in

Cerrone :  »J’ai toujours sorti des albums avec un scandale autour »

17h01 : Je ne suis toujours pas au studio d’enregistrement Malligator où je suis sensé poser mes questions à Cerrone . Déjà je culpabilise du retard qui s’annonce : J’avais rendez-vous à 17h00 . Ouf ! pas de panique, j’aperçois le portail … J’ouvre nerveusement, c’est une charmante jeune femme au léger accent canadien qui m’accueille . « Hello ! C’est pour CitéGay c’est ça ? Asseyez-vous, Marc (Cerrone) ne va pas tarder, il est encore en entretien pour un magazine, il adore ça les entretiens : ça le rend intarrissable ! » Voilà qui est rassurant . Petit coup d’oeil sur les nombreux disques d’or et de platine, présentés ça et là sur le mur, déjà l’entretien qui me précède, touche à sa fin . « Allez on enchaîne ! » Je tourne la tête pour découvrir Cerrone en personne, qui m’invite dans son bureau . « Et oui c’est comme chez le médecin ici, on enchaîne les rendez-vous » précise-t-il en riant .

Tof : Bonjour Cerrone et merci de m’accueillir pour cette interview. Aujourd’hui tu es une réelle référence musicale, et on peut quasiment dire que c’est toi qui a créé le Disco, au début des 70’s …
Cerrone : C’est vrai qu’on m’associe à la naissance du Disco, mais sans vouloir jouer Cosette, je n’ai pas l’impression d’avoir inventé quelque chose . J’ai ma personnalité et mon son . Par exemple on ne dit pas que Santana a inventé un style de guitare . Disons que j’ai organisé la médiatisation de mes disques, puisque les maisons de production refusaient de les sortir, qu’à l’époque je ne pouvais pas passer en radio, qui n’étaient d’ailleurs que deux, et puis que j’étais hors format, puisque le titre Love in C Minor, de mon premier album, faisait 16 minutes et demi et démarrait avec 2 minutes et demi d’une partie de cul sans musique .

Tof : Mais comment définir la spécificité du son Cerrone ?
Cerrone : Si tu veux, comme je suis batteur, au mixage ça me paraissait logique de mettre la batterie devant, et ça en a dépassé plus d’un . Ca ne se faisait pas, et donc on m’a appelé le bûcheron. C’était mal parti pour espérer être commercialisé . Je ne faisais pas de la musique comme tout le monde et j’ai donc été marginalisé par les médias . Il s’avère que je faisais de la musique pour les discothèques .


Tof : … D’où le concept de Disco ?
Cerrone : Oui, en fait j’ai simplement enlevé thèque de discothèque à cause de la mode américaine 70’s qui s’amusait à couper les mots . C’est aussi con que ça . Musicalement je ne crois pas qu’on puisse inventer quelque chose aujourd’hui . On arrange à sa façon, on interprète . Non franchement pour en revenir à ta question de tout à l’heure, partant de ce principe, je ne peux pas dire que j’ai inventé le Disco, dans le sens où il s’agit simplement et littéralement de « musique pour discothèques », et c’est vaste !

Tof : Dis-moi, cela faisait huit ans que tu n’avais plus fait d’album . Avec ce seizième opus intitulé Hystéria, qu’as-tu voulu prouver ?
Cerrone : Rien du tout ! J’ai fait un album de plus, tout simplement . Il arrive logiquement après l’aparté avec Bob Sinclar , qui était en fait un best-of sous forme de set que je lui avais demandé . C’était une parenthèse qui ne se reproduira pas . J’estime qu’avec ce projet, qui représente tout de même 800 000 albums vendus, on a fait le tour .

Tof : Sa sortie a été repoussée à cause de la censure de la pochette, tout comme la pochette de ton premier album il y a vingt ans . Qu’est-ce que cela t’inspire ?
Cerrone : Les années passent mais la connerie persiste . Comme c’est le seizième album, on s’est amusés à placer un seize en rouge, à un endroit stratégique (sur les fesses d’une nana), en reprenant la phrase américaine « Not under 16 » pour qu’on croit que le contenu était interdit aux moins de 16 ans . La polémique est un peu partie de là .
En fait, j’ai toujours sorti des albums avec un scandale autour . Alors, on a écrit que ma pochette montre une partouze avec des mecs et des nanas à poil ; j’ai pas vu un mec . Il y en a même qui ont compté les 54 têtons visibles sur cette pochette . Bref, c’est du n’importe quoi ! Mais en fait je m’en tape le coquillard !

Tof : Tu penses que c’est lié au discours actuel sur la pornographie ?
Cerrone : Je ne sais pas mais franchement on en voit plus dans une pub pour rasoir, ou même la dernière pub de Saint Laurent où on voit carrément la queue du mec . D’un côté les maisons de disques trouvent cette censure plutôt bénéfique et moi je trouve même ça amusant, mais par contre c’est embêtant quand certains disquaires de province n’osent pas mettre le disque en écoute, parce qu’il est planqué à cause de la pochette .

Tof : Et ce qui est paradoxal, c’est que la pochette du maxi, qui n’est pas très différente, n’est pas censurée .
Cerrone : C’est parce que pour ça, c’est Malligator et donc moi-même qui décidons . Entre parenthèses, les affiches montrent la « partouze » en grand, mais là curieusement : pas de censure . Oui enfin c’est sans commentaire finalement .

Tof : Bon on comprend que ça t’agace . En tout cas, je voulais te dire qu’ à CitéGay on a beaucoup aimé le contenu . Peux-tu me parler de la conception d’Hystéria ?
Cerrone : Oui en fait il y a certains morceaux, comme Gonna Get You par exemple, qui ont été composés il y a longtemps . Le titre Hystéria, est lui le seul titre avec une voix masculine et c’est en fait un « accident » . Bob Mitchell est un Guide Vocal, une voix témoin, plus inspirante qu’une mélodie faite au piano, qui sert en fait à donner une idée de ce que sera le morceau, avant qu’on auditionne des chanteurs . On a d’ailleurs auditionné entre autres Yohan des Modjo , les deux chanteuses de Chic , et bien sûr mes chanteuses . Le fait est que le morceau fonctionnait réellement mieux avec cette voix . Ca le faisait !
Si on veut faire court, j’ai voulu un album festif en respectant deux points : d’abord éviter à tout prix de faire de l’ancien Cerrone, et ensuite utiliser de vrais instruments, mais découpés et mis en forme par les soins de gregory, pour le faire sonner électro .


Tof : Justement, peux-tu me parler de la collaboration avec ton fils Gregory ?
Cerrone : C’est Cadeau ! En fait quand on vend beaucoup de disques de manière internationale – on doit en être à 30 millions maintenant – ça implique un vrai intérêt de la part des maisons de disques et de gens compétents dans tous les domaines . Partant de là, impossible de caser son fils sous le seul prétexte que c’est son fils . Il a vraiment dû prouver qu’il était là pour une raison précise et que sa présence était indispensable . C’est un vrai cadeau, sachant qu’on n’a pas vraiment beaucoup vécus ensemble, puisque je suis divorcé de sa maman depuis seize ans . En fait, on n’ a pas vraiment eu des rapports père-fils . Il m’a pratiquement boosté, en me présentant Bob Sinclar, les Daft Punk, Modjo, tous ces gens qui font partie de son milieu puisqu’il est dj . Et bien sûr, il va sortir son propre album je pense fin 2003 . L’idéal, c’est que dans le futur on puisse en faire un ensemble tous les trois ans .

Tof : Il y a aussi une participation de Nile Rodgers (Chic) sur ton album . Comment s’est passée la rencontre ?
Cerrone : En fait on était trois sur un label américain : Nile Rodgers, Prince et moi, et les mêmes personnes s’occupaient de nous trois . Ca crée des liens !
Nile est unique, ça faisait un moment que nous avions décidé de travailler un jour ensemble .

Tof : Cerrone est très samplé actuellement . Tu le gères comment ?
Cerrone : Il y a eu beaucoup de merdes . Sinon il ne faut pas cracher dans la soupe non plus . Quand on est samplé par Paul Mac Cartney, et que celui-ci accompagne cela d’une belle lettre , ça fait plutôt plaisir . Il s’agissait en fait de 5 samples collés bout à bout, avec des voix de Goodnight Tonight de son groupe Les Wings . Le résultat est mortel de chez mortel ! C’est d’ailleurs dommage que ça ne soit pas sorti en france . J’ai vraiment apprécié sa démarche . C’est fou qu’il ait préféré utiliser mes samples plutôt que de me demander de venir jouer de la batterie . Ca lui aurait sans doute coûté moins cher .
Par contre quand j’ai découvert SuperFunk – avec du retard car je n’habite pas en France – et que j’ai découvert que ça n’était finalement qu’un copié-coller de 20 secondes d’un gros tube de Cerrone , j’appelle ça du vol !
Et puis il y a des trucs qui m’agacent vraiment, comme par exemple le tube planétaire Angel de Lionel Ritchie de l’année dernière . Toutes les orchestrations sont samplées Cerrone ! Alors le pauvre n’y est pour rien, c’est un dj hollandais qui est responsable du remix. Il a donc fallu que je réagisse .

Tof : Madonna t’a rendu hommage également …
Cerrone : Oui, elle a fait un tableau sur Supernature, très beau mais très froid, dans sa dernière tournée . Je dis Merci évidemment !

Tof : As-tu une anecdote à raconter sur la folle période des 70’s ? J’imagine que tu as bien connu le studio 54, par exemple ?
Cerrone : Oui, en effet c’était un peu mon fief ! Ben j’en ai plein des anecdotes mais ça n’est pas vraiment racontable . Aujourd’hui on ne comprendra pas forcément qu’on puisse s’amuser de choses aussi … folles !!! Je vois deux périodes en fait . Une première période Joints, Peace and Love . Mais le Love était déjà sous la ceinture . Moi je me sens plus de la période d’après 76 : Pas de problème de chômage, pas de problème de cul, tout était dans l’exubérance . Argent, drogue, abondance, tout était là . Et évidemment pas de problème de Sida . On ne pensait qu’à faire bouger son corps, par tous les moyens, contrairement à une période plus intellectuelle où le leg n’est pas très fort : je pense aux années 80 .

Tof : Quel rapport entretiens-tu avec le public gay ?
Cerrone : Je suis entouré de gays . Ils ont été les premiers à m’apprécier, et se sont montrés les plus fidèles . En fait on est seulement deux hétéros dans l’histoire : Mon fils et moi !

Tof : Peux-tu me parler de tes projets ?
Cerrone : D’abord la fameuse Hysteria Party à l’Olympia, le Vendredi 31 Janvier, qui va se ballader à travers le monde ensuite, et promet vraiment d’être un événement . On va virer les sièges et transformer l’Olympia en gigantesque discothèque de 22h à 7h du matin, et si tous les potes que j’ai invités viennent ce sera vraiment quelque chose ! The Only One, le deuxième single après Hystéria va sortir, avec un remix de Groove Armada vraiment génial .

Tof : Merci beaucoup de m’avoir reçu et à bientôt à l’Olympia !

17h50 : L’entretien fut passionnant et du coup j’ai débordé sur le temps qui m’était imparti . Je dois laisser partir Cerrone vers le plateau d’une émission de télévision qui l’a sollicité . Cerrone est bien comme je l’avais imaginé : preuve que le génie n’empêche définitivement pas la simplicité . Sympathique jusqu’au bout, il me signe avec enthousiasme un petit mot à destination des internautes de CitéGay . Merci pour ce pur moment et nul doute que nous serons nombreux à venir t’applaudir à l’Olympia le 31 Janvier !

Pour voir le vidéo-clip d’Hysteria : Clique Ici !

Pour acheter l’album Hysteria de Cerrone (succès garanti pour les fêtes) C’est Ici !

Et visite aussi Le site de Cerrone






Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Pacstualits 3

L’hebdo des Flamands roses du 13 dcembre 2002