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Séropositif et gay, j’ai été placardisé du jour au lendemain

Ce mardi, c’est la Journée mondiale de lutte contre le Sida. Chaque année, les discriminations à l’égard des personnes touchées par le VIH persistent, comme le montre un récent rapport de Aides. Jérôme Soletti, militant gay et séropositif, a vécu cela de près. Il témoigne.

Séropositif depuis 1988, c’est en tant qu’usager que j’ai contacté Aides la même année. Rapidement, j’y suis devenu volontaire, et en 1993, j’y ai été embauché en tant que salarié. J’ai témoigné très tôt, j’ai participé au premier Sidaction, et j’ai toujours revendiqué ce que j’étais : séropositif et gay.

C’est donc en connaissance de cause que, lorsque j’ai quitté Aides en 2001, une grosse structure pharmaceutique est venue me chercher pour mettre en place des actions envers les associations de malades. Étant un militant visible, ce choix m’a valu les foudres de nombreuses structures de lutte contre le Sida. Mais je pensais pour ma part qu’il y avait des possibilités d’agir de l’intérieur, et c’est pour cela que l’on m’a débauché.

Tout est allé très vite. Je n’ai rien vu venir

Pendant 7-8 ans, tout s’est bien passé. J’ai pu mettre en place de nombreuses actions, j’avais un poste à responsabilité et bien payé.

Puis il y a eu un changement à la tête de l’entreprise. Et tout est allé très vite. Je n’ai rien vu venir.

J’avais plus de 50 ans, mon poste coûtait cher et je ne rentrais pas dans le moule. De manière récurrente, j’ai commencé à avoir des réflexions sur le « lobby gay » de la part de mes supérieurs. Lorsque l’on parlait d’autres militants séropositifs et gays dans les réunions d’équipe, j’avais souvent le droit à une vanne mal placée : « Ah mais oui, c’est vrai que c’est votre ami. ».

Placardisé du jour au lendemain

Un jour, une nouvelle personne est arrivée dans mon équipe, et quasi instantanément, j’ai subi des réflexions sur mon travail : « Vous n’êtes jamais là » était la principale. Or j’étais en charge des relations avec l’extérieur, donc souvent en déplacement de par mes fonctions.

J’ai alors profité d’une réunion avec l’un de mes supérieurs avant son départ en vacances pour lui demander de le voir à son retour. Il m’a répondu que lui aussi souhaitait me parler. Et l’avalanche de reproches s’en est suivie : « Vous n’êtes jamais là » ; « Je ne suis jamais au courant de votre travail » ; « Et en plus, avec votre santé. ».

À la faveur d’une réorganisation interne, je me suis retrouvé sous la responsabilité de la personne qui avait 30 ans de moins que moi et qui venait d’être recrutée pour travailler dans mon équipe. Le directeur avait demandé à son numéro 2 de faire passer ça en son absence.

J’ai fini par me convaincre que j’étais incompétent

J’ai accepté cette restructuration parce que je n’avais pas le choix, tout en contactant un avocat. Cette placardisation a duré 18 mois. J’étais clairement fliqué. Alors je poussais l’ironie jusqu’à inscrire 10 minutes de pause sur mon agenda quand j’allais aux toilettes.

Au début, je réussissais à prendre du recul pour ne pas sombrer. Mais quand on vous considère à longueur de journée comme un incompétent total, vous finissez par vous convaincre vous-même que vous en êtes un. Je suis tombé en dépression.

Au bout de ces 18 mois, j’ai demandé un rendez-vous pour qu’on en finisse enfin. Bizarrement, le directeur était très agréable, sûrement soulagé. J’ai quitté l’entreprise en novembre 2011.

Lorsque je me suis retrouvé seul à Paris, j’ai vécu une véritable descente aux enfers. Au total, j’ai bien mis un an à me remettre de ces événements. Et je me suis souvenu de la vague de suicide chez Orange, que j’avais tant de mal à comprendre à l’époque. Si je n’avais pas eu la chance d’être si bien entouré, j’aurais craqué.

Source : NouvelObs




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