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A-Ha :  »Les gens ont compris qu’on n’était pas un boys-band à la Backstreet boys »

Je ne sais que depuis trois jours que l’entretien est confirmé et je ne tiens toujours pas en place.
Dans ces moments là comme à chaque fois, impossible de me rappeler du trajet que prend le métro qui m’amène sur le lieu de la rencontre. Je suis tellement concentré sur mes questions, et nerveux, que vraiment tout pourrait arriver sans que je sorte de ma bulle.
Aujourd’hui l’évènement est de taille car j’ai rendez-vous avec un duo de vikings norvégiens. Mais n’imaginez pas des clones d’Asterix et Obelix avec grosses moustaches et tresses, je vous parle de deux magnifiques garçons qui portent sur leurs épaules toute la légende des années 80, même si leur champs d’action dépasse largement cette période, puisque la tournée qu’ils ont commencé devant 120 000 personnes à Oslo l’été dernier, fait escale au Grand Rex pour un concert à guichets fermés.
Un concert qui marque également la sortie du nouvel album: Analogue.
Ce trio légendaire, composé de Morten Harkett, Magne Furuholmen et Paul Waaktar-Savoy, est cité désormais en référence par les plus grands, à savoir U2, Pet Shop Boys ou encore Robbie Williams.
Une reconnaissance résumée en trois lettres de feu qui brillent au firmament depuis le début des années 80 : A-Ha
D’entrée je suis frappé par la beauté incroyable des deux géants (Paul, le troisième est absent), qui n’ont pas bougé malgré l’approche de la cinquantaine.
J’ai littéralement l’impression de serrer la main à deux bûcherons canadiens, surtout Morten dont la poigne est assez calleuse. Je frémis, terrassé par le charisme des deux hommes : Morten se la joue beau ténébreux, avec son pull col roulé noir qui fait ressortir des abdos dignes d’un Batman des temps modernes, et Magne, celui que j’ai toujours préféré à cause de sa gueule d’ange, est habillé dont les tons clairs.
Dans un coin de la pièce, je découvre un individu âgé, plutôt mystérieux qui semble assoupi ou surveiller l’entretien …
Je décide de ne pas y prêter attention et entame la conversation


Tof : Bonjour Morten et Magne, content de vous voir en France ! Votre huitième album Analogue, vient de sortir. Cette fois il est mixé par Martin Terefe (Glen Scott « Without Vertigo »à et Flood (U2, Dépêche mode, PJ Harvey).
Quelle couleur sonore vouliez-vous donner à ce nouvel opus ?
Morten Harkett :
En fait, nous n’avons pas eu de but bien défini
Au moment où nous avons commencé à l’écrire, personne ne savait réellement le résultat que ça allait donner. Nous avons juste voulu offrir des chansons très différentes.
Magne Furuholmen :A-Ha est maintenant la somme de trois personnalités différentes et complémentaires, avec des manières différentes de composer, alors qu’à nos débuts nous étions plutôt un groupe divisé en trois. Sur cette album nous avons donc chacun apporté notre sensibilité

Ok, et pourquoi avoir choisi « Analogue », comme titre ?
Morten Harkett :
Analogue était vraiment un titre intéressant pour un album. C’est un terme qui peut avoir plusieurs significations.

Nos chansons sont cette fois peut-être un peu plus obscures que ce que nous avions fait auparavant, et il y a même une part de mysticisme.
Analogue est un peu le contraire de Digital. Du point de vue sonore, nous avons remarqué une vraie renaissance des équipements analogiques actuellement. Beaucoup des machines utilisées pour faire des disques, viennent des années 40, 50, 60.
Peut-être en partie parce que c’est « tendance » mais essentiellement parce que la qualité liée à ces machines n’a jamais été égalée…
Sur notre album tous les vocaux ont été traités avec des équipements analogiques de différents types. C’est ce qui a donné leur caractère aux chansons et qu’on ne peut retrouver qu’à travers cette technologie.
Ces équipements sont très chers et beaucoup essaie actuellement de reproduire leur résultat, sans succès. Et puis l’esprit n’est plus là lorsque tu essaies de reproduire quelque chose .
C’est assez bizarre de voir qu’on n’arrive pas égaler les système des années 20 par exemple, c’est valable aussi pour les objectifs photographiques.
Mais une chose est sûre, à l’époque le souci principal était la qualité alors qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas.
Nous avons essayé de rester fidèles à cet esprit.


Tof : Quels sont les sujets traités dans cet album ?
Morten Harkett :
Ce sont pour la plupart des chansons qui parlent des relations entre chacun, et ça s’adresse donc directement à l’auditeur.
Par exemple Celice, le premier single, est assez sombre. Il utilise une jeune fille appelée Celice, comme métaphore pour parler de ses relations.
Célice vient de Cilicia qui veut dire torture.
Nous avons voulu parler de la quête qui émane des personnes qui se lancent à corps perdu dans les relations sexuelles.
Il y a des personnes qui s’infligent des tortures avec des instruments, en contrôlant le désir.
Et puis la vidéo montre différents aspects de la prostitution. C’est une sorte de réflexion sur le pourquoi de telles situations. Alors qu’à la base il y a le même besoin d’amour, chacun utilise des manières différentes pour y arriver, au risque de se perdre.
Le sens de la chanson Cozy Prisons, est assez proche de Celice dans le sens où elle parle d’une quête de soi.
Cela parle de toute l’énergie déployée à être le meilleur dans la vie, bien manger, bien dormir, arrêter de boire lorsque c’est nécessaire, bref prendre part à une espèce de quête du pouvoir, alors que la fin est malheureuse et misérable. Cela parle aussi du besoin de reconnaissance d’autrui que l’on peut éprouver. Ce n’est pas vraiment un texte sombre mais engagé, comme peut l’être l’Art tout simplement.
Tu sais lorsque tu réagis aux choses ou à toi-même c’est comme une rencontre avec toi-même. Si tu es toi-même tu es plus différent que n’importe qui.C’est comme cela que tu construis ton identité et c’est important.
Magne Furuholmen : Oui je ne pense pas qu’il y ait un thème principal à cet album. Chacun de nous trois y a apporté sa sensibilité. C’est vrai que Celice et Cozy Prisons, par exemple, sont différentes, mais elles ont en commun un même thème qui pourrait être « ne te cache pas de toi-même ». Nous avons chacun une façon différente d’écrire. Les thèmes qui m’importent personnellement sont les relations avec les autres et cela se ressent sur ces deux chansons dont je suis l’auteur, Paul parle beaucoup de sa jeunesse.
Tu sais il y a quelques années, j’ai eu un problème cardiaque sérieux et j’ai vraiment cru que je n’allais plus pouvoir vivre normalement. Ca peut sembler extrême, mais avec le recul, je crois que cette expérience est ce qui m’est arrivé de mieux dans ma vie. Cela m’a permis de remettre les choses en perspective et de me concentrer sur ce qui est vraiment important. C’est une idée largement exploitée dans l’album.


Tof : On parle de Celice comme d’une version adulte de la vidéo de Take On Me . Il n’y a pas un risque que ce clip soit censuré ?
Morten Harkett :
Cette vidéo est assez originale, basé sur une idée forte. On a filmé des personnes dans leurs ébats sexuels et d’autres en situation d’isolation, en partie dans une maison close de Berlin, à l’aide d’une ingénieuse caméra thermique.
Evidemment le risque de censure existe mais je le comprends car il montre des actes sexuels de manière assez explicite! Mais le but n’était pas de montrer simplement des personnes dans leurs ébats sexuels, il montre la nature humaine au plus profond d’elle-même, ce qui peut être dérangeant. Et à partir du moment où le spectateur réagit à ce qu’il voit, s’il est mal à l’aise par exempl, c’est que le contrat est rempli !

Tof : A-Ha est un groupe qui existe depuis bien longtemps maintenant. Finalement vous êtes vous séparés à un moment ? Y a-t-il eu quelques tensions comme ce qu’on a pu voir au sein de Dépêche Mode, lorsque Dave Gahan réclamait d’être plus impliqué dans l’aventure au niveau de l’écriture ?
Morten Harkett :
Non ce n’était pas ça mais plutôt un besoin naturel de liberté. Je ne suis pas vraiment d’accord avec l’idée de séparation. Nous avons juste fait dormir temporairement le projet A-Ha.
Nous avions envie de nous réaliser au travers de projets solo, mais ceux-ci auraient été réalisés même si A-Ha ne s’était pas arrêté.
Magne Furuholmen :C’était un vrai besoin et il fallait qu’on s’épanouisse, Paul avec son groupe Savoy, Morten, avec des albums en norvégien, et moi-même avec mon album solo et mes activités de peinture et de sculpture.


Tof : Quel regard portez-vous sur votre carrière. Est-ce que c’était « Sex, Drug & Rock’n Roll ?
Magne Furuholmen :
Pas du tout! Moi je suis marié avec la même femme depuis 20 ans, Paul également . Nous ne sommes jamais tombés dans les clichés Sex Drug & Rock ‘n Roll et tant pis si les journalistes trouvent cela ennuyeux !
Regarde en ce moment, ils ne s’intéressent à Pete Doherty que pour ses problèmes de drogue… Ils ne parlent pas du tout de sa musique. Si ce garçon a envie de s’autodétruire, c’est son affaire.
Pour ma part je n’ai pas cherché à faire ce métier pour la gloire facile, je voulais trouver un moyen de m’exprimer. Depuis j’ai exploré d’autres voies, comme la peinture.
Si certains recherchent la gloire, l’argent, la dope, tant mieux pour eux. On peut très bien être dans un groupe et vivre loin de ces clichés.
Par le passé, cela ne devait pas être facile tous les jours de se dire fan de A-Ha … Mais depuis quelques années notre image a changé. Les gens ont compris qu’on n’était pas un boys-band à la Backstreet Boys !

Tof : Préfèrez-vous être musiciens aujourd’hui ou c’était plus agréable dans les années 80 ?
Morten Harkett :
Nous avons sans aucun doute une plus grande liberté aujourd’hui, et un rapport plus sain avec notre public. A nos débuts tout allait très vite, à peine tournée finie, il fallait embrayer sur un nouvel album .
Magne Furuholmen : Je suis beaucoup plus heureux au sein de A-Ha maintenant, même si l’industrie du disque est ce qu’elle est aujourd’hui. Malheureusement il faut bien dire que la musique est beaucoup plus pensée en terme de produit désormais, au détriment de la qualité artistique.
Ce qui arrive en ce qui concerne les téléchargements est bien mérité !


Tof : A-Ha a toujours eu une part de public gay. De quoi cela tient-il d’après toi ?
Magne Furuholmen :
Si c’est vrai je ne saurais pas expliquer pourquoi. Peut-être sentent-ils qu’il y a une part de féminité en nous ?
Moi cela ne me gêne pas de la laisser s’exprimer, bien au contraire ! Mais tu sais, je ne considère pas notre public ainsi…
Je ne cherche pas à savoir quelle est leur religion ou leur sexualité, ce serait de la ségrégation. On s’adresse aux gens qui nous écoutent, point barre.

Tof : Morten, ta voix est toujours aussi magnifique. Est-ce que tu as pris des cours de chants ?
Morten Harkett :
Pas du tout, je ne suis aucune discipline particulière, mais la personne que tu vois là (il me montre l’homme assis dans le coin de la pièce) est un guérisseur qui me suit toujours. Je ne sais pas comment il procède, mais par quelques manipulations il réussit à me révéler à moi-même, et j’ai toujours les meilleurs résultats. Tu connais mon perfectionnisme .

Tof : Magne, avez-vous une méthode particulière de travail pour l’écriture de vos textes ?
Magne Furuholmen :
Je ne sais pas si on peut réellement parler de méthode. Ce qui est sûr c’est que mon travail de peinture, et de sculpture (céramique ; ndlr) doivent influencer ma façon d’écrire et vice versa.
Le fait d’avoir travaillé sur un album solo aussi, a dû m’aider à m’exprimer plus facilement.
En ce moment quand j’écris une chanson j’ai la musique et le texte qui m’arrivent en même temps.
Je ne me sens pas capable de la finir tant que je ne l’enregistre pas et par contre à l’enregistrement je suis capable de visualiser les parties manquantes immédiatement. En art il m’arrive couramment de travailler sur plusieurs oeuvres en même temps jusqu’à ce que le tout soit achevé.
Morten, quant à lui, aime commencer l’écriture de textes et laisser le soin à Paul ou à moi de la finir.
En fait je suis très inspiré en ce moment. Mon ordinateur est bourré d’idées…

Tof : Une dernière question : Que pensez-vous de l’incursion dans le monde de la musique par le phénomène de la Real TV . Je pense notamment au concours qui a été organisé pour trouvé un nouveau chanteur au groupe InXS ?
Morten Harkett :
Faut-il vraiment répondre ?
Magne Furuholmen : Je n’ai jamais été un grand fan d’InXS, mais je suppose que Michael Hutchence doit se retourner dans sa tombe s’il voit ce qui se passe dans son dos. J’essaie d’éviter de regarder tout cela car pour moi le concept de la télé réalité revient à regarder des gens ennuyeux faire des choses ennuyeuses.
C’est difficile aujourd’hui de démarrer pour un nouveau groupe. Heureusement il y a des possibilités avec les web pour se faire connaître. L’important est de trouver son public sans être obsédé par la gloire.

Le temps semble avoir suspendu son cours et on me fait déjà signe que l’entretien touche à sa fin. Je me dis que je viens de me trouver en face de l’illustration vivante de la fameuse phrase : « Un esprit sain dans un corps sain » car beaucoup de sagesse émanent de A-Ha, au point que je vais sans doute me précipiter sur l’écoute de l’album Analogue dès que je serai arrivé au bureau. Et puis un peu de sensibilité dans ce monde de brutes ne fait pas de mal, bien au contraire !


A-Ha au Grand Rex le 14/11/05 (COMPLET)

Le dernier album de A-Ha, Analogue , est dans notre boutique

Visitez le site officiel de A-Ha en cliquant :ICI (Extrait de Celice en écoute)

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