in

Scissor Sisters:  »Avec Magic Hour nous voulions faire un disque qui rend heureux »



Nouvelle séance d’interview prévue cet après-midi dans un grand hôtel parisien pour rencontrer LE groupe emblématique de la scène « queer » actuelle, à savoir The Scissor Sisters en personne… Autant dire que ça faisait un petit bout de temps – ça m’a même semblé une éternité – que j’attendais l’opportunité de les rencontrer, même si j’avais tout de même réussi à échanger quelques mots avec Del Marquis et Ana à la sortie de concerts passés. Que de chemin parcouru depuis que je les ai découverts en concert en Angleterre en 2004, juste quelques mois avant qu’ils n’explosent véritablement avec leur premier album éponyme, devenu cette année-là le plus vendu du Royaume-Uni, et leur reprise electro du Confortably Numb des Floyd… Devenus du jour au lendemain le groupe le plus hype qui soit, adoubé par Bono de U2, copié par Mika, encensés par Brian Ferry, Elton John, Kylie Minogue, Calvin Harris, Jane Fonda, les Foo Fighters, Lady Gaga et j’en passe, les Scissor Sisters sortent aujourd’hui leur déjà 4ème album, intitulé  »Magic Hour », probablement le meilleur, résolument orienté dance-floor, encore plus que le précédent. Petite appréhension car j’ai rendez-vous avec BabyDaddy et Jake Shears et – je peux bien vous le dire ça reste entre nous – les grands yeux un peu psycho de Jake m’ont toujours un peu fait flipper. Une fois n’est pas coutume on me fait entrer dans une chambre privatisée pour l’occasion et j’aperçois les deux musiciens installés à une table en terrasse. Environnement un peu bruyant mais ça devrait le faire. Je prends place en face de Jake, qui lance quelques regards arrogants et séducteurs sous la visière de sa casquette. Sur ma droite Babydaddy me sourit tout en me saluant. L’interview, qui sera en fait une magic demi-heure, peut commencer …

Tof: Bonjour Jake et Babbydaddy, très heureux de vous rencontrer pour parler de votre quatrième album que je trouve fantastique! Qu’est-ce que ça vous fait de constater que le groupe existe déjà depuis pratiquement 10 ans?
Jake Shears:
Super pour l’album, merci! En fait ça fait même un peu plus longtemps qu’on existe maintenant! Et bien oui je me sens très fier de tout ce parcours! Si tu regardes bien il y a de moins en moins de groupes qui réussissent à avoir de longues carrières, en partie parce qu’ils coûtent plus cher que des artistes solo… Le fait que nous soyons toujours là avec cet album me rend heureux mais en même temps je me dis  »Est-ce qu’il nous reste encore des choses à dire? » [Rire]

Tof: Avez-vous célébré cet anniversaire ou avez-vous prévu de faire quelque chose de spécial?
Jake Shears:
Hmmm on y a pensé mais peut-être que juste le fait de dire autour de nous qu’on est toujours là au bout de 10 ans est suffisant. Je ne crois pas qu’on ait particulièrement besoin de faire de la pub autour de ça ni que ce soit nécessairement la meilleure chose à promouvoir [Rire].

Tof: Tu as raison, contentons-nous de parler de  »Magic Hour »… Il paraît qu’à la différence de  »Night Work », qui était pratiquement un album-concept, celui-ci a été conçu sans but prédéfini, tout simplement en laissant venir les choses… Etait-ce aussi une manière de libérer une certaine pression?
Jake Shears:
C’est vrai que pour la première fois de notre carrière nous avons fait cet album hyper rapidement, en deux mois, alors que d’habitude ça peut prendre deux ans. Sur plusieurs points on peut aussi dire que  »Magic Hour » est presque l’opposé de  »Night Work ». Je voulais que les nouvelles chansons aient une vraie signification, non pas que celles de  »Night Work » en soient démunies, mais mon objectif principal était de les faire jaillir d’une source différente, plus personnelle. Du coup globalement l’album est plus personnel que les précédents, plus doux et également plus joyeux. Je revais d’un album très ensoleillé. Ensuite ça a été très difficile de lui trouver un nom.

Tof: Ce qui est surprenant, c’est le fait que cet opus réussisse à rester cohérent malgré des titres aux sonorités et aux styles incroyablement variés…
Babydaddy:
Peut-être oui… Basiquement nous avons surtout voulu faire un album avec les sons que nous aimons sans lui donner les limites imposées par un concept. Assez fatalement il est radicalement différent car il a été conçu durant une très courte période. Je veux dire qu’il est le résultat d’une attitude et d’un feeling auquel nous avons tous aspiré à un instant T. Nous voulions quelque chose de naturel, frais et spontané, un disque qui rende heureux, et c’est pour cela que nous avons tenu à l’enregistrer si vite.

Tof: Jake est-ce qu’on peut dire que  »Magic Hour  » est plus ton album que celui des autres membres du groupe?
Jake Shears:
Non non, nous y avons tous participé et il a été beaucoup inspiré par nos amis. Hmmm c’est vrai que j’ai écrit la plupart des paroles, mais en fait pas plus que sur les albums précédents. Pour moi ce disque représente tout une capture de ces dernières années et des instants que nous avons partagés, notamment durant le dernier Automne. C’est à cela que je pensais à l’écriture.




Babydaddy by Franck Glenisson

Tof: Ce disque sonne comme le plus electro dance-floor de votre carrière, presque complètement débarassé de l’aspect glam-rock flamboyant qui a marqué vos débuts. N’avez-vous pas peur de décevoir les fans de la première heure?
Jake Shears:
Je m’en fous mais carrément! [Rires] Je pense qu’un artiste au vrai sens du terme doit faire avant tout ce qu’il ressent et non pas ce que les fans attendent de lui… Nous on a toujours voulu faire avant tout ce qui nous ressemble. En tant que fans de musique et de pop culture on se doit d’écouter et de voir de nouvelles choses. Ce qui importe c’est que nous ne fassions pas deux fois la même chose. C’est pour ça qu’on a voulu changer de cap en ce qui concerne notre son.

Tof: Del Marquis a son propre projet solo, toi jake tu viens de participer à l’album d’Amadou & Mariam, Ana figure sur le dernier album de Duran Duran. J’imagine que toutes ces collaborations sont aussi une manière d’apporter une nouvelle énergie au son des Scissor Sisters?
Jake Shears:
Oui bien sûr… je pense que c’est vraiment important d’aller voir ailleurs et de travailler avec d’autres artistes. Il faut que nous puissions épanouir nos identités autant que nous le pouvons pour que le groupe puisse respirer.
Babydaddy: Je réalise que ce que nous faisons avec le groupe est tellement spécial que finalement nos collaborations à l’extérieur n’a pas d’effet sur l’essentiel de l’« esprit Scissor Sisters ». Grâce à elles on trouve peut-être juste une meilleure façon de nous exprimer.

Tof: Par contre toi Babydaddy tu es le seul à ne pas avoir de projet solo…
Babydaddy:
Mais non j’ai pas de travail!!! [Rires] Non en fait j’écris des chansons et je fais de la musique pour d’autres artistes, et je crée certains remixes pour le groupe aussi…

Tof: Comment s’est fait le choix des producteurs pour cet album? J’imagine que vous avez rencontré Calvin Harris parce qu’il est ami avec Kylie Minogue?
Jake Shears:
Oui en fait nous nous sommes rencontrés lorsque nous avons travaillé sur l’album « Aphrodite » de Kylie (Titre  »Too Much »; Ndlr). Quand j’ai commencé à écrire « Only The Horses » je ne me suis pas demandé quelle sorte de production je voulais pour ce titre. On a fait cette chanson sans se prendre la tête et ensuite le choix de Calvin a paru complètement évident… On savait qu’il allait lui donner une dimension fantastique et on n’a pas été déçus: J’adore cette chanson!
Babydaddy: En fait on a co-produit tous les titres pour être sûrs que ça sonne bien comme du Scissor Sisters. « Let’s Have a Kiki » et « Self Control » sont les deux seuls titres que nous avont complètement produits nous-mêmes.
Jake Shears: Nous avons aussi travaillé avec Boys Noise, aka Alex Ridha, dont je suis fan depuis longtemps. C’est vraiment important de collaborer avec des personnes qu’on aime pour arriver à quelque chose d’intéressant.

Tof: Et Jake il paraît que tu étais particulièrement impressionné de travailler avec Pharrell Williams…
Jake Shears:
Oui! C’était intimidant à plus d’un titre: D’habitude j’aime travailler avec des personnes que j’ai pu cotoyer et avec lesquelles j’ai déjà eu des échanges auparavant. Avec Pharrell on ne seconnaissait pas, on s’était juste parlé une fois au téléphone. Son travail a toujours été une inspiration pour nous en tant que Scissor Sisters… Sa production est tout simplement incroyable! Il a tellement fait au fil des années. Et puis il a un talent très inovant…




Jake Shears by Franck Glenisson

Tof: Peux-tu me parler d’Azealia Banks, qui apparaît sur « Shady Love »?
Jake Shears:
C’est une jeune rappeuse new-yorkaise qu’on connaît depuis deux ans. Elle vient de la scène indépendante en Angleterre et elle a déjà un hit underground derrière elle qui s’appelle « 212 »et aussi pas mal de titres en background. Elle sort en ce moment son premier album et on pense que ça devrait faire beaucoup de bruit.

Tof: Il y a deux ans on vous attendait en France pour un concert sold-out au Nouveau Casino et contre toute attente vous avez annulé les dernières dates pour des « raisons financières ». Je sais que de nombreux fans français ont été déçus et n’ont pas compris ce qui s’était passé…
Jake Shears:
Oui c’est vrai que c’était sold out en France mais pas forcément dans d’autres salles. Les tournées deviennent de plus en plus chères pour les groupes et la notre a été particulièrement coûteuse. Quand c’est arrivé nous étions complètement dévastés. On était mal managés et on vivait une période très difficile. C’est un miracle que nous puissions en parler tranquillement aujourd’hui.

Tof: De quoi parle « Only The Horses »?
Jake Shears:
C’est tout simplement une chanson qui invite à profiter du moment présent. Se retrouver entre amis, transcender le temps, ne pas se soucier de ce qui va se passer le lendemain, ou vivre comme si c’était son dernier jour sur Terre.

Tof: Comme à chaque fois le single est accompagné d’un clip assez spectaculaire, qui moi m’a un peu fait penser à l’univers d' »Empire Of The Sun »…
Jake Shears:
Ho Oui pas mal je vois ce que tu veux dire et je suis un grand fan d' »Empire Of The Sun »![Sourire] .En fait c’est l’italien Lorenzo Fonda qui l’a réalisé …

Tof: Pourquoi avoir choisi de mettre des zèbres sur la pochette du disque?
Jake Shears:
C’est tout un symbole! En fait, le zébre est une sorte de cheval très spéciale et c’est ce qui nous a plu dans la proposition de l’artiste qui l’a réalisée… D’habitude je ne suis pas très calé en visuels, je laisse le choix aux autres, mais là ça l’a fait!
Babydaddy:Lorsqu’on travaille avec un graphiste on aime bien d’abord lui faire écouter notre musique et voir ensuite de quelle manière il la perçoit, ce que ça lui inspire.




La dédicace de Jake

Tof: Ma chanson favorite de l’album est « Let’s Have A Kiki » … Je la trouve très dee-lite, très fun, avec un coté « camp » (kitsch; Ndlr)
Jake Shears:
Houla « camp » ce n’est pas vraiment mon mot préféré! Ca a une connotation péjorative et vieillote alors que nous essayons de toujours faire quelque chose de nouveau. « Kiki » c’est d’abord un terme familier pour désigner une drag queen, mais ici c’est aussi une expression pour parler d’un apparté entre amis, un after un peu spécial où tout est permis. On a voulu faire une chanson un peu idiote, avec un vrai sens de l’humour mais en même temps elle a quelque chose de très réel… Tu as tout à fait raison pour le côté deee-lite, et ce qui est marrant c’est que Lady Kier, la chanteuse de deee-lite est désormais la belle soeur d’Ana, la soeur de son mari quoi! Très bizarre…

Tof: Nous venons de perdre deux figures du disco avec le décès de Robin Gibb et Donna Summer, deux grandes influences des Scissor Sisters… Que pensez-vous de la polémique autour des propos homophobes qu’avait tenus Donna Summer?
Jake Shears:
Je ne suis pas nécessairement en colère contre elle et je pense que ce qu’elle a dit correspond à une période précise et une ambiance particulière. Elle a forcément réalisé plus tard son erreur. De notre côté nous
avons pu la rencontrer il y a deux ans et je peux t’assurer que c’était vraiment quelqu’un d’adorable. Elle reste une influence considérable sur le monde de la dance music et de la pop music, et malgré tout la bande originale du mouvement de libération gay dans les années 70.

Tof: Jake au moment de la sortie de l’album « Night Work » tu as créé le buzz en publiant un profil sur un site de rencontres gay. Aujourd’hui la sortie de l’album « Magic Hour » est accompagnée de la rumeur selon laquelle tu vas faire tes débuts dans un porno gay sous la direction de Chi-Chi Larue… Alors info ou intox?
Jake Shears:
Noooon !!! C’est faux [Rires] Ca aussi c’est très bizarre… Je veux dire: J’adore le porno, Chi-Chi Larue est un ami et j’ai des amis porn-stars, mais de là à franchir le pas… En fait ce qui s’est passé c’est qu’un bloggueur a pris une photo de Chi-Chi en compagnie d’une nouvelle porn-star et je ne sais pas pourquoi il a cru que c’était moi… J’imagine que d’ici quelques temps, on croira que j’ai fait du porno juste parce que certains voudraient me voir le faire, mais non pas du tout [Rires]… C’est réservé à mon mari!

Tof: On me fait signe que je dois hélas déjà vous quitter. Merci beaucoup pour cet entretien très sympa et cet album incroyable qui montre votre capacité à vous réinventer sans pour autant perdre l’essentiel de ce qui fait votre identité… On se donne rendez-vous le 14 Octobre au Trianon pour un show très certainement fantastique. Avez-vous pensé à imposer le dress-code « Zebra »?

Crédit-Photos : Franck Glenisson (http://www.franckglenisson.com)

EN SAVOIR PLUS: http://www.scissorsisters.com/

La chronique de Magic Hour

VIDEO PLUS: ONLY THE HORSES

SHADY LOVE

BABY COME HOME






Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Cinéma: Jitters

Pas de Gondoles pour Denise