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Illico cesse de paraître : les prémices d’une mutation de la presse gaie

Nous le prédisions il y a plus d’un an, les rumeurs l’indiquaient avant même les turpitudes politico-juridiques du magazine. Illico vient d’annoncer qu’il cessait sa parution papier à la fin du mois après 19 ans de parution ininterrompue.

«Nous nous interrogions donc de façon « existentielle » sur l’avenir d’Illico quand un soubresaut aussi inattendu que fatal est venu nous frapper. La procédure d’interdiction engagée par le ministère de l’Intérieur à l’encontre d’Illico, il y a deux mois, est venu ajouter davantage de problèmes encore à une équation déjà passablement délicate.» indique Jacky Fougeray, directeur de la publication, dans son annonce.

«Lecteurs moins nombreux, effondrement du marché publicitaire, formule éditoriale contraignante face à la souplesse du web : tout concourt depuis deux ou trois ans à fragiliser et même hypothéquer l’avenir d’un « modèle » qui a fait les beaux jours de la presse gay parisienne» analyse-t-il encore.

Si la presse française dans son ensemble est profondément en crise, celle gaie est particulièrement fragile, comme le souligne également Didier Roth-Bettoni, autre figure d’Illico : «En coma dépassé depuis des mois, Pink TV n’a plus ni programmes ni abonnés et ne semble se survivre, de rediffusions en rediffusions (séries de seconde zone ou talks shows réchauffés), que dans l’espoir de vendre à qui voudra son canal de diffusion. (…) Douze ans après sa création,  » Têtu  » est toujours économiquement dans le rouge et repousse à dans trois ans son illusoire équilibre (…) La presse érotique ? Elle est moribonde et son sort paraît scellé à court terme. La presse gratuite, comme le magazine que vous avez entre les mains qui en fut le pionnier il y a 19 ans déjà, puisqu’il faut bien y venir ? Là encore, la cause semble entendue et le processus irréversible (…)».

S’il est vrai que la transition assurée par le magazine sur sa version web est effectuée, pour l’heure, avec succès au niveau audience, cela devra être également le cas en terme financier. Répétons encore que le web a également ses impératifs économiques et n’est pas l’eldorado fantasmé. Il y a des réussites, elles sont dans tous les cas toujours fragiles.

Comme au sein de la presse écrite identitaire, la concurrence est forte et a déjà conduit à la disparition de plusieurs sites, d’autres qui affichent une réussite de façade ne survivent que sous perfusion de capitaux ou en enchaînant les tours de tables et levées de fond auprès d’investisseurs suffisamment kamikazes pour voir partir à perte leur argent tout en continuant à rêver benoîtement de plus values mirifiques.

Quel paysage de la presse et de l’audiovisuel LGBT en France dans ces conditions ? Et bien une presse gay gratuite éclatée, parcellisée, de niche, qui cahin-caha continuera à paraître sans par ailleurs qu’aucun titre ne se distingue ou émerge faute de modèle économique viable permettant un développement pérenne. Têtu n’est pas menacé tant que le magazine sera sous perfusion de son propriétaire (NDR : Pierre Bergé) et dans l’attente d’un équilibre économique que le titre n’a pas trouvé depuis 12 années. Concernant Pink, si l’on ne peut pas encore parler d’un gisant, la chaîne semble subir ses derniers spasmes, la demande communautaire à une échelle nationale d’une chaîne gay n’ayant par ailleurs jamais été démontrée.

Le paradoxe actuel veut que les LGBT n’aient jamais été autant quantitativement prospectés par des médias communautaires, notamment grâce au web- notre lectorat culmine à 474000 visiteurs uniques pour le mois dernier (Source Médiamétrie E-stat), Têtu avance 220000 lecteurs mensuels concernant la presse écrite-, alors même que la presse identitaire semble traverser l’une des pires crises de son existence.

Finalement, le web est avancé une nouvelle fois comme la cause et le passage obligé de la presse identitaire, après être devenu le premier médium de sociabilité et de rencontres LGBT.

Il faudra in fine s’interroger sur la représentativité des instances de concertation communautaire, le SNEG en tête, dont les organigrammes, missions, centres d’intérêts et fonctionnements demeurent sourds et aveugles à la réalité du paysage gay actuel.

EN SAVOIR PLUS

Sur le commerce gai en général :
De la réalité d’une crise des commerces gais
SNEG : nouveau CA et changement de présidence

Sur Illico :
Illico : la réponse du magazine à la lettre du ministère de l’Intérieur
Nouvelles réactions à la menace d’interdiction du magazine Illico
Clarifications de GayLib concernant la menace pesant sur le magazine Illico
Illico, menacé d’interdiction par le ministère de l’Intérieur : nouvelles réactions
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Incompréhension pour le magazine gay Illico, menacé d’interdiction par le ministère de l’Intérieur

Sur Pink TV :
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