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Zazie :  »Tout le monde a compris que je ne catégorisais pas les gens … »

Et me voici dans de nouvelles aventures, à la rencontre de l’invitée mystère . Pour une fois tout se passe bien. Pas de perturbations au niveau du métro, ni vraiment de stress, alors que tout de même, mine de rien, je dois retrouver une des vraies valeurs sûres de la pop française, et cela depuis quelques années déjà. J’avais repéré quelques articles de presse, dans lesquels elle semblait se plaindre d’une silhouette un peu trop haute et longiligne, se qualifiant même parfois de « girafe », alors qu’elle en avait sûrement dû jouer lors d’une première carrière de mannequin. Autant le dire tout de suite, dès que je l’aperçois je la trouve tout simplement ravissante, souriante et sympathique. Il faut bien l’avouer, même si Isabelle a plutôt l’image d’une femme moderne, drôle, caustique, sans langue de bois, et plutôt éloquente, je n’étais dernièrement plus autant friand, de son personnage de « chanteuse qui a systématiquement toujours quelque chose à dire sur tout », comme je l’avais été à ses débuts. Rien de bien méchant, disons juste un peu lassé comme on peut l’être d’une meilleure amie (allez on peut bien rêver …) qu’on a toujours beaucoup de plaisir à retrouver. Et puis le simple fait de deviner tout l’enthousiasme ambiant, autour de cette toute nouvelle actualité, gomme tout le reste ! Il se trouve que là, pour le coup, j’ai très envie qu’elle me parle de son nouvel album, dans lequel une fois de plus, rien n’est à jeter. Zazie, puisque c’est bien d’elle qu’il s’agit, nous revient enfin avec Totem une nouvelle galette, totalement solaire sous le bras, et elle se verrait d’ailleurs bien boulangère ! Non non je ne dis pas encore n’importe quoi vous verrez ! En attendant c’est devant un thé bien chaud, servi par un bien mignon jeune homme, ce qui ne gâche rien à l’affaire, qu’elle m’attend, rayonnante.. Je sais dors et déjà que l’entretien sera ponctué d’humour et de détente, encore un moment privilégié et délicieux, que je m’en vais vous conter …

Tof : Bonjour Zazie, te voila enfin de retour avec un album très attendu appelé Totem . Pourquoi ce nom ?
Zazie :
Tout simplement c’est un de ces mots magiques qui veulent tout dire et rien à la fois, et dont je raffole. C’est un peu dans le même style que Zen, qui pour moi est plutôt synonyme de « Houlala, on se calme . Un peu de sérénité ne nuit pas » alors que pour d’autres ça pouvait être un sport, un truc asiatique bizarre ou je ne sais quoi encore ! [Rires] Non Totem, en fait c’est un peu la vision fantasmagorique de ce que l’on aimerait être ou de ce que l’on voudrait vivre. Il y a une petite référence à la symbolique des indiens bien sûr, mais là je veux parler de l’ « animal fétiche », même si dans mon cas ce n’est pas vraiment l’animal mais ce serait plutôt l’ « homme » ou l’amour « idéal ». Et puis la vision du Totem évoque aussi une idée de construction, ou bien encore ces espèces d’esprits plutôt sympathiques, à qui, comme ça, on va demander des trucs, sans être pour autant animiste ou d’une quelconque religion. Ce qui est sûr par contre, c’est que je suis d’un naturel assez rêveur et donc j’aime bien l’idée qu’en fermant les yeux et en faisant deux trois prières extravagantes, il y en ai finalement quelques unes qui se réalisent. Bref, c’est ça le Totem, une construction intérieure je dirais .

Tof : L’image du Totem renvoie à un concept de rigidité et de statisme, alors qu’avec Rodéo, on était plus dans le mouvement …
Zazie :
Et bien ça tu vois je ne l’avais même pas noté bizarrement. En tout cas ce n’était pas voulu . Bien sûr avec ce titre, je me suis attendue à ce que tout le monde me dise « alors Zazie, après les cow-boys, maintenant les indiens ? » mais en même temps mon rodéo n’avait tellement rien à voir avec celui des cow-boys que forcément, et bien mon Totem, n’a rien à voir avec celui des indiens [Sourires]
C’est vrai aussi qu’on est plus dans des textes « contemplatifs » ou « observateurs » cette fois. L’album précédent était plus « volontaire », avec même un côté « il faut jouer des coudes pour dire les choses ». Là j’ai complètement laissé tombé l’aspect volontariste. Totem est plus contemplatif, plus dans l’inaction que dans l’action. Il témoigne au mieux d’une observation, au pire d’un certain désenchantement mais ça en fait c’est une constante dans tous mes albums.


Tof : Les hommes en prennent pour leur grade une fois de plus, mais l’Humanité en général, aussi .
Zazie :
L’Humanité oui … Je suis même très remontée contre elle ! Mais je ne trouve pas que mon album soit particulièrement contre les hommes en tant que genre… Ok il y a Na qui est une chanson sur le célibat, où je dis clairement, tout en envoyant des pics, qu’il est assez évident d’être dans cette situation lorsqu’on n’est pas très aimable, puisqu’en colère, ce qui ne rend pas vraiment très sexy, mais après je ne vois pas trop . L’ange blessé ne parle ni d’un homme ni d’une femme. Je suis un homme se réfère plutôt à l’Humanité. Ah oui il y a bien sûr Des rails qui part sur la base d’un conflit avec un mec, mais c’est surtout un prétexte de départ car la chanson parle finalement plus de paranoïa, et de la difficulté d’aimer. Tu sais mes textes étaient beaucoup plus vindicatifs à mes débuts ! Parce que les garçons, tu dois bien savoir que je les adore [Sourire] Il ne faut pas se tromper non plus : dire des choses ne correspond pas toujours à la vérité. Le « je » n’est pas toujours moi, et ce que je décris n’est pas toujours autobiographique dieu merci ! Sinon je pense que je serais internée depuis longtemps, ou en train de pleurer non-stop .[Rires]

Tof : Sans vouloir retourner le couteau dans la plaie, tu as vécu deux événements assez intenses de manière très rapprochée : le fait d’être mère, et puis la séparation d’avec ton compagnon. Je suppose que ça a fortement influencé l’écriture de ce nouvel album …
Zazie :
Non pas vraiment en fait… La séparation a été très bien vécue, et puis cet album a été écrit bien après. Le public a d’ailleurs appris que nous n’étions plus ensemble, bien après que ça se soit passé. Du coup cet album n’est vraiment pas du tout un album post-rupture. Il marque par contre peut-être plus un constat d’échec qu’un constat de réussite, une sorte de petit bilan. Il ne s’agissait pas non plus de faire un disque pour reporter systématiquement la faute sur l’autre, ce dont je ne suis d’ailleurs pas du tout convaincue. Quelque part c’était histoire d’analyser les événements de manière à évaluer la connaissance de soi, ne serait-ce que pour éviter de faire une nouvelle connerie plus tard . Vraiment avec Fabien, je ne retiens que les trucs super !

Tof : L’album est d’abord diffusé sur le net, avec en bonus l’inédit Frère Jacques, disponible exclusivement via ce support. Un titre moins exposé de la sorte n’est-il pas un peu dévalorisé pour son créateur ?
Zazie :
Non je ne crois pas, enfin il est peut-être dévalorisé dans la mesure où l’artiste ne touche pas un caramel dessus. Je suppose que ta question est aussi une façon d’aborder les nouvelles techniques marketing, mises en place pour combattre la chute des ventes de disques.
C’est vrai que l’album sortira aussi dans une version limitée de luxe, avec I Fall, un autre inédit pour le coup, et les versions démos de Jet Lag et de Je suis un Homme. Tu sais moi j’assume totalement le fait de vendre mes chansons puisque c’est ça qui me fait vivre. Maintenant la musique c’est aussi de la diffusion, c’est aussi de l’exploration, c’est aussi de l’écoute, et internet dans tout ça, je pense que c’est aussi un moyen de diffusion au même titre qu’une radio.
C’est d’ailleurs pour ça que c’est aussi compliqué et qu’on n’arrive pas à statufier tout ça. La démarche qui consiste à mettre un inédit uniquement via ce support, c’était aussi précisément pour montrer qu’on peut y mettre un titre de qualité, et pas justement une chanson qui n’aurait pas été commercialisable, ou quasiment un rebut que je n’aurais pas voulu inclure à l’album physique ! [Sourire] C’est aussi pour expliquer à mon public que si j’ai eu un positionnement aussi clair sur la licence globale etc ., c’est pas que parce que je veux garder mes thunes.
C’est vraiment aussi parce que j’ai bien compris la réalité du net. La preuve c’est que je suis capable aussi d’y filer des choses complètement à titre gratuit . Je comparais Internet à une radio mais il est bien clair qu’on ne peut pas télécharger une radio en entier, mais en même temps on faisait bien des cassettes quand on était mômes, qui elles par contre, étaient altérables dans le temps.
Avec le net, comme le support est virtuel, c’est plus inscrit dans le temps et donc ça constitue un vrai manque par rapport à ce que les artistes et les maisons de disques pourraient proposer. Moi j’ai bien compris que ce qui se passe au niveau des téléchargements, n’est pas de la faute des internautes non plus et que ce ne sont pas eux qu’il faut taxer.
Je pense tout simplement qu’il y a un vrai effort de culture à faire, et d’éducation. Il faut qu’ils comprennent que lorsqu’ils vont dans une boulangerie, ils paient leur pain et qu’il n’y a aucune raison qu’on leur donne gratuitement. S’ils continuent à télécharger illégalement, moi je gagnerai sans doute moins bien ma vie mais ce ne sera pas très grave, car je continuerai quand même très très bien à vivre, mais il faut aussi penser que sur un album de Zazie, il y a beaucoup de gens qui vivent : Des photographes qui réalisent la pochette du disque, aux éclairagistes qui font la scène, bref un staff qui risque de ne plus toucher les Assedic si je ne faisais plus de scène, ou ne vendais plus.
Enfin, si on déroule le tapis, ça implique tout un tas de personnes, qui n’ont rien à voir directement avec ma pomme. Il faut bien voir que déjà aujourd’hui, un artiste qui ne vend clairement pas plus de 8000 albums, est remercié par la maison de disques. Et pour cause ! Ca coûte très cher un album. Avant bien sûr tout était encore possible. Mais clairement un artiste qui vendait hier 8000 exemplaires, peut espérer en écouler aujourd’hui 40 %. Bon disons qu’il en vend au mieux 5 ou 6000, et à 5 ou 6000 c’est : « au revoir monsieur, très gentiment ». Mis à part ça, je considère que le net est un outil de diffusion génial.
C’est aujourd’hui un véritable média, et j’aime assez le ton assez rigolo qu’on y trouve, notamment sur myspace. Ca me fait toujours rire quand je vois que j’ai de nouveaux amis !

Tof : Tu utilisais l’image de la boulangerie tout à l’heure, mais je dois dire que ce qui m’embête un peu là-dedans, c’est qu’il existe bien des moyens pour éviter qu’un téléchargement illicite n’aboutisse . Et partant de ce principe, lorsqu’on met côte à côte une boulangerie qui fournit du pain payant et une boulangerie qui fournit du pain gratuit, qui serait assez bête pour continuer de se rendre à la boulangerie payante ?
Zazie :
Oui, sauf que le pain gratuit vient d’où ? Il faut le savoir ! Et après il faut redéfinir l’Art . Est-ce que l’Art est gratuit ou pas ? Est-ce que le fait de faire des chansons est gratuit ou pas ? Est-ce qu’on doit en vivre ou pas ? Moi je veux bien qu’on me dise que j’en vis pas mais si tu vas au bout de la logique, ta boulangerie gratuite, elle dure combien de temps ? Si le mec doit faire du pain toute la journée comme l’autre . Elle dure combien de temps ?

Tof : Ce n’est bien sûr pas non plus tout à fait ce que je voulais dire, mais enfin je partais du principe qu’on a les moyens d’éviter qu’il y ait des boulangeries gratuites …
Zazie :
Oui enfin pas totalement sinon il n’y aurait pas de piratage et on ne se poserait même pas la question . Y a les moyens oui mais est-ce qu’ils sont bien mis en place correctement ça c’est autre chose. Si le piratage existe c’est donc que ce n’est pas le cas.
Et puis il y a plein de trucs aussi à faire. D’abord plutôt que de taxer ceux qui sont aux deux bouts de la chaîne, c’est-à-dire d’une part les internautes et de l’autre, nous les artistes, il faudrait mettre à contribution les fournisseurs et les serveurs, parce que pour eux pour le moment c’est tout bénef. Si on emmerde les magasins de chaussures parce qu’ils écoutent nrj, il faudrait aussi que les diffuseurs internet paient une cotisation pour les droits de diffusion, ce qui permettrait aux artistes de continuer à toucher leurs droits d’auteur. Là je pense surtout aux petits artistes qui débutent et qui n’ont que ce média pour se faire connaître. Cela leur permettrait de continuer tout simplement à vivre et de se faire entendre, sans être obligés pour autant de vendre des mille et des cent.
Et puis en revenant à cet image de boulangerie, il faut aussi que le prix du pain reste raisonnable et qu’il ne soit pas pourri ou prémâché, si tu vois ce que je veux dire .Et c’est là que le musicien a des efforts à faire aussi . En même temps en toute modestie, j’ai pas non plus l’impression d’avoir réalisé des albums pourris depuis mes débuts [Rires]


Tof : Et bien revenons-y justement à cet album ! J’ai déjà lu à de nombreuses reprises que la chanson Des Rails était électro, alors que pour moi elle est résolument rock, comme d’ailleurs le reste de l’album, qui m’a plutôt fait penser à du Coldplay ou du Keane, surtout sur Je suis un Homme
Zazie :
Je suis d’accord avec toi, il n’y a pas une programmation dans Des rails. Tout le monde a joué dans les conditions du direct, et dans la même pièce, avec aucun pro-tools derrière. C’est assez marrant que les gens l’aient catalogué électro . Bon c’est vrai qu’il y a un petit son de synthé mais il n’est pas programmé. Il est joué par Jean-pierre Pilot et son petit doigt [Sourires]
Nous avons récemment tourné le clip de cette chanson dans un supermarché en région parisienne .

Tof : Oui ça je sais [Rires] mais tu ne veux rien me révéler de plus ?
Zazie :
Non [Rires et Silence]. Bon disons que c’est un domino humain, voila le principe . Comme Des Rails est une chanson sur la parano ça nous faisait rire de partir sur un truc qui dégringole et de voir qu’à la fin tout finissait en eau de boudin.

Tof : Comment trouves-tu le paysage musicale radio en France. Ne trouves-tu pas qu’on assiste de plus en plus à une sorte d’uniformisation liée à la politique marketing, qui fait justement que certains groupes britanniques intéressants ont plus de mal à s’imposer à nous ?
Zazie :
Bien sûr, il y a une vraie formatisation oui. Moi par exemple je suis content de profiter du câble. Je regarde MTV1 MTV2, hola et pis alors maintenant tu vois il y en a bien 12703 ! Et bien quand même, de temps en temps, je tombe sur un truc juste inconnu au bataillon et quand ça arrive je suis sur ressorts et je me dis : « génial ! ».
Sauf que quatre mois après et bien ça fait finalement un hit ! Et oui et c’est normal parce que je pense que si Keane et Coldplay sont plus passés à la radio c’est aussi parce que c’est bien. Je veux dire que leur succès ne vient pas que du fait que les radios ont décidé de les passer plus que d’autres . Après c’est vrai qu’il y a plus ou moins un espace réservé au prochain Coldplay, ou au prochain Keane. Les autres, il faut qu’ils se démerdent un peu plus. Enfin ceci dit est-ce que c’est plus différent aujourd’hui qu’il y a quelques temps ? Je n’en ai pas trop l’impression. On te passait par exemple Elton John en boucle et pas beaucoup les nouveaux trucs qui arrivaient .
Il y a eu bien sûr les radios libres au début. Tu pouvais écouter faire ton choix parmi elles suivant tes goûts musicaux. Mais maintenant tout ça s’est bien rétréci, parce que les radios libres sont aussi libres que j’ai une tête de suédoise ! [Rires] C’est vrai que c’est un peu le diktat des grosses productions, qui du coup ont plus de facilités à se payer la promo nécessaire .

Tof : Un mot sur le visuel de l’album qui a été réalisé en Islande . D’où vient cette idée, tu as dû avoir froid non, on a l’impression que tu sers les dents … ?
Zazie :
Oui, heu comment te dire . Dans l’eau normalement il fait chaud. Ca se passe au Blue Lagoon, un endroit très connu là-bas. C’est une espèce de bain de silicium en fait. A la source le liquide sort à 300 degrés. Grâce à des aménagements réalisés par la main de l’homme, il y a aussi des petits bassins autour, à une température plus abordable de 38-40 degrés. On a pu profiter d’un de ces lacs pour faire la photo . et heureusement [Sourire] parce que sinon ça aurait été ma toute dernière séance !
Donc pas de soucis, dans l’eau il faisait chaud, sauf que dehors, ben c’était l’Islande quoi . [Rires] Bref il a fallu faire très très vite, comme dans n’importe quel bain chaud qu’on peut découvrir en Finlande, au beau milieu des glaces . Le fait de se retrouver dans cette espèce d’eau dans laquelle on a l’impression qu’il y a eu des essais nucléaires tellement on a jamais vu cette couleur là, c’était vraiment une expérience assez fantastique ! Et puis tout ça est complètement naturel ! Le silice blanc, s’est déposé sur la roche et comme l’eau est bleue on a l’impression d’un mélange d’Obao avec de lait .
L’idée de ce visuel est un troisième choix en fait, de Laurent Seroussi, que j’adore et qui s’était déjà chargé des photos et du graphisme de Rodéo. Il est toujours assez fort là-dessus il faut dire ! Donc on retrouve effectivement l’idée d’immobilité et de contemplation.
En fait Laurent a écouté l’album et m’a demandé comment j’allais l’appeler. Je lui ai dit « je sais pas trop mais ce sera à la fois un peu dans le rêve, et à la fois quelque chose de pausé . » J’avais déjà Totem comme chanson, mais pas encore comme titre générique . Enfin bref, il m’a fait une proposition, où en fait il me photographiais du dessus, alors que j’étais dans l’eau, décidément il aime bien me tremper. On voyait juste un peu la tête et les bras et ce que je voyais, il le faisait se refléter dans l’eau, comme si je prenais un bain de nuages en fait. Mais tout cela entraînait un dispositif qui l’obligeait à se trouver au-dessus de moi au moment de la prise de vue, et il se trouve qu’en Islande on n’a pas pu faire ça, même avec l’aide d’un pont.
Et puis ça aurait un peu trop rappelé le travail d’Arthus Bertrand, surtout si en plus on avait plutôt choisi Vue du Ciel comme titre, comme il en a d’ailleurs été question . Le choix du titre Totem s’est imposé plus tard et du coup on s’est dit que s’était plus intéressant d’avoir quelque chose de vertical .


Tof : Et donc, puisque tu en parles, il faudrait m’expliquer la chanson Vue du Ciel, parce que je n’ai pas tout compris .
Zazie :
Mais c’est sur les calins ! Tu veux que je t’explique les positions ? [Rires] Bon attends je t’explique mieux : c’est une chanson sur l’orgasme … [Rires] C’est marrant parce que le journaliste d’avant était persuadé que ça parlait de la mort. C’est drôle, mais en même temps ça me plaît car on appelle aussi l’orgasme la petite mort . Il y a aussi l’ambiguité de l’avoir placé en fin d’album bien sûr … Et pis moi j’aime bien laisser un peu de flou, en me disant que moi je sais pourquoi je l’ai fait et en laissant l’auditeur la ressentir un peu comme il veut. Tu vois si tu relis « J’envoie en l’air tout l’univers » en sachant ça, ça devient assez évident non ?

Tof : Parle-moi de ta rencontre avec Paulo Nutini. Ca s’est passé comment exactement?
Zazie :
Très bien. Ecoute j’avais entendu sa voix qui est tout simplement étonnante et je ne savais pas encore qu’il n’avait que 19 ans. C’est vraiment hallucinant d’avoir la voix d’un type de 70 ans qui aurait bu du whisky toute sa vie, à son âge. J’avais cette chanson, et avant même d’en écrire le texte, je l’avais appelée Duo sans savoir très bien pourquoi . Bref je la voyais bien en sorte de duo d’amour un peu universel, et je souhaitais donc deux langues différentes. N’écrivant pas vraiment le serbo-croate, je me suis dit que c’était mieux que je le fasse en français et en anglais ! [Rires] Après s’est posé le problème du choix de la deuxième voix. En fait, je voulais soit un très vieux soit un très jeune, justement pour éviter les réflexions du genre « c’est son prochain petit ami » .
J’étais dans les Neil Young en très vieux et les Paulo Nutini en très jeune. Paolo a répondu présent très rapidement, très enthousiaste alors que le pauvre était en tournée. Je ne sais pas comment il fait pour rester en vie d’ailleurs. Evidemment l’équipe s’est mise à sa disposition et on est allés à Londres pour l’enregistrement . Moi je n’avais évidemment pas fait la voix par respect pour lui. Je trouvais que c’était plus sympa, vue qu’on ne se connaissait pas, de chanter ensemble, et c’est ce qu’on a fait, très simplement.

Tof : Tu as l’air de beaucoup aimer ce style de voix . Je te dis ça car il se trouve que c’est aussi grâce à toi, que lors d’une de tes premières parties, j’ai découvert un autre artiste dans le même registre, j’ai nommé Ozark Henry .
Zazie :
Oui. Et bien justement je me suis posé la question pour ce duo. C’était soit Paolo soit Ozark. Et il se trouve que par décence, j’ai pas contacté 20 personnes en même temps et on a reçu une réponse tout de suite de Paolo, mais sinon j’aurais contacté Ozark Henry car c’est vraiment quelqu’un qui a un talent fou et que j’aime beaucoup. Il y aura probablement d’autres occasions !

Tof : Tu donnes l’image d’une personne assez cool, limite fainéante, mais quand on voit tout ce que tu fais en ce moment, entre les Enfoirés, Sol En Si, l’album de Calogero, celui de Fabien Cahen, l’écriture de chansons pour la « tortue » Christophe Willem, on se dit qu’il y a forcément tromperie …
Zazie :
Mais tu sais les vrais fainéants sont des gens qui bossent vachement, parce qu’en fait ils se sont démerdés pour ne pas avoir l’impression de travailler, puisqu’ils n’aiment pas ça. Moi j’ai pris un métier où de temps en temps je me rends compte que c’est du travail parce que je suis un peu fatiguée, mais la plupart du temps je vois même pas pourquoi on me paie. Donc je bosse énormément mais ce n’est pour ainsi dire pas comptabilisé comme des heures de bureau. C’est plus une manière de vivre hyper privilégiée. Ca fait partie de ma passion tout simplement !

Tof : En même temps j’ai remarqué un petit recyclage dans tes paroles. Sur Ying Yang, tu parles des « eaux troubles où je traîne ».
Zazie :
Oui pourquoi je l’ai déjà dit ?

Tof : Oui c’est une expression utilisée dans le duo « A ma place » avec Axel Bauer .
Zazie :
Non [silence et surprise]

Tof : Si [Silence] c’est Axel qui le dit : « Faut-il que tu comprennes les eaux troubles où je traîne »
Zazie :
Ah ben ça c’est possible mais je pense que tu peux en trouver 25 des comme ça. J’aime bien cette expression c’est vrai ! Il faut que j’appelle Axel quand même [Rires]. Evidemment si je m’en étais aperçue je l’aurais enlevé. C’était pas du tout prémédité. C’est vrai qu’il y a des mots que je redis souvent volontairement parce que ce sont des mots à moi et que ça correspond à ma manière d’être. Ca a dû se produire à d’autres reprises, don attention petit quiz : « retrouve la phrase qu’elle répète le plus ! » [en changeant sa voix]. Ce qui est pratique en tout cas c’est que je ne me ferai pas de procès. Sans doute le risque quand on travaille un peu trop en fait .[Rires]

Tof : La chanson J’étais là c’était pour condenser un peu toutes tes colères ressenties lorsque des personnes ne font rien face aux problèmes de société?
Zazie :
Non pas du tout c’est même le contraire, en fait l’idée c’est que c’est très bien de faire les Restos du Coeur, ou Sol en Si ou de donner aux bonnes oeuvres. C’est d’ailleurs ce que le système judéo-chrétien nous enseigne. Mais ce n’est pas ça forcément toute la réponse. Plus le temps passe et plus je me dis qu’on nous impose de vivre selon un certain schéma et que le gouffre est totalement vertigineux, entre ce qui nous irait d’une manière individuelle et cette espèce de truc un peu sociétaire où il faut faire ceci ou cela pour participer à quelque chose de bien.
Je trouve que l’humain et un paradoxe vivant, tout comme moi, qu’il y a des tas de situations où on a l’impression d’avoir aidé et qu’au finish je ne suis pas sûre qu’on ait fait en tout cas exactement ce qui était approprié. Aider les Restos du Coeur ou Sol En Si, c’est tout à fait louable, mais ce n’est pas exhaustif de tout ce qu’on peut réaliser d’une manière humaine sans justement parler d’Humanitaire . Là on est déjà dans le Charity Business, c’est déjà autre chose, la moindre des choses en fait. Mais avant ça il faudrait déjà se casser la tête pour « éviter» les situations de misère pour lesquelles on se mobilise. Bon je n’ai pas LA solution bien sûr, mais à mon avis il faudrait déjà arrêter d’être dans la fascination. Tous ces moments de traumatisme qu’on a eu à la télé en voyant le Rwanda par exemple, ou encore l’accident au bord de la route où on n’a pas su quoi faire . Evidemment la chanson n’est pas du genre : « C’est pas bien tu t’es pas arrêté t’as pas aidé le mec en lui faisant une perfusion », parce qu’on ne sait pas faire ça. Par contre juste s’arrêter pour tenir la main à une personne en difficulté, ça on sait le faire, mais on ne le fait pas. On s’arrête et on repart en se disant qu’on va vite oublier parce que c’est juste insupportable. Qu’est-ce qui est insupportable ? En fin de compte ce n’est pas que la personne sur le carreau meure mais bien ce que tout cela nous renvoie à nous .
Alors voila J’étais là est une chanson sur ce rapport à toutes les situations fascinantes. Tout le texte fait référence à des choses que j’ai vécues. Parce que quand on a 4 ans on peut sentir qu’il y a un malaise mais on n’a pas la notion de maltraitance, donc quand on a un copain battu on va pas dire à ses parents : « dis donc je crois bien qu’il est battu » . On sait pas donc on est juste mal à l’aise. Pareil pour la drogue. Quand on est ado et qu’on a un ami qui se drogue on peut trouver ça vachement bien. Bien sûr on n’est pas assez folle pour en prendre soi-même. Et puis le lendemain ben le copain il est mourru . Et on se dit qu’on aurait peut-être pu dire à deux ou trois personnes qu’il prenait de l’héro au lieu de le cacher. Toute cette série de petites situations où on a été impuissant parce qu’on était dans cette fascination un peu morbide.
Attention je trouve ce phénomène parfaitement normal, mais si on nous apprenait à l’appréhender d’une autre manière on serait moins choqués et plus dans une logique d’action utile, avec moins le besoin d’aller se substituer au gouvernement en allant participer à des gros trucs comme les restos du coeur, fédérateur soit, et avec des solutions. Mais si on n’avait pas appris à considérer la misère comme une chose sale on n’aurait sûrement aussi moins besoin de mettre des paillettes et de faire du show business pour traiter ces problèmes, non ?


Tof : Est-ce que tu t’es déjà demandé, sans parler d’Adam et Yves, pourquoi tu es une icône gay ?
Zazie :
Non pas du tout. En fait je pense que dans mon travail tout le monde a compris que je ne catégorisais pas les gens. Ca ne m’intéresse pas de savoir la sexualité des gens et quand je parle de quelqu’un je ne dis pas « tu sais, l’homo . ». Je trouve que la meilleure manière de régler les éventuels problèmes que ça peut poser aux autres c’est le droit à l’indifférence. Mais tu sais je n’ai pas du tout envie d’être fédératrice d’un mouvement ou d’un communautarisme gay ou pas gay. J’ai remarqué ça depuis le début oui, peut-être aussi parce que j’ai une certaine masculinité en moi aussi. Dès qu’on est un peu dans une certaine ambiguïté et qu’on ose être toutes les facettes de soi, j’ai l’impression qu’on peut avoir, ne serait-ce qu’un lien avec les gens qui ont forcément assumé cette ambiguïté, et c’est ce qui les définit sans en faire un gros mot…

Tof : Je sais que tu as écrit le prochain album de Calogero et qu’il comporte une chanson sur le thème de la rencontre via Internet. Est-ce que tu y crois ?
Zazie :
Oui quand même, c’est un objet de correspondance. Après je trouve dangereux que l’amour devienne virtuel, parce qu’il n’y a rien de mieux que de voir la personne et la toucher. Par contre si c’est servi comme une correspondance, un courriel . Dans le net il y a un truc que j’adore c’est tout simplement la possibilité d’écrire. Même si c’est LOL pour dire Laugh Online, au lieu de dire « Ha, Ha, Ha je rigole » (on s’en fout des codes générationnels), on retrouve ce côté un peu romantique, surtout dans les mails. Après il ne faut pas oublier de se voir bien sûr !

Tof : On va finir avec tes projets à venir . Et d’ailleurs tu sais qu’on peut faire des concerts sur le net maintenant, sur des communautés virtuelles par exemple ?
Zazie :
Bien sûr, ne t’inquiète pas on s’en occupe ! En fait plutôt que de sortir un live, on aimerait bien faire autre chose, en restant dans l’éphémère, sans qu’il y ait de support réel, et pour ça le net ça peut être bien. On échafaude un plan, pas encore très défini pour le moment.
Mais je m’imagine bien faire un live sur myspace, ou un autre site en temps réel, sans qu’il y ait la possibilité de pirater, bref que ça reste comme un vrai concert, avec ceux qui y étaient et ceux qui n’y étaient pas . On réfléchit à ça sur quelques dates plutôt que de faire comme d’habitude le sempiternel album live. Sinon le 1er Juin je commence à Nantes une vraie grande tournée, avec des dates en France, en Belgique, et en Suisse.

Nul doute que le public sera là une fois de plus pour t’applaudir à tout rompre. Merci pour ce très sympathique moment passé en ta compagnie et il y a fort à parier pour que tes prières les plus fantasmagoriques se réalisent. Tous les esprits gays et lesbiens se mobilisent pour cela en tout cas ! A bientôt On The Road Again !

CE QU’IL FAUT SAVOIR :
Sortie digitale du single Totem : Décembre 2006
Sortie digitale de l’album Totem, avec Frère Jacques en bonus : 5 février 2007
Sortie commerce des deux éditions de l’album Totem : 12 février 2007

Totem est disponible, à partir du 12 Février dans la boutique de notre rubrique musicale !

Les dates de la tournée 2007 :

– Nantes, Zénith >> 01 Juin 2007
– Bruz, Le MusikHALL >> 02 Juin 2007
– Strasbourg, Rhénus >> 06 Juin 2007
– Metz, les Arènes >> 07 Juin 2007
– Lille, Zénith >> 08 Juin 2007
– Paris, Zénith >> 13 Juin au 15 Juin 2007
– Dijon, Zénith >> 26 Sep 2007
– Grenoble, Summum >> 28 Sep 2007
– Lyon, Halle Tony Garnier >> 29 Sep 2007
– Nice, Nikaia >> 03 Oct 2007
– Montpelier, Zénith >> 04 Oct 2007
– Marseille, Le Dome >> 05 Oct 2007
– Toulon, Zénith >> 06 Oct 2007
– Caen, Zénith >> 10 Oct 2007
– Rouen, Zénith >> 11 Oct 2007
– Orléans, Zénith >> 12 Oct 2007
– Cournon, Zénith >> 13 Oct 2007
– Limoges, Zénith >> 17 Oct 2007
– Bordeaux, Patinoire >> 18 Oct 2007
– Pau, Zénith >> 19 Oct 2007
– Toulouse, Zénith >> 20 Oct 2007

Surtout n’hésitez pas à visiter www.zazieonline.com, et le site myspace de Zazie

Photos de Laurent Seroussi et Ludovic Carême


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