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Elodie Frégé : J’ai un côté lucide, qui fait que j’angoisse beaucoup sur les hommes

Un Vendredi soir comme beaucoup, baigné de la lumière et de la douce euphorie d’un week-end qui s’annonce radieux. Je suis serein alors qu’il est 18h30 et que je ne suis pas encore rentré chez moi. Aujourd’hui j’ai rendez-vous avec un joli brin de jeune fille qui mine de rien devient peu à peu une femme, avec ses inquiétudes, ses rêves, ses déconvenues. Ses textes s’en ressentent, toujours un peu mélancoliques et torturés, mais aussi plein de tendresse, et de fraîcheur. La porte du bureau s’ouvre sur un regard jovial, qu’on m’avait pourtant prédit fatigué par une longue journée de promo. « Salut, laisse-moi juste un instant on va pouvoir commencer . ». Je m’installe dans une salle lumineuse à souhait. La belle revient et hésite un peu avant de choisir une chaise. D’emblée elle est touchante de simplicité et de gentillesse. Elodie est fière de ce second album, plus mature et posé. Tout est prêt pour la rencontre d’une artiste de qualité :

Tof : Salut Elodie, alors avant tout je voulais te dire que je suis très heureux de te rencontrer car je me souviens que l’an dernier nous avons reçu des tas de mails d’internautes, qui réclamaient une interview d’Elodie Frégé sur CitéGay !
Elodie Frégé:
Wahou ! Et bien écoute je suis très touchée . Mais alors je suis une icône !!?? Non je plaisante [Rires] Je ne pense pas en être une, mais en tout cas ça fait vraiment plaisir. C’est-à-dire que les gens étaient assez impatients de connaître cet album parce qu’il a quand même été terminé à la mi-février, pour mon anniversaire, et tu te rends compte qu’il ne sort que maintenant en Septembre, donc ça a été très lourd d’attendre, aussi bien pour eux que pour moi. Enfin la période est bien choisie donc ça va .

Tof : Comment te sens-tu au moment de sa sortie ? J’imagine que ça doit être à la fois un mélange de tension et aussi une sorte de délivrance, vu qu’il te ressemble probablement plus. T’a-t-il valu moins de pressions que le premier . ?
Elodie Frégé:
Oh tu sais j’ai jamais senti de réelle pression, aussi bien sur cet album que sur le premier. C’est vrai que pour le premier j’avais un directeur artistique attribué. C’est pas grave hein ça veut pas dire qu’il a été incompétent [Sourire]. En fait, je pense qu’ils avaient dû choisir un univers qui pouvait correspondre à chacun des quatre derniers finalistes : Sofia, Patxi, Michal et moi. Ils avaient choisi un panel de chansons pour chacun, ne sachant pas qui allait être le gagnant. Donc je me suis retrouvée à devoir choisir parmi une sélection. Ensuite j’ai réussi à mettre trois chansons à moi mais bon comme j’étais déjà un peu cernée par la sélection et le genre, j’ai pas pu m’éclater complètement dans l’écriture, ce que j’ai pu par contre largement faire sur le deuxième.

Tof : On peut dire que c’est un nouveau départ ?
Elodie Frégé:
Oui ou alors plutôt un retour aux sources . C’est sûr qu’il me ressemble beaucoup plus que le premier album. Mais en même temps ce serait aussi mentir que de dire que le premier ne me ressemblait pas. Il y avait déjà un côté mélancolique qui fait partie de moi à la base, mais la réalisation de m’avait pas vraiment plu. Je voyais mes chansons autrement et j’avais assez hâte de revenir à mes bases, et un jour j’ai repris ma guitare et j’ai vu que je pouvais composer des morceaux. En fait je n’avais jamais essayé avant. C’est après la tournée de la Star Academy que j’ai senti que j’avais besoin d’indépendance et de me retrouver seule. J’ai créé ainsi quelques bribes de textes qui sont ensuite devenues des chansons.

Tof : Est-ce que tu continues à travailler ta voix ?
Elodie Frégé:
Et bien en fait je n’ai jamais pris de cours de chant. Peut-être que je devrais mais je trouve que ça a tendance à me perturber parce qu’ensuite je ne pense plus qu’à la technique. Et tout ça au détriment de l’émotion. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé à la Star Ac, où on t’apprend à chanter le plus fort possible et le plus juste possible, si bien que tu ne penses plus qu’à ça et après tu n’as plus vraiment d’émotion parce que tu es constamment en train de penser « Han ! Ho non, j’ai oublié de faire ça là ! Ah non ma note était en dessous de ce qu’il fallait, il faut que je recommence . ». C’est dommage parce que tout le plaisir est faussé. Au moins quand tu chantes tes compos c’est beaucoup plus simple à interpréter .

Tof : Peux-tu me parler de ta rencontre avec Benjamin Biolay . C’est un peu le pygmalion qu’il te fallait comme Juliette l’a été pour Olivia Ruiz, non ?
Elodie Frégé :
Non pas vraiment [Sourires] en fait je ne cherchais personne en particulier. J’avais déjà des chansons prêtes pour l’album mais je souhaitais travailler avec d’autres compositeurs car je ne voulais pas que tout soit de moi. Je trouvais ça assez dangereux, surtout que j’ai une façon assez particulière d’écrire. Et puis un jour j’ai rencontré Benjamin et il a tout compris chez moi, et en fait il m’a même un peu boosté. Il m’a par exemple dit que j’avais une bonne technique de composition, que mes textes étaient intéressants par leur aspect torturé, le fait que je m’y dévoile sans vraiment m’y dévoiler. Et puis il m’a absolument encouragé à ce que je joue de la guitare sur l’album. En fait toute ces choses, je n’avais pas assez d’assurance pour m’en rendre compte seule. Le fait que quelqu’un que j’admirais me le dise, super élégant de surcroît, ça m’a fait beaucoup de bien .


Tof : Ah bon tu trouves vraiment que sa coupe de cheveux est élégante ? [Rires]
Elodie Frégé :
Et bien en fait je m’en fous un peu. Mais bon il était très bien aussi quand il a fait Rose Kennedy au niveau coupe de cheveux, mais je plaisante. [Rires]

Tof : Oui je te rassure moi aussi ! Peux-tu me dire de quelle manière tu as abordé cet album. Est-ce que par exemple tu es allé voir Benjamin en lui disant : voilà j’aimerais qu’on parle de ça, et puis de tel sujet aussi .
Elodie Frégé :
Non, non, Benjamin a pris toute sa liberté. Déjà il m’a laissé prendre la mienne. Quand j’avais de nouvelles chansons, je lui jouais, et il a donc bien compris tout de suite que les thèmes que je préférais étaient ceux qui parlaient des relations homme-femme et des relations affectives tout simplement, tout ce qui touche au cour et à l’affect. Et en fait ça l’a inspiré. Je pense que d’une certaine façon j’ai pu être sa muse, parce qu’il m’a dit qu’il avait développé mon univers et mon style, et que c’est comme ça qu’il avait réussi à écrire des chansons comme La Ceinture ou comme Pas là souvent. Ce sont des choses que, soit je lui ai raconté machinalement au grès de nos conversations, soit je lui ai expliqué en parlant de la façon dont j’avais écrit telle ou telle chanson. Et puis il m’a tout de suite cernée. La première fois qu’on s’est vus je crois qu’il a compris qui j’étais et en plus il n’avait pas d’a priori donc il ne m’avait collé aucune étiquette et j’étais donc vierge de toute mauvaise opinion. Il a commencé à travailler et je me souviens qu’il m’a confié qu’il souhaitait écrire des chansons comme moi je les écrivais, en respectant mon style. Il y est vraiment arrivé car toutes ces chansons, j’aurais pu les écrire.

Tof : Vous avez dû donc passer beaucoup de temps ensemble. Une sorte de mimétisme a dû s’opérer .
Elodie Frégé :
Oui, en fait beaucoup de temps en studio. Ensuite on communiquait beaucoup par texto. Je lui envoyais un sms quand j’avais écrit une nouvelle chanson par exemple. En fait il sentait toujours les choses. Il n’a pas essayé de me faire devenir quelqu’un d’autre. J’étais déjà dans le même état d’esprit que lui pour l’écriture des chansons.

Tof : Comment te situes-tu par rapport à cette nouvelle tendance, on le voit avec Lio et Buzy, qui prône les vertus de la solitude et qui dit qu’il ne faut plus attendre le prince charmant ?
Elodie Frégé :
Mais non regarde, justement dans Pas là souvent je dis au prince charmant : Mais je n’tattendrai plus, Ma jeunesse est foutue, La tienne fout le camp. Mais, c’est vrai que j’ai un côté fleur bleue, et rêveur qui peut paraître naïf, mais j’y tiens ! Je veux rester un peu une petite fille, parce que je trouve que quelque part ça donne de la fraîcheur. J’aime beaucoup les personnes de 60 ans qui ont toujours ce truc dans les yeux qui fait qu’elles se demandent si demain elles peuvent encore rencontrer le prince charmant. Et en même temps j’ai aussi un côté lucide qui fait que j’angoisse beaucoup sur les hommes dans mes textes, et je m’en plains aussi pas mal.


Tof : C’est ce qui fait sans doute que le public masculin gay t’apprécie .
Elodie Frégé :
C’est possible oui. Mes chansons plaisent beaucoup à mes amis homos qui sont toujours très touchés.

Tof : Et d’une manière générale te sens-tu concernée par les préoccupations des homosexuels ?
Elodie Frégé :
Oui ça m’intéresse parce que justement j’ai pas mal d’amis dans ce cas. Je n’en ai pas encore qui cherchent à adopter un enfant mais par contre je connais déjà un couple qui m’a demandé si je pouvais porter leur enfant. [Rires]

Tof : Sur le principe il n’y a rien qui te choque dans le fait qu’un enfant ait deux papas ou deux mamans ?
Elodie Frégé :
En fait je suis un peu en dilemme parce que je me dis que peut-être que dans ce cas de figure, un enfant peut être troublé psychologiquement mais à mon avis il vaut mieux qu’il soit élevé dans la joie et un foyer uni même si c’est avec deux hommes ou deux femmes, plutôt que de vivre entre deux parents hétéros qui se déchirent à longueur de journée, ce qui engendrerait également des troubles psychologiques. Non ? [Sourires]

Tof : En tout cas l’album fait ressortir une Elodie très passionnée en ce qui concerne ses relations, avec des textes qui font souvent intervenir un rapport de force. On a l’impression que tu n’imagines pas qu’une relation puisse être possible sur un pied d’égalité entre les deux partenaires .
Elodie Frégé :
Ouiii c’est vrai ! Tu es le premier qui me dire ça. Avant j’avais tendance à me « victimiser ». Je te dis non en est un bon exemple parce qu’à partir où tu dis que tu dis non, ça veut dire qu’il y a longtemps que tu as renoncé à dire non [Rires]. Et là il y a quelque chose chez moi qui a changé, peut-être un désir d’indépendance en tant qu’artiste, et aussi peut-être en tant que femme. J’ai maintenant besoin de savoir que je peux m’en sortir seul affectivement sans être obligée d’être nourrie de quelqu’un d’autre. J’ai besoin de savoir que la vie continue, même si une personne me quitte ou me trompe. Donc voila il y a quelque chose qui a changé c’est vrai, mais j’ai tendance à cultiver cet espèce de rapport de force homme-femme. Et j’avais tendance à penser que c’était souvent les hommes qui manipulaient le plus et finalement je crois qu’on est tous pareils sur ce point. Les hommes sont souvent victimes, pas de leur cerveau, mais de leurs « parties » [Sourires]. C’est un peu ce qui se passe dans la chanson Le jeu des 7 erreurs, qui est une sorte de Je t’aime moi non plus, entre la femme féministe et l’homme macho. Lui me critique comme les hommes savent critiquer les femmes dans le genre « Tu sais pas conduire », « Tu t’habilles mal » etc . Et moi je lui réponds que lui n’est qu’un animal. Finalement on se retrouve dans le refrain pour dire qu’on est tous prêts à s’entendre pour avoir une chance de vivre une histoire à peu près bien avec quelqu’un.


Tof : Pourquoi avoir choisi de reprendre cette chanson de Serge Gainsbourg ?
Elodie Frégé :
Un jour Benjamin est venu au studio avec l’album de Jane Birkin Ex Fan des Sixties, et en fait il m’a demandé d’écouter Le Velours des Vierges car il pensait qu’elle me correspondrait très bien. Ce texte m’a beaucoup touché parce qu’il y avait déjà ce thème de l’homme mauvais et vicieux et dont le fantasme premier et suprême est d’avoir des relations avec des jeunes filles vierges. Tout de suite j’ai pensé à l’inceste, au viol et à des trucs comme ça. Et alors je me suis dit que je pouvais chanter ce texte parce que ça pouvait me toucher, que je suis une femme, et que je viens de sortir de l’adolescence.

Tof : Si tu devais choisir une des dernières chansons, ce serait laquelle ?
Elodie Frégé :
Aaaah, c’est dur ! Franchement celle que je préfère c’est celle que je n’ai pas mis dans l’album [Rires]. Non franchement je les aime toutes. Bon je vais pas parler des miennes (Douce vie, Fous de rien, Je sais jamais, Chez moi ; ndlr) parce que c’est difficile de s’auto encenser, mais dans celles de Benjamin, je crois que La Ceinture me touche vraiment beaucoup, et celle qui m’a vraiment fait pleurer, c’est Il en faut. Elle est tellement simple et tellement réaliste de ce que j’ai pu lui montrer de moi, quand je lui ai avoué que j’étais un peu du genre à ne dormir que d’un côté du lit pour laisser la place à une âme sour qui viendrait combler le vide .

Tof : J’ai trouvé que cet album oscillait entre plusieurs styles musicaux, du disco sur La Fidélité, du jazz dans Pas là Souvent à la musique de film, pour Le jeu des 7 erreurs. Et puis ta voix est très à fleur de peau, un peu comme celle d’Ana Toroja (de Mecano) .
Elodie Frégé :
Ah oui ? Je pensais que tu allais plutôt me parler de Nancy Sinatra tiens ! [Rires]

Tof : Tout ça montre que tu as des gouts éclectiques, mais alors dans quel genre musical on ne t’entendra jamais, mais alors jamais ?
Elodie Frégé :
Alors contrairement à ce que tu pourrais penser je pourrais rapper et d’ailleurs j’adore ça . C’est pour moi avant tout une musique qui exprime l’amour des mots et du rythme. Je ne le ferais pas dans un album mais en tout cas pour m’éclater je serais capable de le faire. Sinon vraiment ce que je détesterais chanter ce sont des choses qui peuvent faire un succès en ce moment, c’est-à-dire des chansons avec une mélodie facile et un texte facile et ennuyeux. En tout cas ce genre de musique m’ennuie très vite . Et sinon je déteste tout ce qui est dance, techno, beuark ! Et le musette également [Rires]

Tof : Tu avais tourné le clip de Je te dis non avec Catherine Breillat, est-ce que ça t’a donné des envies de cinéma ou de réalisation ?
Elodie Frégé :
Et bien justement c’est moi qui ai écrit le scénario du clip de La Ceinture, parce que Jaco Van Dormael, le réalisateur, me l’a demandé et après il l’a remodelé quand on a tourné ensemble parce que j’y avais mis trop de détails. Justement c’est le problème qui se pose avec moi car c’est souvent très tortueux. C’est l’histoire de la main d’un homme sur mon visage et sur mon corps et seulement au dessus de la ceinture. Et ça évoque un acte d’amour avec au début le refus, ensuite le désir etc. Catherine m’avait dit qu’elle me voyait très bien faire du cinéma oui, en héroïne hitchcockienne telle Kim Novack etc. C’est vrai que ça m’intéresse, que j’ai eu des propositions avec des essais qui se sont super bien passés donc peut-être que des projets vont aboutir .

Tof : Peux-tu me parler de tes projets.
Elodie Frégé :
Oui des concerts. Je n’ai en fait jamais eu l’occasion de donner des spectacles seule, et là je donne rendez-vous à mon public, les 7 et 8 Décembre au Café de la Danse, un nom qui va bien avec mon album d’ailleurs je trouve .Et c’est un petit peu pour me roder parce que j’appréhende un peu mais en même temps j’ai hâte d’avoir un public pour moi seule. J’attendais ça depuis longtemps .Ce sera assez intimiste et j’espère qu’il y aura un violoncelle, avec une ou deux reprises et aussi des inédits que j’avais écrits, mais qui ne sont pas dans l’album . Ensuite si ça se passe bien je ferai une salle plus grande et une tournée française.

Et bien merci Elodie, le rendez-vous est pris ! Je peux dire sans risque de me faire lyncher, que cet album sonne vraiment comme la révélation d’une vraie artiste, beaucoup plus mâture que dans le premier, avec un vrai talent d’interprétation, et une voix tellement pleine d’émotion ! Il ne reste plus qu’à venir le savourer en live.

N’oublie pas de visiter le site officiel d’Elodie Frégé

Ici, tu peux lire la chronique-citégay et commander le cd du
Jeu des 7 erreurs

Elodie Frégé – Les 7 et 8 Décembre au Café de La Danse – 5, passage Louis-Philippe 75011 PARIS






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