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États-Unis : le mariage gay devant la Cour Suprême

Le 16 janvier, la Cour Suprême des États-Unis d’Amérique a décidé d’accorder un writ of certiorari à un groupement d’affaires liées au mariage homosexuel. En droit constitutionnel américain, un writ of certiorari est accordé par la Cour de manière discrétionnaire et permet à une affaire donnée d’être traitée par les neuf juges les plus puissants du pays.

La Cour Suprême avait à plusieurs reprises refusé de délivrer des writs of certiorari dans des cas similaires. Elle a en effet l’habitude de ne pas s’intéresser aux affaires qui n’ont pas encore causé de dissensions au sein des juridictions inférieures. Plusieurs cours d’appel fédérales de circuit avaient jugé que l’exclusion du mariage homosexuel allait à l’encontre de la Constitution. C’était le cas pour les cours d’appel dont les juridictions englobaient le Texas et 23 autres États américains. Mais le 6 novembre 2014, la cour d’appel fédérale du 6ème circuit, qui siège dans le Connecticut, a estimé le contraire, posant alors un conflit entre différentes juridictions fédérales.

Le 26 juin 2013, dans le cadre de l’affaire United States v. Windsor, la Cour Suprême a jugé un pan de la Defense of Marriage Act (DOMA) inconstitutionnel. La DOMA est une loi fédérale promulguée en 1996. Dans l’une de ses sections, elle limite la définition du mariage – au niveau fédéral – à une union entre un homme et une femme. Le mariage homosexuel n’était donc pas reconnu par l’État fédéral, ce qui posait de nombreux soucis, notamment au niveau fiscal. Dans une décision opposant 5 juges à 4, la Cour Suprême a décidé que cet aspect de la loi était inconstitutionnel, violant le principe d’égalité devant la Loi, implicitement reconnu dans le Cinquième Amendement par le biais de la clause de procédure légale régulière (due process of law).

La différence notable entre l’affaire United States v. Windsor et les affaires qui seront bientôt jugées par la Cour Suprême réside donc dans l’enjeu étatique et non plus fédéral de telles législations. La DOMA était une loi fédérale, et en ce sens, elle n’interdisait pas aux États fédérés de célébrer des unions homosexuelles (une telle interdiction serait sans nul doute inconstitutionnelle), mais elle ne reconnaissait pas de tels mariages au niveau national. Il est ici question d’États fédérés interdisant les mariages homosexuels, ce que les Américains appellent same-sex marriage ban. Ces interdictions sont très souvent inscrites dans les constitutions des États fédérés, à l’instar de la Constitution du Dakota du Nord, dont l’amendement a été soutenu par plus de 70% des votants en 2004 : « Le mariage consiste seulement en l’union légale entre un homme et une femme. Aucune autre union domestique, bien qu’appelée mariage, ne peut être reconnue comme tel ou se voir attribuer le même effet juridique. »

Comment reconnaître l’inconstitutionnalité de telles interdictions ? Cette question sera largement débattue devant la Cour Suprême, mais l’on peut déjà prévoir que l’égale protection des lois sera évoquée.

Cette garantie est établie par le 14ème amendement de la Constitution des États-Unis d’Amérique, passé après la guerre civile américaine et dont on ne peut nier le lien fort avec l’anti-esclavagisme.
L’amendement interdit aux États fédérés d’imposer des législations violant l’égalité des citoyens devant la Loi.1 La garantie d’égale protection des lois a joué un rôle majeur dans l’histoire américaine et notamment durant le mouvement des droits civiques.

Ce fut notamment le cas dans l’affaire Brown v. Board of Education en 1954 qui mit fin à la ségrégation des écoles publiques noires et blanches, actant la mort de la doctrine de « separate but equal » qui autorisait les États fédérés à séparer Noirs et Blancs tant que ceux-ci disposaient de conditions égales. La garantie d’égale protection des lois a aussi été citée dans l’affaire Loving v. Virginia (1967) où la Cour jugea inconstitutionnelle une loi de l’État de Virginie interdisant le mariage interracial.

Le juge Anthony Kennedy de la Cour Suprême rendra sûrement le vote décisif. La Cour Suprême est en effet divisée entre conservateurs (Scalia, Thomas, Alito) et progressistes (Ginsburg, Kagan, Breyer, Sotomayor). Cette personnalité modérée change régulièrement la balance des décisions. Il a rejoint le camp progressiste en prenant position dans l’arrêt United States v. Windsor.

Il ne faut pas s’y méprendre : rien n’indique que la cour accepte le mariage homosexuel, même si elle a admis au niveau national le principe d’égalité de la loi relative au mariage homosexuel dans sa décision précédente United States v. Windsor. Les enjeux sont différents, puisque ce dernier ne concernait que le niveau fédéral (et non fédéré). La Constitution et la jurisprudence de la Cour Suprême admettent une large marge d’indépendance juridique et politique des États fédérés. Plus que la division entre conservateurs et progressistes, il faut aussi prendre en compte la division entre fédéralistes et nationalistes (les partisans de l’échelon local, c’est-à-dire des États fédérés, et ceux du gouvernement national, ou fédéral, NDLR) : certains juges sont moins enclins que d’autres à intervenir dans les affaires locales et tendent pour se faire à interpréter la Constitution de manière très étroite – c’est notamment le cas du juge Antonin Scalia, qui est aussi hostile à l’extension des pouvoirs de la Cour Suprême aux dépens du pouvoir législatif.

L’enjeu est aussi politique : les élections américaines se tiennent l’année prochaine. Le Parti Républicain répugne désormais à aborder des questions de société suite aux débordements de certains de ses représentants sur l’avortement en 2012. Il serait donc dans l’intérêt des Républicains que l’affaire soit jugée au plus vite pour ne pas perturber le bon déroulement de l’année électorale.

Source : Contrepoints




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