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Carmen Maura et Marisa Paredes : Deux icônes en interview sur CitéGay !

L’hôtel est en ébullition. J’annonce mon arrivée au réceptionniste. Quelques minutes d’attente et on me fait signe que je suis attendu dans la suite Marlène Dietrich. Dehors le soleil darde ces rayons. L’hiver approche mais la journée est relativement douce et agréable. Je m’installe dans un luxueux salon. Manifestement un grande chambre non moins luxueuse se trouve juste à côté car je distingue quelques bavardages. Je m’apprête à rencontrer deux actrices majeures, égérie de la movida de Pedro Almodovar. L’une d’elle nous avait ébloui dans «Talons Aiguilles », « La fleur de mon secret », ou encore « Tout sur ma mère ». La seconde était déjà dans les premiers films du maître « Pepi, Luci, Bom et autres filles du quartier », ou encore « Femmes au bord de la crise de nerf ».
Aujourd’hui nous avons surtout rendez-vous pour parler d’un film évènement de Manuel Pedro Gomez Pereira, intitulé « Reinas » Une comédie burlesque sur fond de mariage homosexuel que je vous conseille vivement d’aller voir dès le 11 Janvier, tant ce film est rafraîchissant. Vous me direz notamment des nouvelles du jeune acteur qui joue le fils de Carmen, particulièrement craquant.
L’occasion de parler avec elles d’un sujet au cour de l’actualité, et de leurs expériences respectives d’actrices. Une porte s’ouvre et deux sourires radieux viennent à ma rencontre. L’entrevue peut commencer .

Tof : Bonjour Carmen et Marisa, félicitations pour cette superbe comédie ! Comment s’est passée la rencontre avec son réalisateur Manuel Gomez Pereira ?
Marisa Paredes :
Merci ! Manuel est quelqu’un de très connu en Espagne. Il a fait de nombreuses bonnes comédies, comme « Entre les jambes » avec Victoria April. Moi je travaillais pour la première fois avec lui, alors que Carmen le connaissait déjà. Pour ma part j’avais très envie de faire une comédie gay, car j’ai plutôt des rôles tragiques en général. Je voulais commencer avec quelqu’un qui connaissait déjà bien ce domaine.
Je voulais faire quelque chose de différent, ce film raconte plusieurs histoires qui se croisent à un moment donné. Un joyeux bazar entre cinq mères et six fils, j’ai été gâtée !
Carmen Maura :J’avais effectivement déjà travaillé avec Manuel comme assistante de direction sur son dernier film intitulé« Desafinado ».
Je voulais à tout prix retravailler avec lui en tant que comédienne car j’apprécie beaucoup son travail. C’est quelqu’un qui aime beaucoup les femmes en plus !
Le scénario m’a beaucoup plus. Je l’ai trouvé pratique car il met en scène plusieurs rôles principaux, et du coup je n’étais pas obligée de le supporter tout entier sur mes épaules. Le poids était réparti entre les comédiens [SOURIRE].
C’était amusant l’idée d’être cinq. Je connaissais mes partenaires et j’avais très envie de faire cette comédie plutôt claire, pas compliquée.
Chacune a travaillé son rôle séparément. J’ai trouvé cela parfait.
Le film disposait de moyens et on a toutes été très chouchoutées. C’était merveilleux !

Tof : Le film est sorti en Espagne le 8 Avril 2005, juste quelques semaines avant l’entrée en vigueur de la loi autorisant l’union entre des personnes de même sexe. Vous sentez-vous concernées par ce sujet ?
Marisa Paredes :
Oui c’est vrai, le film semble être sorti spécialement pour l’occasion, mais en réalité il a été écrit il y a plus de deux ans.
Carmen Maura : J’aime beaucoup l’aspect prémonitoire du film en effet ! [SOURIRE]
Marisa paredes : Qui ne se sentirait pas concerné ? C’est juste une question de droit de l’homme!
Je n’aime pas qu’une loi ne s’adresse pas à tous et crée des ghettos. Par dessus tout parce que la loi dit que toute personne est égale, même la loi. C’est une contradiction énorme qu’il faut changer, ou en tout cas affronter !
Carmen Maura :
Le thème du mariage des homosexuels est quelque chose dont on discute depuis des années et des années. J’ai moi-même beaucoup d’amis qui ont eu des problèmes pour rester à l’hôpital avec un ami, ou pour avoir un appartement.


Marisa paredes :J’ai reçu trois invitations pour assister à des mariages. Il était temps que cette loi existe !
En Espagne on avait un peu peur de ce que cela risquait de provoquer.
Quand la loi sur le divorce est sortie, les conservateurs pensaient que tout le monde allait divorcer et finalement ça n’a pas été le cas. C’était le même genre de débat en ce qui concerne le mariage gay.
C’est toujours bien qu’une loi existe, même si on ne s’en sert pas forcément…
Et puis d’une manière générale, je crois que la société est un peu en retard par rapport à ce que les artistes proposent.

Tof : Vous avez donc le sentiment d’avoir participé à un film utile . ?
Carmen Maura :
Lorsque j’ai lu le scénario je l’ai surtout trouvé très drôle mais je n’y ai pas vraiment vu un moyen de lutte pour arriver à avoir le mariage homo. Le hasard a fait que la sortie du film a coïncidé avec le vote de la loi.
Même si le fait de parler de ce sujet est plutôt une bonne chose, je ne crois pas que le propre d’une comédie soit de faire bouger les mentalités tu sais … Pour moi le meilleur cadeau, c’est quand quelqu’un que je croise dans la rue, me dit « Ho comme je me suis amusé en voyant ton film alors que j’avais une déprime horrible ! »
Les questions politiques sont autrement plus compliquées qu’une simple comédie. On a été très étonnés par la rapidité des évènements et l’acceptation de la loi. C’est une chose que les homosexuels demandaient depuis longtemps, et d’un seul coup on y était. On était très surpris que ça se passe si rapidement, et malgré l’opposition des milieux conservateurs !
En fait c’est devenu assez folklorique car les associations catholiques et la droite ont déguisé ça comme si c’était un problème à eux.
Ils ont fait des tas de déclarations et de manifestations dans lesquelles ils disaient que ce projet allait contre la famille et le vrai mariage. Alors dans ce cas je demande « Qu’est-ce que c’est une famille ? »
La question du mariage homosexuel n’a rien à voir avec l’Eglise, tout comme le divorce ! L’attitude de l’Eglise était proprement indigne, parce que tout ça n’est pas son problème !


Tof : Comment définiriez-vous le film alors ?
Carmen Maura :

Reinas est une comédie douce, plutôt sur les mères que sur leurs fils homosexuels d’ailleurs, mais à la base elle n’est pas revendicatrice … Peut-être qu’en France elle sera ressentie différemment.
Tu sais je trouve qu’ici les rôles d’homosexuels sont en général traités avec très peu de respect au cinéma. Par exemple, j’ai détesté la comédie « Pédale Douce », de gabriel Aghion.
D’ailleurs elle n’a pas eu autant de succès en Espagne, parce que là-bas on ne supporte pas cette image … Il y a dans ce film un manque de respect total vis-à-vis de la communauté homosexuelle.
Transformer tous les homos comme si ce n’était que des folles, folles, folles, folles [elle insiste 4 fois agacée] Non ce n’est pas la réalité ! On ne supporte pas ça chez nous.
Au moins avec « Reinas » on va aimer voir un film dans lequel les homosexuels sont respectés … Et je suis particulièrement fière de ça !

Tof : Peut-on dire que c’est un film féminin ? Parce que ce sont les hommes qui en prennent pour leur grade. Les pauvres, homo ou hétéro, ont l’air paumés, alors que les mères mènent la danse !
Marisa Paredes :
Tout à fait ! Les hommes pleurent même souvent dans le film.
C’est une partie de l’évolution qu’est en train de connaître l’Espagne.
Il faut dire aussi que les rôles pour les femmes y sont plus nombreux aujourd’hui. L’image des deux sexes a beaucou évolué.
Il y avait par exemple un dicton en espagnol qui disait « les hommes ne doivent pas pleurer ». Aujourd’hui en Espagne les hommes ont le droit de pleurer parce qu’ils ont intégré le fait qu’ils ont un côté féminin en eux. Ca fait partie de l’évolution de la vision que l’homme et la femme se renvoient l’un l’autre.
Carmen Maura : C’est un film dans lequel les rôles sont inversés et j’adore ça. En même temps sont-ils si inversés que cela ?
Marisa Paredes : Bien sûr ce n’est pas une généralité, le machisme existera toujours plus ou moins dans notre pays. On ne peut pas effacer des années et des années d’histoire comme ça !


Tof : Sans en dire trop, le montage du film est très particulier, avec à la fois une partie en flash back puis un mode de narration plus conventionnelle. Chaque histoire vient finalement se télescoper à un moment précis, pour reprendre son évolution normale, un peu comme dans les épisodes britanniques de la « ligue of gentlemen ». Etiez-vous au courant de cette originalité ?
Marisa Paredes :
Pas du tout, je n’avais aucune idée de ce que donnerait le résultat final.
En fait chaque actrice avait déjà tourné un peu séparément. Le réalisateur nous a beaucoup rassurée en nous expliquant un peu ce que cela allait donner. Et on a reconnu les mots qu’il avait eu au moment même où nous avons découvert le film pour la première fois. C’est une vraie originalité en effet …

Tof : Vous avez chacune donné la réplique à de jeunes comédiens pratiquement débutants, comment vous êtes vous entendue avec eux ?
Marisa Paredes :
Très bien ! Je suis toujours enthousiaste de travailler avec la nouvelle génération, car avec elle, viennent de nouvelles idées.
Je me suis souvent considérée comme une « précurseuse » et en voyant cette nouvelle génération si innovante ça me rassure de voir que je n’ai pas eu tort.
Carmen Maura :

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