etat embauchent à tour de bras, que des secteurs d’activité comme les arsenaux n’ont plus de soucis à se faire…
Toujours ce mal de tête…
Des gens compétents nous gouvernent, on peut leur faire confiance puisqu’ils sont arrivés au pouvoir démocratiquement. Ils sont tellement formidables que, pour les récompenser, on va leur offrir leur poste à vie. C’est vrai ça ! Pourquoi changer une équipe qui gagne ?
La sécurité est enfin acquise, le travail est revenu… Quel bonheur…
… pour eux…
Moi, j’ai perdu mon travail depuis deux mois… Avant, j’étais fonctionnaire. Un beau métier au service de mon pays. Malheureusement, les nouveaux dirigeants ont voulu des hommes de confiance. ça a commencé par les « gens de couleurs », puis les femmes, bien plus efficaces à la maison. Je vous ai dit que la natalité était un nouveau défi pour ce nouveau siècle ? Puis, face à des pressions internes, ils m’ont envoyé un courrier un beau matin. Mon mode de vie n’est pas compatible avec l’honneur d’un pays, avec la droiture que doivent représenter les hommes qui le représentent. Certes, mon défaut est d’avoir choisi de vivre avec un homme plutôt qu’avec une femme. Mais pouvais-je un seul instant imaginer que j’allait condamner la France en faisant ce choix ? Je n’allais pas pouvoir faire parti de ceux qui amènerai la génération nouvelle…
J’ai du plier bagages et sortir de mon bureau…
Aujourd’hui, c’est une bien belle journée. Marie, une copine qui journaliste qui faisait une enquête sur les violences policières, me donne un coup d’épaule. « Les petits déjeuners arrivent »… En effet, dans le couloir, des pas arrivent. L’homme en uniforme fait passer notre plateau dans un trou de la porte blindée.
Aujourd’hui, nous allons travailler pour la France. Construire des autoroutes n’est pas un sôt métier ! Et en plus, on est nourris logés, blanchis. Et puis, on est tellement mieux dehors, on n’a pas les barreaux de la fenêtre pour nous gacher la vue.
… Si seulement, il y a deux ans, on avait pas été aussi cons ! Si seulement on avait pas fait l’erreur de penser être définitivements débarrassés de la Bête… Mais non, elle était là, le sourire démocratique aux lêvres, l’arrogance du vainqueur comme blason.
… et moi qui regardait Loftstory…


