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Hurts :  »Aujourd’hui, la pop music est saturée de couleurs et lumières flashy, nous n’avons pas besoin de cela ! »

Le groupe que je m’apprête à rencontrer aujourd’hui, inspire a priori une grande sobriété, et presqu’un sentiment de froideur et de glamour. A les voir dans leurs costumes tirés à quatre épingles, impassibles dans leurs clips monochromes, on se dit effectivement que ces deux-là démoliraient l’ambiance de n’importe quelle semblant de fête même timidement arrosée au Champomy … Même si leur tout premier album, paradoxalement intitulé « Happiness » (Joie), s’écoute la plupart du temps dans une atmosphère de recueillement, presque religieuse, il comporte aussi de nombreux titres pop, au refrain fédérateur, et qui évoqueront à certain les début de Depeche Mode ou des Pet Shop Boys. Tu l’auras compris, je ne parle bien évidemment pas des Prêtres, dernier coup marketing indigeste d’Universal, mais bien du duo mancunien Hurts, dont le parcours n’a cessé de progresser depuis la mise en ligne, en 2009 sur son site myspace de la vidéo de « Wonderful Life » faite avec les moyens du bord, c’est-à-dire un budget d’à peine 20 £. Un an plus tard, le groupe est reconnu comme une des valeurs montantes du monde de la pop, et Kylie Minogue, qui figure sur leur album, est une de leur plus fervente supportrice (Elle a récemment repris leur titre « Wonderful Life ». « Hapiness » sort le 15 Novembre en France, pratiquement en même temps que le single « Stay », Il figure dors et déjà parmi les premières places des charts européen … Un entretien limité à 15 minutes avec un Théo étonnament souriant et un Adam légèrement plus taciturne (lire moins bavard, mais adorable quand même) qui reviennent sur la génèse de leur groupe, et de leur premier album …

Tof : Bonjour Adam et Théo et bienvenue à Paris ! Pouvez-vous tout d’abord me raconter votre rencontre, et pourquoi vous avez fini par quitter votre groupe précédent …

Theo Hushcraft: Nous nous sommes rencontrés il y a 4 ans devant un night-club. Un endroit pourri à vrai dire ! [Rires ] Nos amis étaient en train de se battre à l’extérieur et nous sommes sortis pour essayer de les séparer. On a fini par sympathiser et ensuite on a commencé à faire de la musique ensemble. Nous sommes passés par toutes sortes de changements puisque dans un laps de temps de 3 ans on a fait partie de plusieurs groupes, dont « Bureau » et « Daggers ». A chaque fois nous avons essayé de pousser nos limites au maximum, mais il a fallu se rendre à l’évidence : Ca ne fonctionnait plus. Et puis nous avons écrit une chanson lente intitulée « Unspoken », la toute première que nous ayions jamais écrit ensemble … Ce moment a été une vraie révélation. On a décidé que tout ce que nous avions fait auparavant était certes très bien, mais que ce qui s’annonçait désormais serait parfait, même si nous ne savions pas encore sous quelle forme !

Tof : Je trouve surprenant qu’en 2010 un groupe pense à faire de la cold-wave. Pourquoi avoir choisi ce style en particulier ?

Theo Hutchcraft : Je pense que c’est une réaction logique. La pop music est tellement saturée la plupart du temps, tellement inondée de couleurs et de lumières flashy … Nous n’avons pas besoin d’être comme ça. Il y a bien plus de puissance dans la retenue, la réserve, et même le fait d’être en retrait parfois !


Crédit-Photo : Franck Glenisson (http://www.franckglenisson.com)


Tof : Comment décririez-vous cet album ?

Theo Hutchcraft : Ce disque a réellement été un voyage émotif. Depuis la création de Hurts, nous avons pas mal galéré. Certaines chansons ont été écrites alors que nous étions pris en charge par l’assistance publique à Manchester, avant que nous signiions avec une maison de disques. Du coup elles prennent une ampleur toute particulière aujourd’hui. Et puis lorsqu’on a su qu’il y avait un espoir d’être signé, notre écriture s’en est ressentie. C’est assez palpable dans la seconde partie de l’album !

Tof : Peut-on dire que votre album « Happiness » est un hommage aux femmes ?
Theo Hushcraft : Tu dois penser en premier lieu au titre « Better than love » quand tu dis ça … En fait l’album parle des relations, de l’amour. Tu sais ce thème est souvent l’origine des chansons les plus puissantes. En plus de causer les plus grandes émotions aux hommes !

Tof : Je posais aussi la question parce que la gente féminine est très présente dans votre univers. Spécialement dans le clip de « Better than love », où on aperçoit même un couple lesbien …

Theo Hutchcraft : C’est vrai que nous sommes les seuls hommes dans ce clip. Sans doute pour le contraste, et aussi parce que les femmes sont bien plus intéressantes ! [ Rires ] Il y a vraiment un certain type de filles dans les vidéos de Hurts. Elles sont fortes avec de la poigne, quelquefois androgynes, souvent puissantes … C’est ce qui nous fascine ! Tu sais on ne peut pas vraiment se permettre de danser donc il a fallu qu’on trouve quelque chose de plus intéressant ! [ Rires ]

Tof : Votre toute première chanson a être diffusée sur le net était « Wonderful Life ». De quoi parle ce titre magnifique ?

Adam Anderson : C’est la rencontre de deux extrêmes : d’un côté un homme qui veut se suicider et de l’autre le coup de foudre. L’homme se tient sur un pont et s’apprête à sauter mais il est arrêté par une femme. Ils se voient et tombent amoureux. La femme lui dit « viens avec moi, tout va bien se passer ».

Tof : Comment travaillez-vous ensemble sur vos chansons ?

Theo Hutchcraft : Le plus simplement du monde ! On se retrouve ensemble autour d’un piano ou d’une guitare et on fait les choses de la manière la plus simple possible … Quand on a l’impression de tenir une pop song qui fonctionne juste avec un piano, on commence à élaborer toute la production qui va avec. La plupart du temps Adam s’occupe de la musique et je fais les voix mais on travaille toujours en symbiose du début à la fin du projet …

Tof : Vous cherchiez à avoir un son très eighties, ou est-ce que c’est quelque chose qui est arrivé naturellement, presque par hasard ?

Theo Hutchcraft : Je pense très sincèrement que ce que nous faisons, c’est juste de la pop music. Il n’y a pas besoin d’aller chercher plus loin … On ne peut pas coller une étiquette « eighties » à une musique simplement parce qu’elle est électronique … D’ailleurs nous n’avons jamais vraiment cherché à reproduire un son eighties. Je veux dire qu’il m’est arrivé d’écouter Depeche Mode ou Tears For Fears, mais nous n’avons jamais eu l’idée de créer un « concept » autour de ces sonorités là … C’est juste dans l’inconscient collectif parce que la musique électronique vient de cette période. La filiation entre les sons électroniques de maintenant et les années 80 est évidente, et du coup tu pourrais aussi bien dire que LCD Soundsystem, fait aussi une musique estampillée années 80, ce qui n’était sûrement pas leur volonté première. Les années 90 sont tout aussi importantes pour nous, et nous écoutons bien sûr pas mal de groupes modernes comme Coldplay par exemple, toute la pop music actuelle en fait … Le vrai challenge pour nous c’est de donner au public quelque chose de frais, de nouveau et d’excitant …

Tof : Oui enfin ça me paraît un peu gros tout de même… Ne me dis pas que vous avez choisi par hasard Mark « Spike » Stent, l’homme qui justement a travaillé sur des albums de Depeche Mode, pour mixer votre album !

Theo Hutchcraft : Et bien figure-toi que nous venons juste de découvrir qu’il avait travaillé avec eux, ce qui est une bonne chose par ailleurs … Nous avions l’habitude de produire nos titres mais là nous cherchions un nouveau producteur avec qui nous n’avions jamais travaillé auparavant, capable de rendre notre travail encore meilleur. C’est là que réside le challenge : que ce soit de l’electronica, de la pop music, il faut vraiment trouver le moyen de « booster » notre musique au maximum!

Tof : Avez-vous utilisé des instruments modernes ou avez-vous plutôt opté pour du matériel vintage …? On me dit souvent que le nouveau matériel entraîne une perte de qualité sonore …


Crédit-Photo : Franck Glenisson (http://www.franckglenisson.com)


Adam Anderson : En fait nous n’avons utilisé aucun synthétiseur analogique sur cet album … Tout a été créé sur des ordinateurs portables. Les anciens synthétiseurs produisent un son intéressant mais lorsqu’on travaille avec des ordinateurs il me semble qu’on a plus d’opportunités d’obtenir des sons uniques. C’est plus excitant ! La plupart du temps les gens nous disent que nous avons un son eighties parce que nous utilisons des instruments de cette époque, alors que c’est totalement faux !

Tof : Vous utilisez régulièrement un ténor comme choriste, ce qui fait un peu la spécificité de votre son … Qui a eu l’idée d’utiliser cette voix ?

Theo Hutchcraft : Hmmm tu parles de ma voix, non ? [ Rires ] Aaaah je vois tu parles de la voix qu’on entend par exemple sur le titre « Stay » ! L’idée était juste de rendre certains titres encore plus dramatiques … Sur « Silver lining » par contre c’est bien ma voix … A mon sens c’est vraiment ce qui donne une réelle intensité à certains morceau, une dimension gothique même !

Tof : Qu’est-ce qui vous influence en particulier ? Le Cinéma, la mode, l’art, Helmut Newton, Lolita Lempicka …?

Theo Hutchcraft : Oui nous puisons notre inspiration un peu partout. Beaucoup de films parce que notre musique est vraiment cinématique … En fait on peut même dire que nous visualisons nos chansons dès la session d’écriture. La manière dont nous nous habillons vient quant à elle de la période où nous étions tous les deux pris en charge par l’assistance publique. Lorsque tu dois aller à l’agence pour l’emploi toutes les deux semaines pour expliquer pourquoi tu n’as pas de boulot, ça se passe toujours mieux lorsque tu es en costume. Tu t’en sors avec plus de dignité ! Tu es pris au sérieux … Spécialement dans le contexte de la pop music, je pense qu’une tenue simple, contribue à laisser toute la place à la musique, comme élément principal, qui recquiert toute l’attention. On fait aussi attention à cela dans nos photos, la simplicité donne plus de gravité.

Tof : Pourquoi avoir choisi cette esthétique en Noir et Blanc, et sans aucun sourire ?

Theo Hutchcraft : Parce que nos chansons sont tristes, tout simplement … le Noir et Blanc correspond à quelque chose de très basique, très simple … Et puis aussi ça revient moins cher ! [ Sourire ]

Tof : A la fin du livret de l’album on peut lire « Lento Doloroso ». Pouvez-vous m’expliquer pourquoi vous avez souhaité que cette expression apparaisse ?

Theo Hutchcraft : C’est un terme qui résume bien le disque … On peut dire qu’il a été « enfanté » dans la douleur, et qu’il a fallu beaucoup beaucoup beaucoup de temps pour le réaliser ! [Rires]

Tof : Pouvez-vous me parler du duo avec Kylie Minogue qui figure sur Happiness … Vous l’avez vraiment rencontrée ?

Theo Hutchcraft : Oui c’est vrai que les journalistes ont du mal à croire qu’il a simplement fallu lui demander pour qu’elle accepte ! Quand nous avons fini l’album, nous sommes retournés dans le studio où nous l’avions écrit, et là nous l’avons écouté d’une traite. On s’est dit qu’il y manquait vraiment la présence d’une femme. On avait embarqué une bouteille de vin rouge avec nous et comme on commençait à être un peu bourrés on s’est demandés « à quelle personne la plus indigne de nous pourrait-on demander de participer ? », on s’est regardés et on a dit : « Et merde, demandons à Kylie Minogue ! ». On lui a envoyé nos chansons et quelques jours plus tard elle nous a répondu qu’elle aimait et qu’elle voulait chanter avec nous. Deux jours après on était en studio avec elle. Ca n’était pas un duo virtuel crois-moi, et c’était même un moment très surréaliste, vraiment ! Tu sais Kylie est un peu l’incarnation de ce que nous voulons que notre musique soit … Dans les années 90 elle a révélé une nouvelle facette de sa personnalité, plus sombre, avec le duo qu’elle a fait avec Nick Cave. Sur « Devotion », nous lui avons demandé de chanter un peu à la manière de Kate Bush. Au travers de notre musique nous aimons pousser quelque chose de commercial dans un univers très éloigné, plus dark, c’est cela qui donne naissance à une certaine forme de beauté.

Tof : Y a-t-il un ou une autre artiste avec qui vous aimeriez collaborer ?

Adam Anderson : Kate Bush ! Mais c’est impossible parce qu’elle ne veut travailler avec personne.


Crédit-Photo : Franck Glenisson (http://www.franckglenisson.com)


Tof : En France nous avons une chanteuse qui pourrait vous intéresser et qui s’appelle Emilie Simon sinon … Ok, avez-vous un message particulier à délivrer à votre public gay ?

Theo Hutchcraft : Ho, nous avons remarqué que dans nos tous premiers concerts il y avait beaucoup de jeunes filles et beaucoup de gays. Ils nous apportent depuis un vrai soutien et nous leur en sommes vraiment reconnaissants … C’est une chose dont nous sommes fiers. On apprend toujours beaucoup de la part des fans !

Tof : Vous venez de donner un concert sold Out au Trabendo de Paris … Avez-vous une certaine appréhension lorsque vous venez vous produire en France, pays dont le public est réputé difficile ?

Theo Hutchcraft : Nous n’avons pas remarqué cela … On a toujours eu affaire a des publics vraiment chaleureux ! Ce serait intéressant de jouer dans de grandes salles ici, et de voir comment est perçue notre musique. Pour l’instant nous n’avons eu que de bonnes réactions !

Tof : Etes-vous impliqués dans absolument tout ce que vous faites (images, son, clips-vidéos) ?

Theo Hushcraft : Oui absolument tout ! C’est très important car tout cela représente ce que nous sommes vraiment. Je trouve qu’aujourd’hui la pop music a besoin de se montrer honnête et transparente. Alors évidemment quelquefois on a des idées un peu farfelues, comme sur le clip de « Stay », où tu me vois sortir d’une eau glacée, et où j’ai même du mal à contenir mes frissons … [ Rires ]

Merci à vous Théo et Adam, pour cet entretien un peu trop rapide, mais qui nous aura fait vous connaître un peu mieux … Le souvenir de votre concert au bataclan est encore frais dans nos mémoires et on se souvient de grands moments, très lyriques grâce à l’interventionde votre choriste de folie, mais aussi rock, notamment lorsqu’Adam a soudainement, et à la surprise générale, empoigné une guitare électrique. Le public, très masculin a dû être particulièrement touché par les roses blanches que Théo lui lançait tout au long du live … L’heure est maintenant venu de savourer vos chansons dans une ambiance cocooning. Le 15 Novembre, pendant que la pluie et le vent frais feront frissonner les passants au dehors, nous, nous écouterons tranquillement la chaude voix de Théo, sous une couette réconfortante !

EN SAVOIR PLUS : La chronique de Happiness sur CitéGAY
http://www.informationhurts.com
http://www.myspace.com/ithurts

Le clip de Stay






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